En marge du surréalisme Asger Jorn

Au confluent de l’expressionisme, du surréalisme et de l’abstraction, entre Munch et Kandinsky, Alechinsky et Picasso, Asger Jorn a su se frayer un chemin original pour exprimer, en des couleurs à la fois sombres et éclatantes, ses visions, ses rêves, ses cauchemars. Retour sur la grande figure de l’art danois grâce à une exposition de ses œuvres sur papier – la première depuis trente ans – au Centre Pompidou. Une visite dans le laboratoire d’un artiste ayant expérimenté tous les styles et toutes les techniques.Asger Jorn est sans conteste la grande figure de l’art danois au XXe siècle. Trop souvent confiné au groupe Cobra – dont, avec Karel Appel,Constant et Corneille, il est un des fondateurs – ou cité pour ses activités situationnistes aux côtés de Guy Debord, Jorn n’a cessé, du milieu des années 30 jusqu’à sa mort prématurée, de parcourir l’Europe des avant-gardes, de Léger à Kandinsky, de Giacometti à Dubuffet, de Picasso à Klee. Voyageur infatigable, il est pourtant resté très attaché à son Jutland natal, au point de donner, au cours des vingt dernières années de sa vie, une partie importante de son œuvre – principalement ses dessins – au Silkeborg Kunstmuseum. Il espérait ainsi créer dans la ville de ses jeunes années, dans laquelle il est revenu périodiquement (entre autres pour soigner sa tuberculose), un musée d’art moderne digne de ce nom. C’est dans ce très riche fonds que Jonas Storsve a choisi les Œuvres sur papier exposées jusqu’au 11 mai 2009 au Centre Pompidou,...

Au confluent de l’expressionisme, du surréalisme et de l’abstraction, entre Munch et Kandinsky, Alechinsky et Picasso, Asger Jorn a su se frayer un chemin original pour exprimer, en des couleurs à la fois sombres et éclatantes, ses visions, ses rêves, ses cauchemars. Retour sur la grande figure de l’art danois grâce à une exposition de ses œuvres sur papier – la première depuis trente ans – au Centre Pompidou. Une visite dans le laboratoire d’un artiste ayant expérimenté tous les styles et toutes les techniques.
Asger Jorn est sans conteste la grande figure de l’art danois au XXe siècle. Trop souvent confiné au groupe Cobra – dont, avec Karel Appel,Constant et Corneille, il est un des fondateurs – ou cité pour ses activités situationnistes aux côtés de Guy Debord, Jorn n’a cessé, du milieu des années 30 jusqu’à sa mort prématurée, de parcourir l’Europe des avant-gardes, de Léger à Kandinsky, de Giacometti à Dubuffet, de Picasso à Klee. Voyageur infatigable, il est pourtant resté très attaché à son Jutland natal, au point de donner, au cours des vingt dernières années de sa vie, une partie importante de son œuvre – principalement ses dessins – au Silkeborg Kunstmuseum. Il espérait ainsi créer dans la ville de ses jeunes années, dans laquelle il est revenu périodiquement (entre autres pour soigner sa tuberculose), un musée d’art moderne digne de ce nom. C’est dans ce très riche fonds que Jonas Storsve a choisi les Œuvres sur papier exposées jusqu’au 11 mai 2009 au Centre Pompidou, à Paris. Elles constituent comme le laboratoire du peintre et on est émerveillé de voir avec quelle virtuosité Jorn a expérimenté les techniques les plus diverses et assimilé les influences venues de tous les horizons.Fils de parents instituteurs, destiné lui-même à une carrière d’enseignant, Asger Jorn s’initie à la peinture en autodidacte. À 22 ans, il quitteSilkeborg, à moto, pour réaliser son rêve: rejoindre Paris pour apprendre le métier auprès de Kandinsky. Sauf que ce dernier ne donne pas de cours… Jorn réussit alors à se faire admettre dans l’Atelier d’art contemporain de Léger. On est à la veille de l’Exposition universelle et le jeune homme réalise, avec deux autres élèves de Léger, une grande fresque d’après les esquisses du maître. Parallèlement, il agrandit pour Le Corbusier plusieurs dessins d’enfants destinés au Pavillon des Temps nouveaux.

