Fernand Léger

La Fondation Beyeler propose, jusqu’au 7 septembre, une large rétrospective de l’œuvre du peintre français Fernand Léger. L’exposition présente en outre la particularité d’intégrer, au fil des salles, quelques pièces d’artistes américains Pop, afin de mettre en valeur l’influence exercée par Léger sur cette génération. On connaît la célèbre remarque de Marcel Duchamp, alors qu’il visitait le Salon de l’aviationen compagnie de Constantin Brancusi et Fernand Léger, un peu avant 1914: «C’est fini la peinture. Qui fera mieux que cette hélice? Dis, tu peux faire ça?» Tous les trois, chacun à leur manière, firent mieux.Né en 1881 en Normandie, Fernand Léger arrive à Paris en 1900. Pendant quelques années, il va créer des peintures de tendance impressionniste avant de s’orienter, à partir de 1908-1909, vers un cubisme qui deviendra rapidement très personnel. L’héritage cézannien de l’amour de la forme, puis la confrontation avec Robert Delaunay dans l’utilisation de la couleur – couleurs complémentaires chez Delaunay, en opposition de plus en plus franche chez Léger – conduisent le peintre vers des tableaux quasi abstraits, tels que Contraste de formes, peint en 1913. Léger connaît dès cette époque un certain succès, au moins dans les avant-gardes artistiques; il est soutenu par Kahnweiler, le «marchand des cubistes», et expose à Paris, à Moscou ou Amsterdam. En 1913, il fait partie des peintres européens invités à l’Armory Show, une grande exposition new-yorkaise qui ambitionne de présenter au public l’ensemble de la peinture américaine. Les artistes d’outre Atlantique y prennent douloureusement conscience de la distance...

La Fondation Beyeler propose, jusqu’au 7 septembre, une large rétrospective de l’œuvre du peintre français Fernand Léger. L’exposition présente en outre la particularité d’intégrer, au fil des salles, quelques pièces d’artistes américains Pop, afin de mettre en valeur l’influence exercée par Léger sur cette génération.

On connaît la célèbre remarque de Marcel Duchamp, alors qu’il visitait le Salon de l’aviationen compagnie de Constantin Brancusi et Fernand Léger, un peu avant 1914: «C’est fini la peinture. Qui fera mieux que cette hélice? Dis, tu peux faire ça?» Tous les trois, chacun à leur manière, firent mieux.Né en 1881 en Normandie, Fernand Léger arrive à Paris en 1900. Pendant quelques années, il va créer des peintures de tendance impressionniste avant de s’orienter, à partir de 1908-1909, vers un cubisme qui deviendra rapidement très personnel. L’héritage cézannien de l’amour de la forme, puis la confrontation avec Robert Delaunay dans l’utilisation de la couleur – couleurs complémentaires chez Delaunay, en opposition de plus en plus franche chez Léger – conduisent le peintre vers des tableaux quasi abstraits, tels que Contraste de formes, peint en 1913.

Léger connaît dès cette époque un certain succès, au moins dans les avant-gardes artistiques; il est soutenu par Kahnweiler, le «marchand des cubistes», et expose à Paris, à Moscou ou Amsterdam. En 1913, il fait partie des peintres européens invités à l’Armory Show, une grande exposition new-yorkaise qui ambitionne de présenter au public l’ensemble de la peinture américaine. Les artistes d’outre Atlantique y prennent douloureusement conscience de la distance qui les sépare alors de la peinture européenne. C’est le premier contact – indirect – de Fernand Léger avec l’Amérique.En 1914, Léger est mobilisé et envoyé sur le front comme sapeur, puis comme brancardier. Hospitalisé, il est finalement réformé en 1917. La guerre est pour lui l’occasion d’une rupture. Il écrit: «Je fus ébloui par une culasse de 75 ouverte en plein soleil, magie de la lumière sur le métal blanc. Il n’en fallut pas moinspour me faire oublier l’art abstrait de 1912/13 […] quand j’ai mordu dans cette réalité, l’objet ne m’a plus quitté.» La guerre n’est pas un traumatisme comparable à ce qu’elle a été, par exemple, pour son ami Blaise Cendrars, amputé d’un bras et pour lequel il illustrera J’ai tué, paru en novembre 1918. Plutôt que par l’horreur, il est frappé par la force esthétique des acteurs de la guerre, hommes et machines: c’est la révélation de la modernité.La perfection industrielle, cette netteté presque violente des masses et des couleurs en aplats qui est le corollaire visuel de l’objet produit en série, en fait un sujet de choix pour le peintre. La conscience de l’objet, de son potentiel esthétique, le conduit donc à revenir à la figuration. Des tableaux comme La ville, dont Cendrars attribue l’inspiration à leurs promenades place Clichy, alors en pleine mutation et très animée, traduisent les recherches de Léger sur l’emploi plastique des objets dans la composition. Le peintre réussit à donner l’illusion de la profondeur et du mouvement. Pour Léger, la modernité est alors vitesse, ce qui n’est pas sans faire écho aux Futuristes italiens. Il s’intéresse au cinéma et réalise en 1924 un film expérimental, le Ballet Mécanique, «premier film sans scénario», qui présente principalement des objets selon un rythme et une organisation savamment agencés. Dans la même veine un Hommage à la danse, n’est pas sans rappeler certaines expérimentations contemporaines de Duchamp.Léger, qui s’intéresse de plus en plus à l’architecture, fréquente Le Corbusier et d’autres théoriciens modernistes va revenir dès la deuxième moitié des années 20 à une figuration plus statique, sans pour autant abandonner sa théorie plastique des objets. Il développe des recherches décoratives, travaille sur la muralité, et collabore notamment avec Charlotte Perriand. La figure humaine, objectivée, réapparaît dans ses oeuvres tandis que les gros plans lui permettent de libérer l’objet dans l’espace de la toile, accentuant les contrastes de formes et de couleurs.Les années 30 sont pour Fernand Léger l’occasion de découvrir les États-Unis, où il se rendra à trois reprises avant son exil de 1940-1945. New York, Chicago, mais aussi la jeunesse américaine et sa mode aux couleurs criardes influent sur sa peinture. De plus en plus, il dissocie couleurs et dessin, pour maximiser les éléments contrastants, une démarche particulièrement visible dans la série des Cyclistes (La Grande Julie, 1945), ou dans certains Plongeurs, et qui trouve sa conclusion la plus aboutie dans des pièces comme Deux femmes tenant des fleurs (1954).Le modernisme de Fernand Léger est aussi un humanisme: son art, par conséquent, tend à s’éloigner des jeux conceptuels de Dada ou des Surréalistes. Léger recherche un beau pour le peuple et par le peuple, lorsqu’il peint par exemple les acrobates du cirque Médrano, dont il dit que dix minutes de leur spectaclevaut bien des ballets. Le peintre continuera constamment à approfondir ses recherches dans des tableaux plus engagés, comme la série des Constructeurs où, dans le droit fil des Acrobates, Léger réintroduit un sujet sans sacrifier pour autant ses théories plastiques.Ainsi, tant par sa pratique picturale que par sa fascination pour la modernité, Fernand Léger peut indubitablement revendiquer une part de la paternité du Pop Art, même si, à la lueur désenchantée du post-modernisme, nous goûtons sans doute le Pop et son ambivalence avec une certaine amertume, alors que l’enthousiasme et la foi de Léger nous rendraient presque la sérénité.


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