Gazaune mosaïque de civilisations au fil du temps

Une exposition au Musée d’art et d’histoire de Genève, hautement symbolique, inaugurée par S.E. Dr. Mahmud Abbas, offre une nouvelle image d’une contrée déchirée.Des origines à l’Antiquité Lieu stratégique s’il en est, la Bande de Gaza, forte de ses 362 kilomètres carrés étirés le long de la côte méditerranéenne, ne laisse guère percevoir de nos jours son rôle de trait d’union entre l’Afrique et l’Asie. Dernier point d’eau pérenne avant le franchissement du désert du Sinaï, Gaza est pourtant de tout temps connue pour la richesse de ses vergers, la clémence de son climat et ses abondantes ressources en eau. Dès la plus haute Antiquité, la région est un enjeu majeur: l’attrait pour les matières premières de Palestine (cuivre et bitume, mais aussi huile d’olive et vin) conduit l’Égypte prédynastique à implanter, à partir de 3500 av. J.-C. et pendant la majeure part du IIe millénaire av. J.-C. des villes fortifiées à l’instar de Tell as-Sakan ou de Tell al-‘Ajjul. Dominante dans la région jusqu’au VIIe siècle av. J.-C., l’Égypte pharaonique a laissé nombre de témoignages, à l’instar de ces urnes funéraires en albâtre du IIe millénaire av. J.-C. Dynamisée par son rôle de point de destination pour les caravanes des Nabatéens chargées d’épices et d’encens sillonnant la Péninsule arabique, et par le développement d’un commerce maritime au long cours, la région de Gaza s’ouvre en profondeur aux influences grecques. L’abondance des vases à figures noires puis à figures rouges, la découverte d’un casque de type corinthien du VIe siècle...