De cette expérience, Jorn gardera une certaine prédilection pour la peinture murale, moyen de réinsérer l’art dans la vie, sur le lieu de travail, dans l’espace public. La grande décoration murale réalisée pour le lycée d’Århus, dans les années 1950, témoigne de cet engagement politique et social.Toutefois, le graphisme strict de Léger et du Corbusier impose des limites trop étroites à l’imagination débordante de Jorn. Plusieurs compositions des années 30 trahissent l’attirance qu’exercent sur les surréalistes, en particulier Miró, Tanguy, Max Ernst.La guerre oblige Jorn à rentrer au Danemark. Sa palette s’assombrit; aux oiseaux de Max Ernst et aux figures enjouées de Miró se joignent les gueules et les griffes du bestiaire nordique. Le rêve vire au cauchemar, mais le recours aux formes libres de l’imagination est encore une façon de protester contre l’ordre nouveau, imposé par l’occupant. Avec Egill Jacobsen, Ejler Bille et Carl-Henning Pedersen, Jorn publie une revue intitulée Helhesten. Le Cheval d’enfer, en hommage à Rimbaud et au Minotaure. Aux images s’ajoutent des textes, dont «Banalités intimes», réagissant contre la stérilité de la pensée rationnelle et plaidant pour l’introduction des éléments de la vie quotidienne dans l’art, un peu à la manière du Pop Art dont Jorn, aux yeux de certains, passe pour être un précurseur.De retour à Paris en 1946, Jorn se lie avec Hartung, Wilfrido Lam, Matta. Mais il est froidement accueilli par André Breton qui n’appréciera pas son engagement aux côtés du jeune poète belge Christian Dotremont, en faveur d’un «surréalisme révolutionnaire».En 1948, la galerie Breteau lui consacre une première exposition. Puis, ce sera, en 1951, l’exposition du groupe Cobra (acronyme de Copenhague, Bruxelles, Amsterdam) à la galerie Pierre, suivie, presque chaque année, d’une exposition à la galerie Rive gauche et à partir de 1967 à la galerie Jeanne Bucher. Une reconnaissance qui n’a pas évité au peintre et à sa famille des fins de mois difficiles.La guerre froide, la menace nucléaire inspirent à Jorn une série de «visions de guerre»; ce sont des cités en flammes, des monstres grimaçants, des gueules prêtes à tout dévorer.Asger Jorn a expérimenté tous les genres: dessin, lithographie, peinture, sculpture, céramique, tapisserie. Il a un contact très immédiat, très physique, avec les différents matériaux. Après un long séjour au sanatorium de Silkeborg, Jorn quitte à nouveau le Danemark pour voyager en Suisse, en Italie, en France. Se dépensant sans ménagement, il ne cesse de militer pour un art indépendant, pour l’expression sauvage d’un projet révolutionnaire.À la fin de 1955, Jorn rencontre Guy Debord qu’il aide à fonder l’Internationale situationniste. Renouant avec les contestataires Dada des années 1920, ce groupe, à travers des manifestations de tous ordres (conférences, débats, projections de film, publications de tracts, de revues, expositions), ne cesse de dénoncer la tyrannie de la société de consommation et la marchandisation de l’art. Bien avant Mai 68, Debord, Jorn, Christensen et d’autres appelaient à la révolte contre un ordre social asphyxiant.Toutefois, la fièvre révolutionnaire fait place, dans les dernières années de sa vie, à l’expression libre des formes et des couleurs. Au-delà de toute figuration, Jorn retrouve l’univers de Kandinsky, auprès de qui il rêvait de commencer sa carrière.

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