Alors que Denis Brihat présente ses photographies à la Galerie 291 à San Francisco, l’occasion nous est offerte de redécouvrir l’œuvre majeure de ce grand artiste.
Savez-vous quel artiste osa, le premier, accrocher au mur une photographie, tel un tableau ? C’est Denis Brihat. Quelle audace ! Nous sommes en1958. Ses «tableaux photographiques» célèbrent la nature, fruits des recherches personnelles qu’il vient de commencer dans le Luberon. Mais cet événement majeur de l’histoire de la photographie ne va pas seul, il est accompagné d’un cortège de provocations et de sublimes tentations.Alors qu’à l’aube des années 60, on photographie avec de petits appareils, il utilise la chambre de grand format et des plaques sensibles à l’ancienne. Quand les laboratoires tirent les épreuves en grandes séries, Denis Brihat développe chaque image en quelques exemplaires seulement. Les reporters parcourent le monde et sont publiés dans les magazines ? Il va contempler la nature au fond de son jardin. La joliesse consacre la mode et la publicité; il consacre la beauté du monde dans l’infiniment modeste et recherche l’absolu dans un oignon, un coquelicot, une poire tombée de l’Eden. La couleur industrielle claque de mille contrastes saturés; Denis Brihat obtient la couleur, à la manière d’un alchimiste, par des métaux précieux, des virages à l’or.Ce parcours exigeant et audacieux commence par un bref passage à l’école de Vaugirard et par la pratique de son métier dans l’architecture, l’industrie, les reportages, les portraits… Dès 1952, le Parisien s’installe dans le sud de la France, photographie pour l’édition et aborde ses premiers travaux personnels. Encouragé par Robert Doisneau, il rejoint l’agence Rapho. Puis, c’est le moment de l’Inde et des trésors en noir et blanc consacrés par le prix Niepce en 1957.Il arrive à Bonnieux; il peut commencer son chemin dans l’art ! Tant par son regard que par les procédés de tirage qu’il met au point, Denis Brihat célèbre la nature et ses humbles trésors ! Son art original est célébré par les plus grandes institutions: du Musée des arts décoratifs (Paris) au Museum of Modern art (New-York); de La Demeure à Paris au Musée Nicéphore Niepce à Chalon-sur-Saône, à la Fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence, ou à la galerie Focale de Nyon… Les photographies de Denis Brihat font partie des grandes collections publiques et privées.Mais cette consécration ne lui fait pas oublier la jeune génération. Sa générosité le conduit à partager ses secrets, à offrir son savoir et sa sagesse aux étudiants et stagiaires qu’il reçoit dans son atelier du Luberon.Denis Brihat est un jardinier du temps, un semeur de vérité. Alors que nous sommes saoulés par tant d’images, il ne nous en offre que quelques unes, mais essentielles. Le colosse admire l’escargot escaladant la tige du coquelicot: émerveillement ! En regardant ses tableaux, nous sommes dans le recueillement, au plus près de la nature. La sensualité n’est pas exclue, la gourmandise non plus; croquerons-nous la poire ? Mais ce qui est peut-être le plus important dans l’œuvre de Denis Brihat, ce n’est finalement pas tant le sujet photographié que ce qu’il nous transmet. Il nous transforme, il nous ouvre les yeux sur ce que nous ne savions plus voir. Il nous rend plus humains, plus sensibles à cette nature que nous avions oubliée. Voilà la magie des images de Denis Brihat.