Le Regard d’un connaisseur

Très attaché à sa ville de Genève, façonnée par le calvinisme, notre collectionneur ne l’a jamais quittée, sauf pour effectuer des voyages culturels aux quatre coins du monde. Féru d’histoire, il se passionne aussi pour l’archéologie moyen-orientale et méditerranéenne, les périodes les plus reculées ayant sa préférence. Cet intérêt, manifesté dès sa jeunesse, l’a poussé à collectionner. Mais il n’est pas de ceux qui accumulent, torturé par la soif de posséder, de dépasser la concurrence. Il prend son temps, entre chaque acquisition, mûrement réfléchie. Collectionneur discret, mais soucieux de faire partager ses émotions esthétiques, il prête volontiers une partie de sa collection aux institutions qui le sollicitent. Je n’en retiens ici que six pièces majeures, me réservant d’en présenter d’autres plus tard. La première pièce est particulièrement remarquable. Martelée dans une tôle d’or très mince, elle se présente sous la forme d’un gros anneau plat, surmonté d’un trapèze percé de deux trous. On l’interprète comme l’image schématique d’une figure humaine, qu’on pouvait porter en pendentif. L’or dont elle est faite suggère une relation avec le culte solaire. Des pièces similaires sont répandues en Bulgarie (nécropole de Varna) et en Grèce septentrionale, où d’autres matériaux que l’or sont aussi utilisés: argent, pierre dure, terre cuite. Et la production de ces «idoles» couvre une longue période, de 4500 à 3200 avant notre ère. L’autre «idole» contenue dans la collection appartient au type dit «à yeux», ainsi nommé d’après les deux cercles accolés, évoquant irrésistiblement une paire de lunettes, qui surmontent le corps...

Très attaché à sa ville de Genève, façonnée par le calvinisme, notre collectionneur ne l’a jamais quittée, sauf pour effectuer des voyages culturels aux quatre coins du monde. Féru d’histoire, il se passionne aussi pour l’archéologie moyen-orientale et méditerranéenne, les périodes les plus reculées ayant sa préférence. Cet intérêt, manifesté dès sa jeunesse, l’a poussé à collectionner. Mais il n’est pas de ceux qui accumulent, torturé par la soif de posséder, de dépasser la concurrence. Il prend son temps, entre chaque acquisition, mûrement réfléchie. Collectionneur discret, mais soucieux de faire partager ses émotions esthétiques, il prête volontiers une partie de sa collection aux institutions qui le sollicitent. Je n’en retiens ici que six pièces majeures, me réservant d’en présenter d’autres plus tard.

La première pièce est particulièrement remarquable. Martelée dans une tôle d’or très mince, elle se présente sous la forme d’un gros anneau plat, surmonté d’un trapèze percé de deux trous. On l’interprète comme l’image schématique d’une figure humaine, qu’on pouvait porter en pendentif. L’or dont elle est faite suggère une relation avec le culte solaire. Des pièces similaires sont répandues en Bulgarie (nécropole de Varna) et en Grèce septentrionale, où d’autres matériaux que l’or sont aussi utilisés: argent, pierre dure, terre cuite. Et la production de ces «idoles» couvre une longue période, de 4500 à 3200 avant notre ère.

L’autre «idole» contenue dans la collection appartient au type dit «à yeux», ainsi nommé d’après les deux cercles accolés, évoquant irrésistiblement une paire de lunettes, qui surmontent le corps en cloche. Attestés dans tout le Proche-Orient, à la fin du IVe millénaire avant J.-C., ces objets caractéristiques varient en taille, de 5 à plus de 30 cm. L’exemplaire présenté ici, quasi intact, vaut pour son très haut degré de précision dans la taille et le polissage du marbre. Quant à la signification de ces objets anthropomorphes, il n’y a pas unanimité parmi les archéologues: ex-voto, amulette, symbole d’une divinité, voire ustensile (pour le travail de la laine), autant de questions pour le moment sans réponse.

Dans le domaine de la céramique, on admirera les formes élancées d’un vase à deux anses (canthare), dont la base circulaire assure un équilibre stable. La surface, de couleur brique, est soigneusement polie. Des vases à boire de ce genre ont été trouvés dans les niveaux I et II du site de Troie (2500 avant notre ère), d’où leur qualificatif de «troyen». On les trouve aussi dans toute l’Anatolie centrale et en Grèce.

Si l’on en vient maintenant à l’art du bronze, on parlera d’abord d’une magnifique figurine de cervidé, sûrement un mouflon. Réalisée selon le procédé de la cire perdue, elle révèle un corps creux, comme grillagé. L’attitude de l’animal, aux aguets, prêt à s’enfuir au premier danger, est rendue avec une sensibilité exceptionnelle. Les pattes sont soudées à la base rectangulaire (pour la fixation à un autre objet ?). Art d’Asie occidentale, probablement le Caucase. Ier millénaire avant notre ère.

Autre exemple d’art animalier: une tête de taureau, originellement rivetée sur un grand chaudron, où elle pouvait servir d’anse. Réalisée à la cire perdue, comme la figurine précédente, elle est creuse, avec les détails de surface incisés, notamment les plis autour des yeux. Par les sources littéraires, on sait que les lourds récipients auxquels appartenait ce genre de protomés représentaient une grande valeur marchande, servant de prix pour les athlètes victorieux, de cadeau à échanger entre hauts dignitaires, d’offrandes déposées dans les sanctuaires. Le style de la tête renvoie à l’Anatolie du VIIe siècle avant notre ère.

Dernière pièce: un bracelet en argent massif, aux extrémités recouvertes d’une légère dorure. Ces extrémités sont en forme de tête de serpent, à moins qu’il ne s’agisse d’un dragon, au col écaillé. On connaît d’autres bracelets de cette espèce, où les serpents-dragons se trouvent remplacés par des félins, des taureaux ou des bouquetins. Tous relèvent de la civilisation d’Urartu (Anatolie orientale, près de l’actuelle Arménie), du début de l’Âge du Fer, laquelle civilisation influencera le monde grec. Dans l’exemplaire figuré ici, on ne peut qu’admirer l’élégance de la forme, alliée à une étonnante virtuosité technique.

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