Edward Hopperà Lausanne

Graveur, aquarelliste, peintre de la vie moderne, Edward Hopper peut être considéré à juste titre comme l’un des plus importants artistes du Nouveau Monde.Près de vingt ans se sont écoulés depuis la dernière exposition d’Edward Hopper en Suisse. Elle avait eu lieu, d’octobre 1991 àjanvier 1992, au Musée Rath de Genève, à la faveur d’une collaboration étroite avec le Whitney Museum of American Art de New York. Cependant, le premier hommage européen rendu à cet immense artiste fut l’exposition rétrospective présentée à Londres, Amsterdam et Düsseldorf en 1981.Né en 1882 à Nyack, N.Y., et après avoir fait ses classes dans une école privée de sa ville, puis étudié l’illustration dans une école commerciale de New York, Edward Hopper entreprit en 1906 une sorte de Grand Tour qui devait le mener en Angleterre, en Hollande, en Allemagne, en Belgique puis à Paris. Il retourna en France en 1909 et consacra les six mois de son séjour presque exclusivement à Paris. En 1910, il passa quatre mois en France et en Espagne. Cette dernière escapade marque la fin de ses relations avec l’Europe. Aujourd’hui, l’œuvre d’Edward Hopper fascine par le regard incisif qu’elle porte sur la vie américaine, ses paysages, l’architecture des villes de province, l’acuité de l’analyse psychologique des personnages dont il peuple ses compositions, dans leurs relations sociales ou dans leur solitude. À trois reprises, Hopper s’est exprimé sur les buts artistiques qu’il poursuivait. Ses Notes on Painting furent publiées dans le catalogue de l’exposition rétrospective organisée au Museum of...

Graveur, aquarelliste, peintre de la vie moderne, Edward Hopper peut être considéré à juste titre comme l’un des plus importants artistes du Nouveau Monde.
Près de vingt ans se sont écoulés depuis la dernière exposition d’Edward Hopper en Suisse. Elle avait eu lieu, d’octobre 1991 àjanvier 1992, au Musée Rath de Genève, à la faveur d’une collaboration étroite avec le Whitney Museum of American Art de New York. Cependant, le premier hommage européen rendu à cet immense artiste fut l’exposition rétrospective présentée à Londres, Amsterdam et Düsseldorf en 1981.Né en 1882 à Nyack, N.Y., et après avoir fait ses classes dans une école privée de sa ville, puis étudié l’illustration dans une école commerciale de New York, Edward Hopper entreprit en 1906 une sorte de Grand Tour qui devait le mener en Angleterre, en Hollande, en Allemagne, en Belgique puis à Paris. Il retourna en France en 1909 et consacra les six mois de son séjour presque exclusivement à Paris. En 1910, il passa quatre mois en France et en Espagne. Cette dernière escapade marque la fin de ses relations avec l’Europe. Aujourd’hui, l’œuvre d’Edward Hopper fascine par le regard incisif qu’elle porte sur la vie américaine, ses paysages, l’architecture des villes de province, l’acuité de l’analyse psychologique des personnages dont il peuple ses compositions, dans leurs relations sociales ou dans leur solitude.