Une exposition au Musée d’art et d’histoire de Genève, hautement symbolique, inaugurée par S.E. Dr. Mahmud Abbas, offre une nouvelle image d’une contrée déchirée.
Des origines à l’Antiquité Lieu stratégique s’il en est, la Bande de Gaza, forte de ses 362 kilomètres carrés étirés le long de la côte méditerranéenne, ne laisse guère percevoir de nos jours son rôle de trait d’union entre l’Afrique et l’Asie. Dernier point d’eau pérenne avant le franchissement du désert du Sinaï, Gaza est pourtant de tout temps connue pour la richesse de ses vergers, la clémence de son climat et ses abondantes ressources en eau. Dès la plus haute Antiquité, la région est un enjeu majeur: l’attrait pour les matières premières de Palestine (cuivre et bitume, mais aussi huile d’olive et vin) conduit l’Égypte prédynastique à implanter, à partir de 3500 av. J.-C. et pendant la majeure part du IIe millénaire av. J.-C. des villes fortifiées à l’instar de Tell as-Sakan ou de Tell al-‘Ajjul. Dominante dans la région jusqu’au VIIe siècle av. J.-C., l’Égypte pharaonique a laissé nombre de témoignages, à l’instar de ces urnes funéraires en albâtre du IIe millénaire av. J.-C. Dynamisée par son rôle de point de destination pour les caravanes des Nabatéens chargées d’épices et d’encens sillonnant la Péninsule arabique, et par le développement d’un commerce maritime au long cours, la région de Gaza s’ouvre en profondeur aux influences grecques. L’abondance des vases à figures noires puis à figures rouges, la découverte d’un casque de type corinthien du VIe siècle av. J.-C. témoignent de l’ampleur de cette hellénisation. La période romaine, marquée par le développement d’un urbanisme monumental et par des sanctuaires de première importance, à l’instar du temple de Zeus Marnas (forme du Zeus crétois), voit l’amorce d’un commerce du vin de Gaza, qui, dès le règne de Vepasien, est bien attesté jusqu’à Rome. Encouragés par la prospérité de Gaza, les arts antiques excellent, comme en témoigne cette délicate représentation d’une Aphrodite ou d’une Hécate appuyée sur un pilier hermaïque et flanquée par un Pan enfant. Les œuvres sont parfois monumentales: la plus grande statue d’un Zeus trônant que le Monde antique ait connu provient en effet du sud de la Bande de Gaza: haut de 3,50 m, ce chef-d’œuvre est de nos jours présenté au sein des Musées archéologiques d’Istanbul.De l’époque byzantine à l’Empire ottomanÀ partir des Ve-VIe siècles, les informations historiques deviennent plus nombreuses et détaillées. Nous bénéficions, en effet, de témoignages directs, par des auteurs gaziotes, sur les circonstances de l’adoption du christianisme dans cette région, sur des destructions de temples et sur la nouvelle organisation religieuse. Les œuvres présentes à l’exposition complètent magnifiquement ces textes; les chapiteaux de type copte montrent les liens entre les communautés monastiques de la région d’Alexandrie (notamment Saint-Ménas) et celles de la Bande de Gaza (Saint-Ilarion à Nusseirât). Or, le monachisme a été introduit en Palestine par saint Ilarion, natif de Tabatha, au sud de Gaza, qui effectua sa formation intellectuelle et religieuse à Alexandrie. Les relations avec Constantinople, capitale de l’Empire byzantin, qui sont bien connues par des textes comme la Vie de Porphyre de Marc le Diacre, se lisent également au travers des décors architecturaux réalisés en marbre de Proconnèse (Marmara).Si le christianisme fut difficilement accepté à Gaza, où la majorité de la population restait farouchement attachée au paganisme, il produisit néanmoins une littérature importante, dans un grec de grande qualité comme l’affirma, bien plus tard, au IXe siècle, le patriarche de Constantinople, Photios. Pourtant, à l’époque, la majorité de la population avait le syriaque comme langue maternelle. Cette vie intellectuelle riche se reflète dans certaines œuvres, décors, mosaïque et objets byzantins de l’exposition.Les liens avec le monde arabe, d’abord de nature commerciale, remontent bien avant l’islam. L’arrière-grand-père du prophète Mahomet, Hashin ibn `Abd Manaf, mourut et fut enterré à Gaza. Plus tard, en 634, la conquête musulmane se réalisa de façon rapide et pacifique, peut-être justement grâce aux relations commerciales que les Gaziotes entretenaient avec les Arabes. Les droits des chrétiens furent préservés, ainsi qu’en témoigne toujours la communauté actuelle de Gaza, qui dans sa majorité est rattachée à l’Orthodoxie grecque. Des décors architecturaux du XIXe siècle, ornés de croix, évoquent leur cadre de vie pendant la domination ottomane. Dans l’exposition, ils voisinent avec les stèles ayyoubides, mameloukes et ottomanes.

D’autres objets, telles les lampes ou les amphores, de même que la réutilisation de chapiteaux ou de colonnes, montrent la continuité culturelle et artistique entre les mondes byzantin et islamique qui perdure durant plusieurs siècles.Au-delà de l’exposition, un Musée archéologique à Gaza:un pont vers la paixLa richesse du patrimoine archéologique mis au jour par les fouilles archéologiques de la mission conjointe franco-palestinienne, sous la conduite de Jean-Baptiste Humbert et de Moain Sadeq, alliée à l’ampleur de la collection privée de Jawdat Khoudary, aujourd’hui officiellement inscrite à l’inventaire des Biens Culturels de Palestine, a conduit la Ville de Genève, et en particulier les Musées d’art et d’histoire, à proposer la création d’un Musée archéologique à Gaza même. Envisagé à l’emplacement du port antique de Gaza dont il présenterait les vestiges conservés au sein de son sous-sol, ce projet au long terme, patronné par l’UNESCO, espère pouvoir offrir aux Gaziotes et aux visiteurs la possibilité de découvrir ce patrimoine d’exception. Comme l’ont souligné le Président de l’Autorité Nationale Palestinienne, Mahmoud Abbas, et la Présidente de la Confédération, Micheline Calmy-Rey, lors du vernissage de l’exposition «Gaza à la croisée des civilisations», la coexistence attestée des multiples civilisations mises au jour ne peut qu’être un encouragement vers une reconnaissance mutuelle des communautés actuelles, gage d’un chemin commun vers la paix.

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