Homme de projets, de réseaux, d’enthousiasme, Jean-Jacques Aillagon, ancien ministre de la culture en France a donné au Palazzo Grassi une impulsion forte: un projet culturel de grande envergure qui dépasse les murs du palais vénitien et englobe désormais la Pointe de la Douane. Un an après l’ouverture, il prendra aussi la Présidence du Château de Versailles. Interview bilan? Entretien avec un fondateur animé par la volupté de transmettre.
Christophe Mory:L’aventure renouvelée du Palazzo Grassi est un projet qui vous tenait à cœur depuis longtemps.Jean-Jacques Aillagon:C’est vrai. J’ai croisé ces dernières années à plusieurs reprises le Palazzo Grassi, sans imaginer que j’en deviendrais un jour le directeur. En 2003, Fiat décida de se séparer de ce palais. Le directeur de Fiat France, accompagnant le petit-fils de Gianni Agnelli, est venu me voir au Ministère de la Culture. Ils me dirent qu’ils appréciaient la vigueur de l’action culturelle de la France ainsi que son engagement dans de grands projets. C’est pourquoi ils suggéraient que le gouvernement français s’intéresse à Venise et prenne éventuellement pied à Grassi. Je trouvais l’idée séduisante, tout en sachant peu probable qu’on puisse réunir un budget pour acheter le Palais. Cela me paraissait regrettable. Pour le public, Venise est une formidable vitrine d’art, notamment au moment dela Biennale. J’imaginais que les grands musées nationaux, le Louvre, le Centre Pompidou, le musée Guimet, le musée d’Orsay, etc., puissent, à tour de rôle, disposer d’un tel lieu pour y présenter des expositions. C’est la raison pour laquelle je me mis à rêver d’une association entre la Réunion des Musées Nationaux, qui aurait été l’opérateur d’une telle activité, et un investisseur susceptible de racheter le bâtiment.C’est dans ce contexte qu’intervient François Pinault ?En effet, je lui en avais parlé. François Pinault m’a aiguillé sur Serge Weinberg, qui dirigeait alors le Groupe PPR. Pour des raisons diverses, le projet n’a pas eu de suites. Venise ne m’avait pas pour autant oublié. Quelques semaines après mon départ du gouvernement, je reçus un appel des collaborateurs du Maire de Venise, Paolo Costa, aujourd’hui Président de la Commission des Transports du Parlement Européen. Paolo Costa souhaitait me rencontrer, ce que qui se fit rapidement. Il me demanda si le poste de directeur du Palais m’intéressait. Je lui répondis par l’affirmative, pourvu que soit réglée la question de l’identité du futur propriétaire. Des projets inopportuns se présentant, la commune de Venise prit, au bout de quelques mois, la décision de faire racheter Grassi par le Casino de Venise, société dont la Ville est actionnaire principal. Il était clair pour chacun que cette solution devait être provisoire.Quels étaient ces projets inopportuns ?On a parlé d’installations de sièges de sociétés ou de créations d’hôtels. Ces perspectives scandalisaient l’opinion et la presse locale. Nombreux étaient en effet ceux qui étaient attachés à la pérennité de l’activité d’exposition du Palazzo Grassi qui contribue tant à l’éclat de la vie culturelle de Venise. D’authentiques projets culturels se sont également manifestés,notamment celui de M. Terruzzi, qu’on appelle en Italie le roi du nickel, qui se proposait d’installer à Grassi sa collection d’art ancien, qu’on dit belle. Cette solution était estimable, mais elle présentait de toute évidence, aux yeux de la municipalité, l’inconvénient de créer à Venise un musée permanent de plus, tout en privant la ville du bel instrument d’organisation d’expositions temporaires qu’est le Palazzo Grassi.Comment François Pinault s’est-il intéressé au Palais ?Au premier semestre 2005, alors que je travaillais pour lui comme consultant, François Pinault envisageait de renoncer à installer sa collection sur l’Ile Seguin, à Boulogne-Billancourt. C’est à ce momentlà qu’il marqua pour le Palazzo Grassi un nouvel intérêt, non pas pour y transférer son projet de musée mais pour y réaliser un projet culturel d’une autre nature.
