Art en vieille-ville

À Genève, les amateurs d’art ont été amplement servis par la nouvelle édition d’art en Vieille-Ville dont plusieurs expositions automnales durent jusqu’en février 2012. Des photos de richard avedon chez Gagosian aux grandes peintures flamandes présentées par la nouvelle Galerie De Jonckheere, treize galeries et deux musées ont créé l’événement culturel de la saison. Galerie Sonia zannettacci Le nulle part d’Yvan Salomone  Nées de la photo, les aquarelles de l’artiste breton dressent l’inventaire d’un monde dévasté, loin de toute tentation documentaire. Des grues immobiles, des baraques de chantier abandonnées, des conteneurs à or ou à déchets, des entrepôts, des gravats. Des paysages, la plupart industriels ou portuaires, portés par la dimension de l’attente, du transitoire et qui, de Saint-Malo, Le Havre, Rotterdam, jusqu’à Shanghaï ou Dakar, ne retiennent, comme dit l’artiste, que le «n’importe où pourvu que ce soit nulle part». Par son mode d’accrochage qui évoque un monumental travelling dans les peintures, l’œuvre d’Yvan Salomone se déplace comme un journal de bord dont la réalisation est ouvertement préméditée. Depuis août 1991, le peintre réalise des aquarelles, au rythme d’une par semaine, selon des techniques immuables, conscient, comme d’autres créateurs contemporains, que la discipline n’est plus imposée de l’extérieur, mais qu’elle jaillit de la démarche elle-même. Sur un format toujours identique (104x145 cm), chaque image est un transfert sur le papier d’une de ses photos prises in situ à travers le monde. Le protocole ainsi délimité laisse le champ au jeu de la stratégie picturale dans laquelle, loin de la fusion...

À Genève, les amateurs d’art ont été amplement servis par la nouvelle édition d’art en Vieille-Ville dont plusieurs expositions automnales durent jusqu’en février 2012. Des photos de richard avedon chez Gagosian aux grandes peintures flamandes présentées par la nouvelle Galerie De Jonckheere, treize galeries et deux musées ont créé l’événement culturel de la saison.

Galerie Sonia zannettacci

Le nulle part d’Yvan Salomone 

Nées de la photo, les aquarelles de l’artiste breton dressent l’inventaire d’un monde dévasté, loin de toute tentation documentaire. Des grues immobiles, des baraques de chantier abandonnées, des conteneurs à or ou à déchets, des entrepôts, des gravats. Des paysages, la plupart industriels ou portuaires, portés par la dimension de l’attente, du transitoire et qui, de Saint-Malo, Le Havre, Rotterdam, jusqu’à Shanghaï ou Dakar, ne retiennent, comme dit l’artiste, que le «n’importe où pourvu que ce soit nulle part». Par son mode d’accrochage qui évoque un monumental travelling dans les peintures, l’œuvre d’Yvan Salomone se déplace comme un journal de bord dont la réalisation est ouvertement préméditée. Depuis août 1991, le peintre réalise des aquarelles, au rythme d’une par semaine, selon des techniques immuables, conscient, comme d’autres créateurs contemporains, que la discipline n’est plus imposée de l’extérieur, mais qu’elle jaillit de la démarche elle-même. Sur un format toujours identique (104×145 cm), chaque image est un transfert sur le papier d’une de ses photos prises in situ à travers le monde. Le protocole ainsi délimité laisse le champ au jeu de la stratégie picturale dans laquelle, loin de la fusion traditionnelle, s’affrontent l’eau et la couleur. L’aplomb des éléments qui architecturent puissamment l’image se heurte aux flaques de séchage. Les coulées s’épanchent, inondent le papier d’irréversibles effets de corrosion. L’image se forme dans cet entre-deux. C’est là, entre structuration et déstructuration, «rideau de larmes et assèchement des pleurs» selon l’artiste, que la métaphore du travail pictural prend d’autres résonances. Entre la liquéfaction de l’idée de l’inaltérabilité et la résistance au phénomène du «devenir-ruine» (détruit avant même d’être construit) évoqué par Robert Smithson dans son Tour des Monuments de Passaic, l’approche, bien qu’exempte de tout personnage, exhale un intense parfum d’humanité. Pour Sonia Zannettacci qui a rencontré l’artiste en 1992 et découvert très tôt ses premières aquarelles, l’élan fut immédiat. À partir de cette date, les créations d’Yvan Salomone ont toujours été présentées en bonne place à la galerie genevoise. L’exposition automnale «Voix Off» était complétée par un catalogue dont la préface était signée Anne Tronche.