À trois reprises, Hopper s’est exprimé sur les buts artistiques qu’il poursuivait. Ses Notes on Painting furent publiées dans le catalogue de l’exposition rétrospective organisée au Museum of Modern Art de New York en 1933: se détournant d’une conception «décorative» de la peinture – qu’il reconnaît dans certaines tendances de l’art moderne –, il prône la quête de la transcription la plus exacte possible du sentiment intime de la nature, but qu’il sait ne pouvoir atteindre qu’au prix de lasimplification des sujets, des formes, du trait et de la touche. Hopper s’en explique plus longuement dans une lettre adressée en octobre 1939 à Charles H. Sawyer, directeur de l’Addison Gallery of American Art: «À mes yeux, la forme, la couleur et le dessin ne sont pas autre chose que les moyens d’atteindre un but, des outils avec lesquels je travaille et qui ne présentent pas d’intérêt en soi. Ce qui m’intéresse avant tout, c’est le vaste champ de l’expérience, de la sensation, auquel ni la littérature ni un art qui ne serait que formel ne peuvent se confronter. On devrait se garder de confondre l’expérience humaine avec l’anecdote. […] Le but de ma peinture est toujours d’utiliser la nature comme médium, d’essayer de projeter sur la toile ma réaction la plus intime à un sujet que je préfère à un autre, parce qu’il correspond à mes intérêts. Je ne connais pas toujours la raison pour laquelle je choisis un sujet plutôt qu’un autre, sinon parce que c’est le meilleur révélateur de mon expérience intime.» En 1953, Hopper publie une dernière déclaration dans la revue Spring: «Le grand art est l’expression de la vie intérieure de l’artiste, laquelle découle de sa vision personnelle du monde. Aucune habile invention ne peut remplacer l’élément essentiel qu’est l’imagination. […] La peinture devra composer totalement, sans détours, avec la vie et les phénomènes de la nature si elle veut devenir à nouveau de la grande peinture.»

À partir des années 1950, la renommée d’Edward Hopper lui vaut une suite d’expositions prestigieuses et les plus hautes distinctions. Il meurt le 15 mai 1967, dans son atelier de New York.L’exposition présentée par la Fondation de l’Hermitage ravive la collaboration avec le Whitney Museum of American Art de New York. Son commissariat a été confié à Carter Foster, conservateur des dessins dans l’institution new yorkaise. D’une grande envergure, elle rassemble quelque cent soixante œuvres, dessins, gravures, aquarelles et peintures qui non seulement retracent la carrière de l’artiste, mais surtout permettent au visiteur d’apprécier cette quête de vérité qui fut celle de Hopper. Un dessin, Hoppers’ Hat on His Etching Press évoque son activité de graveur, représentée par deux eaux-fortes, Night in the Park, 1921, et The Lonely House, 1922. Un dessin, Boy and Moon, 1906-1907, fait écho à une peinture de 1960, Second Story Sunlight,le premier illustrant une rêverie non dénuée d’angoisse, la seconde, la distance psychologique qui sépare la jeune femme en costume de bain, regardant vers le lointain, de la femme âgée, tout de noir vêtue, plongée dans sa lecture. On retrouve l’opposition des générations dans Le Bistro ou The Wine Shop de 1909, une peinture dans laquelle Hopper relègue ses personnages dans la pénombre, l’une des femmes vêtue de blanc, l’autre en robe sombre, tandis que l’ombre du couchant envahit le quai de la Seine et que les peupliers plient leur échine. Deux œuvres témoignent du réalisme critique cher à Hopper: Soir bleu, de 1914, convoque un clown, un militaire, un artiste et une serveuse outrageusement maquillée sous la lumière des lampions parisiens. Dans Pennsylvania Coal Town, de 1947, c’est la dure réalité du travailleur qui est critiquée. Quant au nu féminin, l’artiste en expose tantôt la sensualité, tantôt l’intimité. Dans Girlie Show (Strip-tease), de 1941, une femme appétissante termine son numéro sur la scène d’un cabaret; dans A Woman in the Sun, de 1961, une jeune femme se tient debout, une cigarette à la main, dans une tache de soleil. Cette seule toile – un chef-d’œuvre – suffit à convaincre de l’immense talent de Hopper. Ici, la construction de l’espace est complexe. La tache de soleil semble venir de la gauche du tableau, mais le dos de la femme est dans l’ombre. Cet effet est obtenu par la mise en place de plusieurs diagonales qui à la fois révèlent et cachent l’architecture de la chambre. Œuvre magistrale, cette toile illustre les propos que nous rappelions plus haut: «Ce qui m’intéresse avant tout, c’est le vaste champ de l’expérience, de la sensation, auquel ni la littérature ni un art qui ne serait que formel ne peuvent se confronter.»


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