Quel est-il ?Promouvoir une politique d’expositions temporaires de haut niveau, en faisant alterner des expositions consacrées à l’histoire des civilisations, à l’art historique du XXe siècle et à l’art contemporain en s’appuyant sur la grande collection dont il est le propriétaire. C’est une formule à laquelle je tiens et à laquelle je crois beaucoup. La complexité de l’art contemporain doit, à mes yeux, sans cesse être remise dans la perspective des expositions artistiques du XXe siècle. Par ailleurs, je ne crois pas aux vertus de la segmentation chronologique arbitraire de l’histoire de l’art. L’art est une aventure globale. L’amour des chefs-d’œuvre du passé n’exclut en rien l’excitation effervescente que vous procure l’art contemporain, et vice-versa. C’est notre regard qui donne sa contemporanéité à toute œuvre, qu’elle soit issue d’un passé lointain ou qu’elleait été produite aujourd’hui. J’éprouve de ce fait une vraie volupté à pouvoir passer, dans l’espace de la programmation d’une année, de Picasso à Franz West et de Franz West à Childéric et à Odoacre.Dans l’histoire de sa collection, le rêve de Boulogne a engendré des acquisitions monumentales, de très grand format, des installations considérables. Ont-elles leur place à Grassi ?Beaucoup d’œuvres, en effet, ont été acquises dans la perspective du musée de Boulogne et des espaces qu’il offrirait. Des commandes spéciales avaient été faites ou envisagées, comme celle qui fut évoquée avec Richard Serra pour une œuvre monumentale destinée au parvis. Des artistes comme Pierre Soulages ou Cy Twombly avaient pris part également à cette réflexion. Il est vrai que François Pinault aime travailler avec les artistes. Les œuvres acquises dans ces conditions sont souvent en attente d’un lieu qui se prêtera à leur présentation, à Venise ou ailleurs. En venant au Palazzo Grassi, François Pinault savait très bien qu’il ne réalisait pas le «musée Pinault» mais qu’il posait la première pierre d’un projet culturel subtil et complexe dans lequel sa collection pourrait être mise en valeur de façon progressivement satisfaisante.Quel est la programmation mise en place ?Elle respecte un cahier des charges conclu avec la Ville au moment de l’acquisition du Palais. Nous avons naturellement commencé avec la collection Pinault pour l’ouverture, et cela à travers l’exposition Where Are We Going. Ensuite ce fut Picasso, la joie de vivre, 1945-1948, consacrée aux années d’après-guerre du maître dans laquelle ne se trouvait qu’une seule œuvre de la Collection Pinault, un portrait de Françoise Gillot. Du 5 mai au 11 novembre 2007, pendant la biennale donc, c’est tout naturellement la Collection Pinault et les œuvres spécialement commandées pour la circonstance qui occuperont le Palazzo Grassi. À partir de janvier 2008, commence l’exposition Rome et les barbares, première exposition de civilisations du «nouveau» Palazzo Grassi, dans la tradition des Celtes, des Etrusques, des Mayas… qui ont fait la réputation de ce palais. Pour la suite nous travaillons sérieusement à une exposition consacrée à l’Arte povera. Si Grassi accueille régulièrement des expositions de la Collection Pinault, d’autres présentations, en d’autres lieux, sont également envisagées.
Des projets de présentations temporaires sont donc envisagés ?Oui, notamment celui de Lille, à la fin de l’année, dans la suite du programme «Lille 3000», avec des œuvres qui mettent en valeur la lumière, qu’elle soit captée (la photographie), projetée (la vidéographie) ou utilisée de façon plastique (les œuvres de Dan Flavin, par exemple). Cet ensemble sera présenté pendant trois mois. Ces projets d’expositions temporaires n’excluent cependant pas la possibilité de fixer un jour la collection dans un lieu plus permanent.Vous donnez le sentiment que le Palazzo Grassi est le point de départ d’un projet plus ambitieux qui consiste à travailler en réseau sur les grandes places mondiales. Est-ce une de vos préoccupations ?Incontestablement le réseau est une forme très contemporaine d’expression et d’action. Il démultiplie l’efficacité d’une proposition ainsi que le public pour lequel on travaille. Il permet une meilleure économie de la production des expositions et des publications. J’ai toujours été convaincu par la force des réseaux. Comme Président du Centre Pompidou, j’avais organisé un cycle d’expositions hors les murs en France et à l’étranger pendant la fermeture du Centre pour travaux. Ce programme nous avait conduits au Brésil, au Japon, à New York, et dans une trentaine de villes en France. Ce fut un moyen de valoriser ce trésor qu’est une grande collection. Ce fut aussi une façon très efficace de préserver une expression possible des missions de service public d’un grand établissement. Fort de cette expérience, j’ai demandé plus