Galerie rosa turestsky 

Les transgressions de Philippe Barde Né à Genève en 1955, l’artiste se joue des préjugés liés aux traditions ancestrales de l’artisanat pour pousser la céramique hors de ses limites. «L’art sert à nous essuyer les yeux». Cet aphorisme de Karl Kraus, on le dirait écrit pour Philippe Barde. On peut rester ébahi par la façon dont il enjambe les règles intangibles de l’art de la céramique et n’utilise le champ de ses possibles que pour mieux les dépasser. Reformuler les conditions de son travail, remettre en question jusqu’à sa gestuelle, questionner les stratégies de l’art contemporain, c’est une attitude qui a porté Philippe Barde vers les mondes culturels les plus divers, du Japon à la Chine en passant par les Pays-Bas. Son œil est forcément celui d’un chasseur. Un tireur à l’arc qui a toutes les flèches dans son carquois et qui choisit la bonne. La sienne, entièrement consacrée à dévoyer les frontières de la nature et de l’artifice, laisse surgir un art de la suggestion à la fois cérébral et tactile. Opposées à la pure représentation, ses créations rappellent toutefois le modèle, et c’est sans doute pour cela qu’il nous fait «nous essuyer les yeux.» Sous le titre Tous pareils tous différents, il avait présenté une série de rochers, polygones creux, ouverts sur un flanc, qui apparaissaient comme des énigmes formelles. Philippe Barde continue d’explorer une voie conceptuelle qui lui sied bien. Dans la récente série des Stone Wear que l’on a pu découvrir en cette fin d’année chez Rosa Turetsky, il inflige à des formes Art Déco des traitements d’émaux rétractés, parfois très expérimentaux, qui absorbent les reliefs et les anfractuosités et qui sont brûlés selon les techniques ancestrales de l’art du feu oriental. Le créateur rappelle ainsi qu’entre un moulage et ses transgressions, l’art de la céramique en ce qui concerne la reproduction de l’environnement et de la culture, a probablement autant à dire que les arts dits des nouveaux médias.

Galerie anton meier 

Dieter Roth, soi-même Vingt-cinq «speedy drawings» de l’artiste bâlois, anti-star touche-à-tout et génial boutiquier du dérisoire: un temps fort sur l’autoportrait, thème central de l’œuvre de celui qui fut l’un des grands artistes universels du XXe siècle. Die ter Roth (1930-1998) a conçu des meubles, il a peint, sculpté, filmé et réalisé des installations monumentales. Il a utilisé tous les matériaux possibles, y compris alimentaires et dégradables. Poète, musicien, il a fait de la vidéo, édité des livres d’art. «Flux artiste» de la première heure, il fit de l’imperfection humaine son genre, le Bad Art. Et dans toute sa trajectoire un seul sujet central: lui-même. Implacable, avouant son goût immodéré pour l’ironie, celui qui se qualifiait de «barbouilleur impertinent» aspirant à marier l’art à la réalité quotidienne n’a cessé de se questionner et d’interroger ses actes, son travail de création comme ses activités de tous les jours. L’exposition de dessins proposée cet automne par Anton Meier, s’est fait l’écho d’autres temps forts, les bustes en chocolat, l’ensemble Selbstbildnixs als…, série de «soi» morcelés sondant de manière radicale l’héroïsation de l’individu, jusqu’aux cent vingt-huit parties de Solo Szenen de 1997-1998, une représentation-fleuve de sa personne et de sa vie. Au-delà de l’exposition, Anton Meier dispose d’un fonds important d’œuvres marquantes – objets, estampes, etc. – de ce talent à multiples facettes. Voilà de quoi ouvrir le débat sur l’autoportrait remis en question par bien des artistes de la seconde moitié du XXe siècle et que seules des prises de position aussi résolues que celle de Dieter Roth ont permis de développer plus avant.

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