La collection Krugier

Intitulée De Rembrandt à Picasso, la collection genevoise couvre en fait l’art occidental de Rogier van der Weyden (né en 1399) à Jean-Michel Basquiat. Le catalogue contient 244 œuvres de 114 artistes, dont 7 anonymes. Ne pouvant rendre compte d’une collection occupant 1185 m2 sur quatre pages, nous avons fait un choix, celui du désespoir.Giorgione [Giorgio Barbarelli] (Castelfranco Veneto, 1477/78 - Venise 1510) Paysage fortifié. Sanguine 6,3 x 10,5 cm, avant 1504.De la taille de deux grands timbres-poste, la sanguine prolonge les miniatures de Fouquet, d’une génération antérieure. Le château habité (qui change des ruines classiques ou romantiques) est vénitien ou lombard. Se glissant entre les murailles et le ruisseau, les arbres aident l’œil à pénétrer dans le dessin. Au contraire de la forêt de Macbeth, qui s’en prend à son château, ils bordent le lieu sans l’assiéger. Le portail du pont est ouvert. Passe la Belle au Bois Dormant… Pablo Picasso (Malaga 1881 - Mougins1973) Quatre pommes. Crayon24,5 x 32 cm.Ah, les pommes de Cézanne ! Mais celles de Picasso ? Sur ses 28 œuvres présentes, voilà la plus modeste, dessinée d’un trait minimaliste au point de paraître sortir du crayon d’Ingres ! Un travail tout de soumission au sujet, sans être léché. Etude à peine ombrée, anatomique. Quatre pommes ? Non, trois plus une. Le trio – trèfle à trois feuilles – est mis à nu par la lumière de la page. L’ombre du fruit isolé rééquilibre l’ensemble. Ce n’est pas une œuvre d’impulsion orgueilleuse comme ce sera...

Intitulée De Rembrandt à Picasso, la collection genevoise couvre en fait l’art occidental de Rogier van der Weyden (né en 1399) à Jean-Michel Basquiat. Le catalogue contient 244 œuvres de 114 artistes, dont 7 anonymes. Ne pouvant rendre compte d’une collection occupant 1185 m2 sur quatre pages, nous avons fait un choix, celui du désespoir.
Giorgione [Giorgio Barbarelli] (Castelfranco Veneto, 1477/78 – Venise 1510) Paysage fortifié. Sanguine 6,3 x 10,5 cm, avant 1504.De la taille de deux grands timbres-poste, la sanguine prolonge les miniatures de Fouquet, d’une génération antérieure. Le château habité (qui change des ruines classiques ou romantiques) est vénitien ou lombard. Se glissant entre les murailles et le ruisseau, les arbres aident l’œil à pénétrer dans le dessin. Au contraire de la forêt de Macbeth, qui s’en prend à son château, ils bordent le lieu sans l’assiéger. Le portail du pont est ouvert. Passe la Belle au Bois Dormant…

Pablo Picasso (Malaga 1881 – Mougins1973) Quatre pommes. Crayon24,5 x 32 cm.Ah, les pommes de Cézanne ! Mais celles de Picasso ? Sur ses 28 œuvres présentes, voilà la plus modeste, dessinée d’un trait minimaliste au point de paraître sortir du crayon d’Ingres ! Un travail tout de soumission au sujet, sans être léché. Etude à peine ombrée, anatomique. Quatre pommes ? Non, trois plus une. Le trio – trèfle à trois feuilles – est mis à nu par la lumière de la page. L’ombre du fruit isolé rééquilibre l’ensemble. Ce n’est pas une œuvre d’impulsion orgueilleuse comme ce sera le cas par la suite, plutôt celle d’un horloger. Mais elle date de 1904, Picasso a 23 ans.

Vittore Carpaccio (Venise av. 1465/68 – Venise 1525,1526) Mains jointes. Crayon rouge et craie sur papier bleu. Inédit, 8,8 x 9 cm, vers 1568.A-t-on vu des mains d’aussi petit format ? Un dessin de marge, provoqué peut-être par un manque de papier. Une ébauche achevée, le trait est calme, appliqué. Carpaccio eut-il un modèle devant lui ? Des mains exécutées de mémoire ? Ce ne sont ni les grands doigts de Dürer, ni les mains d’attachement terrestre de Berlin (Musée Egyptien), unissant le Pharaon à Néfertiti (en quartzite), mais des mains de prière, indépendantes d’un corps ou d’un visage. D’elles-mêmes, elles prient, imprégnées de la spiritualité du dernier Moyen Âge.

Marcantonio Raimondi (Argini av. 1480 – Bologne 1534) Tête d’oiseau de proie. Encre brun noir 9,2 x 12,5 cm.Tête de métal ou caricature de vieillard chauve par Léonard ? Un trait de gravure précis, mais à l’encre: on distingue la langue. Marcantonio gravait admirablement. Dessin évocateur d’images: griffons oxydés de la Grèce Antique, oiseau mort, aquamanile qui parlerait, banquier de Daumier. Le bec est d’un vieux satyre. Quel dessin !

Giovanni Francesco Barbieri, dit Guerchin (Cento 1591 – Bologne 1666) Recrue saluantson père. Lavis brun 26,6 x 35,4 cm, vers 1640.S’il s’agissait d’une huile, les personnages y perdraient au profit des effets d’éclairage du fond. Ils s’engagent dans un pas de danse. Un balancement/hésitation accentue en contrepoint le profil face au visage de trois quarts. Tout leur mystère se fonde sur l’art de créer des dégradés dans ce qui paraît à première vue une tache d’encre. Hugo, Goya, Delacroix se le rappelleront.

Gianbattista Tiepolo (Venise 1696 – Madrid 1770) Tête de vieillard. Sanguine et craie blanche sur papier bleuté 40 x 30,5 cm.Oublions Dieu le Père à barbe blanche et saints à barbe noire. On songe plus au Vieillard regardant son petit-fils, dessin de Ghirlandaio du XVe siècle (Stockholm), qu’aux apôtres prolétaires du Caravage. Il émane de ce vieillard en extase un bouleversement que Tiepolo exprime avec une admirable économie de moyens, reprenant la gestuelle d’un XVIIe siècle qui ne veut pas finir.

Eugène Delacroix (Charenton 1798 – Paris 1863) Etude pour la Mort de Sardanapale. Encre brune 20,7 x 18 cm.Œuvre issue des frémissements d’une plume qui se complaît dans les courbes. Dans ce corps, passif et atone, les coups de fouet de l’encre donnent l’illusion qu’il va subir autant qu’il respire. Même le centre de la croupe et la plante du pied gauche accumulent crochets et entrelacs. Néoclassique, le profil, éteint, a la légèreté que donne une gaze recouvrant un visage. Tout le contraire de l’écriture tranquille du Carpaccio. Mais Delacroix aimait violemment les femmes.

Cecchino del Salviati, dit Francesco de Rossi (Florence 1510 – Rome 1563) Nu posant assis sur un rocher. Pierre noire 28,3 x 20,2 cm.La position très contournée, irréelle, se ressent de l’influence de Michel-Ange (Les esclaves du Louvre) et de Bandinelli. Qui peut garder cette pose impossible ? Au-dessus de ce corps, Salviati place une tête de décapité ivre. Œuvre où le Maniérisme et Dionysos, redécouvert dans les bas-reliefs antiques, se confondent. Une figure des Fleurs du Mal.

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