tard, comme ministre de la Culture, aux établissements publics de s’engager dans la création d’antennes permanentes, de façon à démultiplier l’efficacité de leurs actions. Le Centre Pompidou à Metz, le Louvre à Lens… sont les premiers témoins de cette initiative. À travers leurs antennes, ces deux établissements rencontreront de nouveaux publics, élargiront leur rayonnement et confirmeront l’excellence des «marques» dont ils sont détenteurs. L’idée d’une «constellation Pinault» procède de la même logique.Il ne s’agissait donc pas de passer de Boulogne à Venise ?Bien sûr que non ! En mettant un terme à son projet pour Boulogne, François Pinault se proposait de changer d’orientation, de renoncer au musée au sens classique du terme avec son unité de lieu, de temps et d’action, et de créer autre chose. Il ne pouvait être question de transporter un projet, si intimement conçu pour le lieu auquel il était destiné, l’Ile Seguin, dans un autre lieu, sans absurdité et cela d’autant plus qu’il aurait fallu une nouvelle fois relancer études, négociations, appels d’offres… Tout cela aurait pris beaucoup trop de temps alors que le Palazzo Grassi permettait de mettre en place la tête de pont d’un grand projet culturel avec une rapidité très spectaculaire.La mise en réseau vous semble vitale ou n’estce qu’une alternative ?Une des grandes innovations de la scène artistique contemporaine est qu’elle s’ouvre au monde entier. Pendant longtemps, elle s’est ancrée en Europe et enAmérique du Nord: elle est désormais ouverte aux autres continents, à l’Inde, à la Chine, à l’Amérique du Sud. Même Dakar a sa Biennale qui, malgré la précarité de ses moyens, montre souvent des artistes formidables. La scène artistique s’est mondialisée de façon très puissante. La mondialisation des marchés et les révolutions de la communication y sont pour beaucoup. L’information est rapide et universelle. Les échanges sont nombreux. La scène artistique est désormais très largement ouverte. C’est une chance. C’est aussi un risque de banalisation.Est-ce que dans le cadre de la mise en réseau d’une exposition la société Christie’s vous est d’un secours important ?Cette société de plus de 2000 collaborateurs répartis dans le monde entier appartient en effet au Groupe Pinault. Mais eux c’est eux, et nous c’est nous. Il n’y a aucune coordination entre leur activité et la nôtre. Nous avons des relations confraternelles, sans actions méthodiquement coordonnées. Christie’s peut être d’un très précieux secours quand il s’agit de localiser une œuvre dont on souhaite la présentation dans une exposition et cela, naturellement, dans le respect scrupuleux des règles de confidentialité qui s’attachent à l’activité d’une maison de vente. Quand j’ai souhaité présenter une œuvre de Picasso qui était passée en vente, Christie’s a signalé mon intérêt au propriétaire mais sans jamais m’en indiquer directement l’identité. En sens inverse, il va de soi que le Palazzo Grassi n’a pas vocation à mettre en valeur des œuvres que Christie’s aurait le projet de mettre en vente. On le voit donc, de bonnes relations mais dans le respect d’un code déontologique très strict. J’attache, en effet, une importance de principe à la clarté et à la transparence de ces relations.La création d’un Musée-Pinault permanent est donc à venir, de façon organiquement vivante. Est-ce à dire que la collection permanente pourrait se trouver dans un désert de Mandchourie, pour reprendre le rêve de certains mécènes ?Le bon sens est d’aller là où il y a du public. Le but de l’action culturelle, c’est de rencontrer des gens, c’est d’aller à eux et de les faire venir à soi. Il ne sert à rien de créer quelque part, dans le désert, un mausolée vers lequel ne viendraient que quelques visiteurs égarés ou fortunés. C’est la raison pour laquelle le contexte urbain estpropice, celui des grandes métropoles ou celui, atypique, d’une ville comme Venise, désormais petite ville de 60 000 habitants, mais dans laquelle passent chaque année quelques millions de visiteurs, disponibles pour la culture et curieux de toutes les expressions de l’art.Parmi les modèles muséaux, François Pinault semble avoir un faible pour la fondation d’Ernst Beyeler à Bâle ?Il va de soi que je partage cet intérêt, et cela depuis longtemps. Déjà, dans les années 80, quand j’étais administrateur du Musées national d’Art moderne, j’appréciais l’incomparable personnalité du grand marchand qu’a été Ernst Beyeler. La fondation qu’il a créée souligne si besoin était la pertinence de son regard et l’immensité de son amour pour l’art. Sa fondation est, en effet, un beau modèle, s’appuyant sur un bâtiment exemplaire, et sur l’attractivité immense d’une ville métropole artistique, riche de tant de musées. Ernst Beyeler est l’un des grands témoins de l’art du