MEDUSA en Afrique la sculpture de l’enchantement

Cette exposition, par son existence même, ruine définitivement la rumeur qui prétendait que le muséene conservait que de la brocante et que par conséquent un nouveau bâtiment n’aurait pas lieu d’être ! Ralliant cette fois tous les suffrages, le nouveau conservateur, Boris Wastiau nous arrive du prestigieux musée de Tervuren, aux portes de Bruxelles. Alors qu’il vient d’être nommé directeur du MEG (musée d’ethnographie de Genève) dès février 2009, Boris Wastiau a mis en scène une impressionnante exposition, tant par le choix des 120 pièces exceptionnelles tirées des collections du musée, que par le parcours dans lequel il nous entraîne pour échanger nos regards avec les masques et les statues: qui d’eux ou de nous jouera le rôle de Méduse ou de Persée ? On se souvient que, dans ce combat mythique, la seule mortelle des trois Gorgones, qui pétrifiait ceux dont le regard rencontrait le sien, fut décapitée par Persée. Sur le conseil d’Athéna, il s’était servi de son bouclier, poli comme un miroir, pour immobiliser la jeune femme. Mais elle avait encore de la ressource puisque, du sang jailli de son cou, s’échappa la figure de l’inspiration poétique, le cheval ailé Pégase. Et c’est bien d’inspiration qu’il s’agit ici puisqu’on ne saurait créer de la beauté sans perdre quelque peu la tête. Doit-on dès lors s’attendre à une hécatombe de visiteurs jonchant les salles du musée dans un sacrifice suprême ?Il s’agit bien à mon sens d’une inversion des rôles. Si les masques et les figures furent bien...

Cette exposition, par son existence même, ruine définitivement la rumeur qui prétendait que le muséene conservait que de la brocante et que par conséquent un nouveau bâtiment n’aurait pas lieu d’être ! Ralliant cette fois tous les suffrages, le nouveau conservateur, Boris Wastiau nous arrive du prestigieux musée de Tervuren, aux portes de Bruxelles. Alors qu’il vient d’être nommé directeur du MEG (musée d’ethnographie de Genève) dès février 2009, Boris Wastiau a mis en scène une impressionnante exposition, tant par le choix des 120 pièces exceptionnelles tirées des collections du musée, que par le parcours dans lequel il nous entraîne pour échanger nos regards avec les masques et les statues: qui d’eux ou de nous jouera le rôle de Méduse ou de Persée ? On se souvient que, dans ce combat mythique, la seule mortelle des trois Gorgones, qui pétrifiait ceux dont le regard rencontrait le sien, fut décapitée par Persée. Sur le conseil d’Athéna, il s’était servi de son bouclier, poli comme un miroir, pour immobiliser la jeune femme. Mais elle avait encore de la ressource puisque, du sang jailli de son cou, s’échappa la figure de l’inspiration poétique, le cheval ailé Pégase.

Et c’est bien d’inspiration qu’il s’agit ici puisqu’on ne saurait créer de la beauté sans perdre quelque peu la tête. Doit-on dès lors s’attendre à une hécatombe de visiteurs jonchant les salles du musée dans un sacrifice suprême ?Il s’agit bien à mon sens d’une inversion des rôles. Si les masques et les figures furent bien «médusés» par les Persées qui les détachèrent de leur contexte pour nous les offrir en sublimes trophées (dont je suis le premier à être friand, à mes risques et périls) ces objets, repris dans une perspective nouvelle, jouent à leur tour le rôle du héros mythique, nous renvoyant notre propre image afin de nous faire perdre la tête et de faire jaillir, à leur tour, nos ailes trop longtemps repliées. Donc chers visiteurs, si vous voulez voir tout autre chose que des «bouts de bois» dans les masques et statues africaines exposés, faites un effort afin de perdre la tête en beauté.Laissons-nous enchanter par ces œuvres qui, lorsqu’elles furent créées par des sculpteurs inspirés, n’avaient d’autre but que de protéger les initiés en confortant leur forme physique et psychique, de leur dévoiler et de les replacer au centre d’un monde toujours prompt à les dérouter et, au moyen de rituels, d’empêcher que celui-ci ne parte à la dérive, les entraînant du même coup à leur perte.Il ne s’agissait donc pas de jouer aux apprentis sorciers. Tout au contraire, ces objets sont, par leur intransigeance plastique, opposés à toute déviance. Nous n’avons donc qu’à bien nous tenir et pour engager le dialogue – ou l’affrontement – trouver les arguments qui sauveront notre mise. Quel autre langage que celui de la beauté efficace ?Rapprochons-nous de quelques objets choisis par affinité élective… et advienne que pourra.

Masque «ndoma» des Baoulés ou des Guros de Côte d’Ivoire centrale, avecreprésentation de «Mami Wata» (la mère des eaux, en pidgin english), figured’origine orientale, transmise par des Européens sous forme d’un chromo encouleurs de la première moitié du XXe siècle et répandue aujourd’hui dans toutel’Afrique de l’ouest. Un génie exigeant dispensant ses richesses à ses époux, deshommes très réels, à condition qu’ils lui soient fidèles en refusant la polygamieet les maîtresses, avant 1960, bois, peintures à l’huile occidentales. 50 cm.2 Figure «byeri» de reliquaire contenant des ossements d’ancêtres, provenant dela région de Ndjolé, Gabon, avant 1900, bois, pigments, os, hauteur 90 cm.3 Bouclier «nguba», provenant d’îles du Lac Victoria, en Tanzanie, où viventles Kerebe et les Karas. XIXe siècle, bois et pigments, fibres végétales, hauteur116 cm. Son effet protecteur est double, s’il permet de parer les coups de l’adversaire, il est aussi une puissante figure apotropaïque destinée à détourner sonregard et à figer ses menaces, jusqu’à lui faire tourner les talons.4 Masque Mbuunda, au cri en dents de scie, Zambie de l’ouest, bois et pigments, début du XXe siècle, hauteur 34 cm.

5 Masque janus des Fangs du Gabon, avant1930, bois, kaolin, 39 cm. Ce type de masqueparticipait aux rituels destinés à reconnaîtreles sorciers et à en déjouer les pratiques néfastes.6 Masque de même fonction, provenant desDans de la Côte d’Ivoire, avant 1960, bois,pigments, plumes de pintade, hauteur 40 cm.7 Masque féminin «mukuyi» des Punus duGabon, avant 1900, bois, pigments, hauteur31 cm.8 Porteuse de coupe des Lubas du Katanga,République démocratique du Congo, avant1930, bois, pigments, hauteur 47 cm.Pour conclure, citons «Race et Histoire» de Claude Lévi-Strauss qui a eu cent ans le 28 novembre dernier: «L’Afrique, ses arts plastiques et sa musique, qui explorent méthodiquement toutes les possibilités offertes par chaque moyen d’expression, sont autant d’indices d’un passé extraordinairement fertile.»

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