Des Péoniens aux Moldaves Un emblème millénaire

Le lecteur s’en souvient sans doute: en février 2007, la presse a rapporté un faitdivers qui a provoqué un incident diplomatique en Biélorussie: deux chasseurs genevois y ont abattu par méprise un bison, espèce protégée depuis 1577 déjà ! Or il n’est pas sans intérêt d’apprendre que le bison d’Europe était connu des Grecs. Dans son Histoire des Animaux, Aristoteen parle sous le nom de «bonasos», taureau sauvage, et il situe son habitat en Péonie, au nord de la Macédoine. En outre, on sait par Pausanias, l’auteur d’une description de la Grèce rédigée vers 150 de notre ère, qu’un certain Dropion, fils de Léon, roi des Péoniens, avait consacré à Delphes un monument en bronze représentant une tête de bison (275 avant J.-C.). Pour expliquer le choix de cet animal, on suppose qu’il servait de blason à la dynastie.Les Romains ont fait du bison une attraction pour l’amphithéâtre, dans le cadre de ces chasses artificielles, organisées à grands frais, qu’ils appelaient «venationes». T. Calpurnius Siculus, contemporain de Néron, met en scène un jeune paysan, sans expérience de la ville, qui découvre avec émerveillement le grand amphithéâtre de Rome, à cette époque construit en bois. Le poète prête ces paroles à son personnage: «J’ai vu, parmi toutes sortes de bêtes, des taureaux dont la nuque se hausse monstrueusement en bosse (des zébus), et d’autres qui secouent une épaisse crinière, qui ont au menton une longue et rude barbe et dont le fanon frémissant se hérisse de soies (des bisons).» En 148,...

Le lecteur s’en souvient sans doute: en février 2007, la presse a rapporté un faitdivers qui a provoqué un incident diplomatique en Biélorussie: deux chasseurs genevois y ont abattu par méprise un bison, espèce protégée depuis 1577 déjà !

Or il n’est pas sans intérêt d’apprendre que le bison d’Europe était connu des Grecs. Dans son Histoire des Animaux, Aristoteen parle sous le nom de «bonasos», taureau sauvage, et il situe son habitat en Péonie, au nord de la Macédoine. En outre, on sait par Pausanias, l’auteur d’une description de la Grèce rédigée vers 150 de notre ère, qu’un certain Dropion, fils de Léon, roi des Péoniens, avait consacré à Delphes un monument en bronze représentant une tête de bison (275 avant J.-C.). Pour expliquer le choix de cet animal, on suppose qu’il servait de blason à la dynastie.Les Romains ont fait du bison une attraction pour l’amphithéâtre, dans le cadre de ces chasses artificielles, organisées à grands frais, qu’ils appelaient «venationes». T. Calpurnius Siculus, contemporain de Néron, met en scène un jeune paysan, sans expérience de la ville, qui découvre avec émerveillement le grand amphithéâtre de Rome, à cette époque construit en bois. Le poète prête ces paroles à son personnage: «J’ai vu, parmi toutes sortes de bêtes, des taureaux dont la nuque se hausse monstrueusement en bosse (des zébus), et d’autres qui secouent une épaisse crinière, qui ont au menton une longue et rude barbe et dont le fanon frémissant se hérisse de soies (des bisons).» En 148, pour les jeux célébrant le 900e anniversaire de la fondation de Rome, des bisons furent à nouveau présentés, soit au Colisée, soit dans le Grand Cirque, on ne sait pas. C’est à cette occasion que Pausanias, venu, en curieux, de la province d’Asie, vit pour la première fois des spécimens en chair et en os. Il les décrit comme étant «velus par tout le corps et principalement autour de la poitrine et du menton». Et il ajoute que de «tous les animaux féroces, le bison est le plus difficile à prendre vivant. Les filets ne sont point assez forts pour résister à son impétuosité.»Les chasses de l’amphithéâtre étaient grandes consommatrices de bêtes sauvages (jusqu’à 5000 massacrées en un seul jour !). D’où l’appel lancé régulièrement aux gouverneurs de province, obligés par la loi de s’exécuter. Ceux-ci avaient le droit de recourir à l’armée, quand l’opération nécessitait les grands moyens. Par exemple, une inscription découverte en Bulgarie (1986) nous apprend que, sur ordre du légat Claudius Saturninus, des unités détachées des deux légions stationnant en Mésie-Inférieure furent affectées à la capture de bisons, d’ours aussi. Conjointement, on réquisitionna une escadre de la flotte danubienne pour transporter les bêtes à Rome. Une mosaïque de Sicile, datée de 300/330 après J.-C., montre comment les chasseurs s’y prenaient pour faire monter à bord d’un vaisseau les dangereux bisons. La passerelle mise en place, ils les tiraient par la tête, au moyen de longues cordes. Pour se prémunir contre les coups de cornes, ils avaient pris soin auparavant de fixer une planchette sur les pointes.De nos jours, le bison européen (Bonassus Europaeus) survit en Biélorussie, comme nous l’avons dit plus haut, dans la forêt primaire qui déborde sur la Pologne. On le trouve aussi en Moldavie, où il a un lien avec l’histoire.Selon la tradition, en effet, l’État médiéval de Moldavie fut créé au XIVe siècle, par un petit seigneur venu de Transylvanie, nommé Dragos. Alors qu’il chassait dans la montagne, en l’occurrence les Carpathes, il tomba sur un bison qu’il se mit à poursuivre en direction de l’est. Et c’est ainsi qu’il pénétra dans le territoire où il choisit ensuite de résider. Depuis lors, le bison est l’emblème de la Moldavie.

En 1918, la partie septentrionale de la Moldavie, nommée Bucovine, rejoignit la Roumanie. Pour commémorer l’événement, on commanda au sculpteur Spiridon Georgescu un majestueux monument qui fut inauguré le 11 novembre 1924 dans la capitale. On y voyait un bison, grandeur nature, en train de piétiner un aigle, symbole de l’occupation autrichienne. Les Russes ont détruit le monument en 1940. Mais une réplique en plâtre de fameux bison a été installée au Musée National d’Histoire de la Roumanie à Bucarest, en 1984, afin que chacun s’en souvienne.

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