XXe siècle.Mais Ernst Beyeler est un scénographe, un accrocheur hors pair. François Pinault s’intéresse-t-il à la muséographie de sa collection ?Aucun collectionneur n’est indifférent à la façon dont on présente les œuvres qui lui appartiennent. La relation du collectionneur avec ses œuvres est une relation de passion. Même quand le collectionneur s’entoure d’experts, de conseillers, c’est bien sa passion qui est en jeu, sa vision des choses qui est concernée. Je crois que ce qui intéresse le plus François Pinault, c’est la commande d’une œuvre à un artiste ou la rencontre avec l’œuvre d’un artiste qu’il ne connaît pas encore. C’est ainsi que pendant la dernière Nuit Blanche, visitant l’église Saint-Bernard, il a été séduit par une œuvre de Subodh Gupta qu’il a aussitôt souhaité acquérir. Elle sera d’ailleurs l’une des œuvres fortes de la prochaine exposition. Si les spécialistes qu’il consulte, comme Elena Geuna, Caroline Bourgeois ou Alison Gingeras, jouent un rôle important, c’est toujours lui qui décide quand il s’agit d’acheter et qui tranche lorsqu’il s’agit de présenter.Quel type de collectionneur est-ce ?Passionné naturellement, disponible pour toutes les rencontres avec l’art, très mobile sur la scène internationale et respectueux des artistes, tout en conservant cette nécessaire distance critique qu’on appelle la lucidité.Vous êtes au cœur d’une collection importante, au plus près de la création, d’un projet de mise en réseau de l’offre culturelle, d’un lieu prestigieux au centre de l’Europe culturelle, avez-vous le désir de prendre aussi le rôle de commissaire d’une exposition ?Assurer le commissariat d’une exposition est un exercice passionnant qui vous invite tout d’abord à avoir des idées claires sur le sujet que vous proposez de traiter et ensuite à vous demander comment en partager l’intérêt avec un vaste public. C’est peut-être pour renouer avec ma première et ancienne vocation de professeur d’Histoire que j’ai décidé de m’investir personnellement dans la conception de l’exposition Rome et les barbares que le Palazzo Grassi présentera en 2008. Le sujet est magnifique, il concerne près d’un millénaire de notre histoire. Il nous renvoie aux racines de l’Europe. Il nous invite à mieux réfléchir à la situation du monde d’aujourd’hui où coexistent, dans des espaces culturels de plus en plus compliqués, des individus porteurs de traditions et de références différentes et parfois antagonistes. Pour ma part, j’estime que la confrontation des cultures, des religions, des langues, des usages, des moeurs, des traditions, y compris culinaires, finit toujours, même si c’est au prix de situations parfois tendues, par avoir des conséquences positives. Depuis le début de son histoire, l’humanité n’a cessé de bouger. L’homme appartient à une espèce vagabonde. La même humanité n’a cessé de vouloir protéger les caractères de ses identités tout en étant, dans le fond, disponible pour toutes les aventures nouvelles que lui tendait le hasard de tant de rencontres paisibles ou violentes. L’Histoire n’est jamais finie, connaître le passé apprend à ne pas désespérer de l’avenir. Sans transposer l’histoire ancienne dans le monde contemporain de façon anachronique, on ne peut qu’êtrefrappé par la ressemblance de certaines situations. À la fin de l’Empire Romain, le droit a cessé d’être une règle territorialement constante, chaque individu, sur le même territoire, devenant porteur et bénéficiaire de son propre droit. Le débat sur le voile islamique ne nous renvoie-t-il pas vers des situations analogues, au principe universel de laïcité s’opposant la défense du droit aux particularismes dont chaque individu pourrait se réclamer ?Quelle serait l’exposition d’art contemporain dont vous voudriez assurer le commissariat ?Sans doute une exposition qui sortirait l’art contemporain de son possible ghetto. Je crois que l’art c’est l’art, qu’il soit ancien, moderne ou contemporain et, pour ma part, j’aimerais concevoir une exposition confrontant des œuvres contemporaines à des œuvres plus anciennes ou antiques pour montrer que les artistes de tous les temps se posent des questions identiques auxquelles ils répondent avec le vocabulaire plastique, mais parfois aussi technique, de leur temps. Ce serait une façon de montrer au public que de l’âge des cavernes à la Biennale de Venise, c’est la même grande aventure de l’art qui se déroule. Parmi les artistes qui m’intéressent, il y a tout particulièrement ceux qui affrontent les réalités de leur temps pour les décrire et les critiquer, pour s’en emparer et pour les détourner. À cet égard, je suis très sensible à un mouvement comme celui de la figuration narrative, à des artistes comme Ero, comme Monoury, comme Gérard Fromanger, dont le regard sur leur temps est si aigu, si pertinent.
