L’Art et l’Argent

Chaque année, au début du mois de juin, Bâle devient, pour la semaine de l’ART SHOW, la capitale mondiale du marché de l’art. Initiée en 1970 par Ernst Beyeler, cette manifestation est devenue gigantesque et bat tous les records. Pour sa 39e édition, elle a réuni, venues d’une trentaine de pays, les 300 galeries les plus en vue de la planète. Plus de mille galeries y avaient brigué un espace; c’est dire que les places sont chères, au propre comme au figuré. Le plus gros contingent était, comme d’habitude, fourni par les Américains(72 galeries, dont les trois quarts de New York), suivis par les Allemands (49), les Suisses (35), les Anglais (29), les Français (22) et les Italiens (20). Mais le Japon, la Chine,la Corée du Sud, le Mexique, l’Argentine, le Brésil, la Nouvelle Zélande, l’Australie, l’Afrique du Sud, la Russie et la Turquie étaient également représentés. 60’000 artistes, galeristes, collectionneurs, amateurs, badauds se rendent à cette foire, couverte par plus de 2’000 journalistes. Les œuvres de plus de 2’000 artistes sont proposées à la vente, les unes pour quelques milliers de francs,d’autres pour des dizaines ou des centaines de milliers de francs, d’autres encore – un nombre appréciable – pour des millions. La toile la plus chère semble avoir été le Triptyque de Bacon exposé chez Marlborough et marqué 80 millions de dollars (le prix étant calqué sur celui d’une œuvre comparable vendue aux enchères, il y a quelques semaines à New York). Jamais les cours ne semblaient avoir...

Chaque année, au début du mois de juin, Bâle devient, pour la semaine de l’ART SHOW, la capitale mondiale du marché de l’art. Initiée en 1970 par Ernst Beyeler, cette manifestation est devenue gigantesque et bat tous les records. Pour sa 39e édition, elle a réuni, venues d’une trentaine de pays, les 300 galeries les plus en vue de la planète. Plus de mille galeries y avaient brigué un espace; c’est dire que les places sont chères, au propre comme au figuré. Le plus gros contingent était, comme d’habitude, fourni par les Américains(72 galeries, dont les trois quarts de New York), suivis par les Allemands (49), les Suisses (35), les Anglais (29), les Français (22) et les Italiens (20). Mais le Japon, la Chine,la Corée du Sud, le Mexique, l’Argentine, le Brésil, la Nouvelle Zélande, l’Australie, l’Afrique du Sud, la Russie et la Turquie étaient également représentés. 60’000 artistes, galeristes, collectionneurs, amateurs, badauds se rendent à cette foire, couverte par plus de 2’000 journalistes.

Les œuvres de plus de 2’000 artistes sont proposées à la vente, les unes pour quelques milliers de francs,d’autres pour des dizaines ou des centaines de milliers de francs, d’autres encore – un nombre appréciable – pour des millions. La toile la plus chère semble avoir été le Triptyque de Bacon exposé chez Marlborough et marqué 80 millions de dollars (le prix étant calqué sur celui d’une œuvre comparable vendue aux enchères, il y a quelques semaines à New York). Jamais les cours ne semblaient avoir été aussi élevés, jamais la volonté de les «doper», plus ouvertement affichée. L’art est devenu définitivement une marchandise et, comme toutes les matières premières, objet d’intenses spéculations. D’où l’inquiétude exprimée par certains acteurs et / ou observateurs, de voir la bulle spéculative éclater, comme celle des subprimes. Le danger ne semble pourtant pas imminent, ne fût-ce qu’en raison de la raréfaction des œuvres importantes et de la multiplication des clients potentiels.Certes, l’art et l’argent ont toujours eu partie liée et les grands collectionneurs du passé, qu’il s’agisse de Rodolphe II ou de Laurent le Magnifique, n’était pas insensibles à la valeur marchande de leur collection et ont su en tirer profit. Certes, eux aussi étaient entourés de conseillers. On ne peut toutefois s’empêcher de penser que les critères qui ont présidé à l’édification des grandes collections d’antan n’étaient pas d’abord économiques.Face à cette marée d’œuvres, bien présomptueux celui qui oserait dégager des lignes de force, voire des tendances. On notera néanmoins une diminution lente mais constante de l’art moderne au profit de l’art contemporain. C’est qu’il devient toujours plus difficile de trouver quelque beau Picasso (présent dans près d’une trentaine de galeries) ou Matisse, Giacometti ou Léger (présents, chacun, dans une quinzaine de galeries). Sans doute le faitde réunir sous un éclairage violent seize des vingt-sept tableaux de la série des masonites de Miró, dont certains appartiennent déjà à des musées, ne suffit-il pas à faire de ceux que propose à la vente la galerie Nahmad des chefs-d’œuvre, malgré la référence insistante à la date de leur composition, été 1936. Non, nous ne sommes pas devant un équivalent de Guernica !

Est-ce l’effet d’un certain retour à la peinture figurative qui explique le grand nombre d’œuvres appartenant peu ou prou à l’expressionisme allemand : Schiele, Nolde, Grosz, Kirchner, Macke, Pechstein, Beckmann sont présents dans un nombre appréciable de galeries.Quant à l’art contemporain, ce qui frappe le spectateur, c’est un certain retour aux supports traditionnels, papier, toile et aussi une grande variété de sculptures. Certes, la photographie reste présente, ainsi que la vidéo, mais les installations dégagent souvent un parfum de déjà-vu. Tout comme les objets surdimensionnés réunis depuis quelques années dans ART UNLIMITED. Le wagon de troisième classe des chemins de fer chinois, sur les fenêtres duquel Qiu Anxiong fait défiler des images de scènes historiques (Staring into Amnesia) relève plus d’un objet de curiosité que d’une œuvre d’art. Les relents de fumée et de transpiration, laissés par les millions de voyageurs qu’on imagine entassés dans ces compartiments, n’y changent rien. Ce n’est pas une raison suffisante toutefois pour préférer l’univers aseptisé des quarante chambres miniaturisées de Thomas Hirschhorn, assemblées dans Hotel Democraty, ou la sculpture de Jon Kessler, The Blue Period, montrant une femme aux cuisses ouvertes, peinturlurées de bleu, et retirant un tampon hygiénique. Ce n’est pas l’origine du monde – ni sa fin.Plus inventive nous a semblé la treizième édition de «La Liste», foire des jeunes galeries qui forment une sorte de off-ART. Quant à la VOLTA SHOW, elle a surtout fait parler d’elle parce qu’elle appartient désormais à un fonds d’investissement (Merchandise Mart Properties, Inc.) détenu par le clan Kennedy qui vient également d’acheter la ARMORY SHOW.Ce ne sont pas seulement les œuvres d’art qui sont l’objet de spéculations intenses, ce sont les foires elles-mêmes. L’affairisme a encore de beaux jours devant lui.

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