LUCKNOW PERLE DE L’INDE

Samarcande, Ispahan, Lahore… Il est des noms de villes qui résonnent à eux seuls comme des invitations à la rêverie, au voyage. Injustement dédaignée par les touristes, Lucknow, l’ancienne et brillante capitale des nawabs, renaît grâce à une magnifique exposition présentée au musée Guimet, à Paris. Miniatures et bijoux, verreries, métaux et broderies sont d’une beauté à couper le souffle. Dans la nouvelle ville, sont des rues à arcades et des palais peu élevés, mais très splendides,dont on ne soupçonne pas de loin l’existence. La mosquée, un grand palais avec un jardin, la porte de Rome, et un petit palais nouveau qui se font suite, forment une fantasmagorie d’édifices qui donnent le souvenir du Louvre et des beaux quartiers de Paris. Lucknow est plein de statues anciennes et modernes. L’Hercule, l’Apollon, la Vénus, les bergers et les bergères de Louis XIV et de Louis XV s’y trouvent. Il y a des vendeurs d’eau fraîche qui frappent sur des tasses en métal, comme les marchands de légumes et de fruits qui crient leur marchandise. Quand on est depuis longtemps accoutumé à la figure et à l’habillement des natifs, on peut se faire illusion et se croire à Paris», lit-on ainsi sous la plume exaltée de SaintHubert Théroulde, voyageur français goûtant les charmes de la cité entre 1838 et 1840. Rien de plus joyeux et de plus cosmopolite, en effet, que la vie culturelle et spirituelle de Lucknow, à l’ombre de ses palais rococo, de ses portes monumentales et de ses mosquées....

Samarcande, Ispahan, Lahore… Il est des noms de villes qui résonnent à eux seuls comme des invitations à la rêverie, au voyage. Injustement dédaignée par les touristes, Lucknow, l’ancienne et brillante capitale des nawabs, renaît grâce à une magnifique exposition présentée au musée Guimet, à Paris. Miniatures et bijoux, verreries, métaux et broderies sont d’une beauté à couper le souffle.

Dans la nouvelle ville, sont des rues à arcades et des palais peu élevés, mais très splendides,dont on ne soupçonne pas de loin l’existence. La mosquée, un grand palais avec un jardin, la porte de Rome, et un petit palais nouveau qui se font suite, forment une fantasmagorie d’édifices qui donnent le souvenir du Louvre et des beaux quartiers de Paris. Lucknow est plein de statues anciennes et modernes. L’Hercule, l’Apollon, la Vénus, les bergers et les bergères de Louis XIV et de Louis XV s’y trouvent. Il y a des vendeurs d’eau fraîche qui frappent sur des tasses en métal, comme les marchands de légumes et de fruits qui crient leur marchandise. Quand on est depuis longtemps accoutumé à la figure et à l’habillement des natifs, on peut se faire illusion et se croire à Paris», lit-on ainsi sous la plume exaltée de SaintHubert Théroulde, voyageur français goûtant les charmes de la cité entre 1838 et 1840.

Rien de plus joyeux et de plus cosmopolite, en effet, que la vie culturelle et spirituelle de Lucknow, à l’ombre de ses palais rococo, de ses portes monumentales et de ses mosquées. Car en ces XVIIIe et XIXe siècles, l’industrieuse et riche capitale de l’Awadh (aujourd’hui située dans l’État indien d’Uttar Pradesh) bruisse d’une activité constructrice sans précédent. Grâce au mécénat généreux de ses administrateurs (ses fameux «nawabs» dont le mode de vie luxueux cristallisera toute la haine de la propagande britannique), la ville a des allures de courtisane aux charmes surannés. Sous les stucs et les ors, les lustres de Bohême dialoguent avec les miniatures, les pendules suisses s’acoquinent avec les narghilés. Trop heureux de fuir la capitale moghole mise à sac par l’envahisseur iranien (en 1739, Delhi tombe aux mains de Nadir Shah), artistes, poètes, courtisans, mais aussi aventuriers européens, en quête de fortune et d’exotisme, affluent vers Lucknow, la riche et indolente cité. Sur les bords de la Gomti, fleuve majestueux serpentant à travers la ville, l’on croise des navires en forme de poisson (l’emblème des nawabs), mais aussi des barques charriant les marchandises les plus convoitées (ivoire, épices, indigo, marbre et bois précieux). Avec leurs jeux de fontaines et leurs parterres fleuris, les jardins des palais ressemblent, à s’y méprendre, aux paradis persans. Point de hasard lorsque l’on sait que les nawabs qui se succèdent sur le trône de Lucknow sont des musulmans d’obédience chiite originaires d’Iran. Commémorant la célébration de la fête de muharram et le martyre d’Hussein, un petitfils du prophète Mahomet, leurs «imambara» sont des constructions grandioses dont les chapelets de coupoles et la grâce altière lorgnent davantage du côté d’Istanbul que de celui des palais des maharajahs. Ne surnommaiton pas Lucknow «la Constantinople de l’Inde» ?Célèbre à travers toute l’Inde pour ses écoles de musique classique (gharanas), pour ses joutes poétiques et le raffinement de ses danseuses et de ses courtisanes (tenant demeure dans l’antique quartier de Chowk, ces «belles» étaient prisées des Indiens comme des voyageurs européens pour leur culture et leurs talents), Lucknow devait, hélas, susciter bien des convoitises…

Ne fut elle pas aussi le théâtre des premiers élans de mutinerie de la population indigène face à la férule britannique ? Immortalisé sous le nom de «Révolte des Cipayes» (du nom de ce contingent de soldats indiens se rebellant, en 1857, contre la Compagnie Anglaise des Indes orientales), ce drame aux accents shakespeariens devait avoir de lourdes conséquences sur le patrimoine et le destin de la ville. Comme pour mieux effacer les stigmates de l’humiliation, la vindicte britannique fut d’une cruauté sans pitié. Aux massacres perpétrés sur la population, s’ajoutèrent les actes de vandalisme et de destruction: pillage des œuvres d’art, mosquées profanées, palais éventrés…Et pourtant, à contempler la cohorte de chefsd’œuvre ayant miraculeusement survécu à cet autodafé, l’on mesure encore ce que fut la splendeur de Lucknow, avant son martyre et sa chute. Broderies de fils d’or et d’argent d’une finesse arachnéenne, bijoux constellés de pierres précieuses et de perles, bases de pipe à eau aux parois translucides, armes d’apparat et boîtes de bétel rehausséesd’émaux azurés (le fameux «bleu de Lucknow»)… Rien n’était trop beau, semble-t-il, pour métamorphoser les demeures privées des nawabs en palais des Mille et une Nuits.Si de nos jours, la Belle endormie est outrageusement boudée par les touristes (qui lui préfèrent les grâces marmoréennes du Taj Mahal d’Agra ou les ablutions sacrées des rives de Bénarès), ses palais aux façades décaties distillent un charme prégnant aux accents viscontiens. Né des fantasmes d’un aventurier lyonnais tombé amoureux de la ville, le Collège La Martinière (du nom de son propriétaire, Claude Martin) est une folie architecturale égarée en terre indienne, qui justifierait presque, à elle seule, une promenade nostalgique au pays des nawabs…




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