En quelques mots
Qu’est-ce qui vous émeut……dans un objet ?Son usage possible. J’aime qu’un objet, qu’il soit ancien ou contemporain, garde son usage. Il m’est arrivé en commission d’acquisition, au Centre Pompidou, d’éprouver une infinie tristesse en me disant que des meubles qu’on achetait pour la collection de design ne serviraient plus, qu’on ne s’assiérait plus sur des chaises devenues des objets à regarder seulement. Les objets doivent être mobilisables pour un usage. C’est la meilleure façon de s’assurer qu’ils ne sont pas morts.…dans une peinture ?Sa capacité à parler du sort des Hommes. J’aime les tableaux qui renvoient à des questions essentielles et radicales, à la douleur du monde, par exemple comme le Retable d’Issenhein.…dans une sculpture ?Sa volupté. Autant la peinture est intellectuelle, la sculpture est sensuelle. Elle fait du regard une main qui caresse.…dans une photo ?C’est son détachement de la réalité, c’est sa possible abstraction. La photographie avait une telle facilité mécanique à représenter le réel qu’elle a dû s’en émanciper. Un rayogramme m’émeut parce qu’il est la trace de la lumière et de son mouvement et non pas la représentation reposante d’un spectacle que l’œil peut déjà contempler.…dans une livre ?C’est toujours la poésie qui libère les mots de la nécessité de ne servir qu’à la narration. La poésie est toujours plus à dire qu’à lire. Elle rend aux mots leur son.…dans une musique ?Sa capacité à vous élever l’esprit, à vous émouvoir, à vous envelopper dans la résonance subtile des rythmes, des sons, des mots. La musique rend le cœur et l’esprit vagabonds.…dans une architecture ?Logique, simplicité et fonction.
Si vous deviez choisir une œuvre……dans la peinture ?Une œuvre de Velázquez, n’importe laquelle ou presque.…dans la sculpture ?Les dos de Matisse.…dans la musique ?Salomé de Richard Strauss.…dans l’architecture ?La Tour hélicoïdale de Boromini ou la Chapelle Notre-Dame du Haut du Corbusier à Ronchamp.…dans la littérature ?Tout François Villon. Ça tient en un volume… mais c’est essentiel. J’y ajouterai Louise Labé et Max Jacob, un petit vade-mecum pour être bien avec soi-même.
«C’est notre regard qui donne sa contemporanéité à toute oeuvre, qu’elle soit issue d’un passé lointain ou qu’elle ait été produite aujourd’hui.»
Parcours
19462 octobre, naissance à Metz.1973-76Professeur d’histoire et de géographie à Tulle.1976-78Chargé de recherches au Centre d’Etudes et de recherches architecturales.1978-82Sous-directeur de l’Ecole Nationale des Beaux-Arts.1979Commissariat du Centenaire de la mort de Viollet-leDuc.1982-85Administrateur du Musée national d’art moderne au centre Georges Pompidou.
1987Commissariat général pour le centenaire du Palais de Chaillot.Commissariat général de l’exposition Cinq siècles d’art espagnol (Paris).1985-88Adjoint au directeur des affaires culturelles.1988-89Délégué général aux manifestations culturelles de la Ville de Paris.1988-93Directeur de l’Association de préfiguration de l’Ecole des Beaux-Arts de la Ville de Paris.1990Direction artistique du centenaire du général de Gaulle.1991Direction artistique et mise en scène de l’arrivée de la flamme olympique à Paris.1992-93Directeur général de la Vidéothèque de Paris.1993-96Directeur des Affaires Culturelles de la Ville de Paris1996-2002Président du Musée national d’art moderne au centre Georges Pompidou. 2002-2004Ministre de la culture et de la communication.2004Conseiller auprès de François Pinault pour les activités culturelles à Artémis (Groupe PPR).Conseiller à la Fondation pour l’Innovation politique; Conseiller régional de Lorraine, Membre du Conseil économique et social.2005Président directeur général de TV5 Monde.2006Directeur général du Palazzo Grassi.