La TEFAF 2018 a marqué le retour en force de la peinture ancienne, alors que lors des précédentes éditions la sculpture et la peinture moderne recelaient les plus belles pièces. Cette année, au hasard des allées, on remarquait un Jacopo Bassano de belle qualité chez Gallo, un grand tableau de Charles Le Brun trônant chez Coatalem, deux Luca Giordano dans deux galeries différentes, un Boucher très décoratif dans son cartouche rocaille quelque part ailleurs.
Mais le tableau le plus rare et le plus précieux du salon, dans les faits et par l’effet, était une petite peinture d’un artiste hollandais du siècle d’or dont le nom ne dit, hélas, pas grand-chose au public, hors du cercle restreints des amateurs : Hercules Segers (vers 1590-vers 1638). Le Rembrandt du paysage. Appartenant à la même famille depuis deux cent cinquante ans, ce petit paysage blond sur fond bleu représentant une côte montagneuse déchiquetée où se devine comme par anamorphose de petits villages avait été exposé l’année dernière au Rijksmuseum et au Metropolitan Museum of Art.
Certaines des toiles les plus admirables étaient dues à des aussi peu familiers : on admirait chez Giacometti, un buste de saint en extase peint par Bernardo Cavallino d’une finesse et d’une sensualité toutes napolitaines tandis qu’une énigmatique et fantasmagorique allégorie représentant Mars châtiant l’Amour (soit la vertu guerrière masculine triomphant sur les vains appâts de l’amour) par un certain Camillo Mantovano (nous sommes à la fin du XVIe siècle) happait le regard sur le beau stand de la galerie Canesso, à côté d’une monumentale scène de bataille du Cavalier d’Arpin, l’employeur du Caravage à Rome. Enfin, pour le XIXe siècle, la galerie parisienne Hopkins avait rassemblé un estimable panel d’œuvres Nabies (Bonnard, Vuillard etc.) où se détachait une toile ésotérique due à Paul Ranson, le chef spirituel du groupe, représentant le Bouddha devant le Christ en croix, dans un panache de nuages anthropomorphes.
Tancrède Hertzog