La beauté interactive des papiers d’argent

Par son soin du reliquat et des choses courantes, Armleder souligne depuis plus de trente ans que les «œuvres» ne sauraient être qu’inachevées, des works in progress se développant à l’intérieur des consciences individuelles. Moins de produits finis, plus d’imaginaire à mettre en commun. Comme Joseph Beuys (1921-1986), l’artiste restitue toujours le partenaire regardeur à sa propre créativité.John M Armleder (né à Genève en 1948) est un improvisateur. Comme les grands compositeurs, et lespeintres également. Dans son œuvre quelque chose tient des artistes chinois qui se préparent une vie durant à délivrer «l’unique trait de pinceau». Comme eux, JMA tombe juste.La rétrospective proposée au Mamco sous un titre à double détente, Amor vacui · Horror vacui, affiche une manière consommée de lier et l’artefact (il n’y a pas, et de loin, chez JMA que de la peinture !) et sa mise en espace, dans une démarche virtuose de somnambule inspiré, aussi détachée et capricieuse que souverainement concentrée et délibérée. Quand il entre dans une salle d’exposition à installer, JMA n’a pas forcément de plan, mais il retombe immanquablement sur ses pieds à la faveur d’un instinct sûr autant que d’une réflexion fine combinant matériau, forme, significations et situation spatiale. On a presque envie de dire qu’on n’y trouve rien de négligé.Même si à l’écart manifesté d’avec la société – au temps où JMA fédérait son groupe (Ecart, né en 1972) – a succédé au fil d’une pratique artistique évolutive l’apparence d’une mise en conformité à la société, la singularité distinctive...

Par son soin du reliquat et des choses courantes, Armleder souligne depuis plus de trente ans que les «œuvres» ne sauraient être qu’inachevées, des works in progress se développant à l’intérieur des consciences individuelles. Moins de produits finis, plus d’imaginaire à mettre en commun. Comme Joseph Beuys (1921-1986), l’artiste restitue toujours le partenaire regardeur à sa propre créativité.
John M Armleder (né à Genève en 1948) est un improvisateur. Comme les grands compositeurs, et lespeintres également. Dans son œuvre quelque chose tient des artistes chinois qui se préparent une vie durant à délivrer «l’unique trait de pinceau». Comme eux, JMA tombe juste.La rétrospective proposée au Mamco sous un titre à double détente, Amor vacui · Horror vacui, affiche une manière consommée de lier et l’artefact (il n’y a pas, et de loin, chez JMA que de la peinture !) et sa mise en espace, dans une démarche virtuose de somnambule inspiré, aussi détachée et capricieuse que souverainement concentrée et délibérée. Quand il entre dans une salle d’exposition à installer, JMA n’a pas forcément de plan, mais il retombe immanquablement sur ses pieds à la faveur d’un instinct sûr autant que d’une réflexion fine combinant matériau, forme, significations et situation spatiale. On a presque envie de dire qu’on n’y trouve rien de négligé.Même si à l’écart manifesté d’avec la société – au temps où JMA fédérait son groupe (Ecart, né en 1972) – a succédé au fil d’une pratique artistique évolutive l’apparence d’une mise en conformité à la société, la singularité distinctive de JMA reste l’œuvre ouverte, comme Umberto Eco (1932) en exposa le principe dans son livre éponyme de 1962 (édition française: Le Seuil, Paris 1965).Chaque nouvelle œuvre d’art (moderne) offre la perspective d’un système de signes neuf dans lequel interviennent le créateur et l’utilisateur. Cette interactivité tient pour partie aux connotations qu’apporte le regardeur. Si, comme l’avance Eco dans une de ses définitions, «l’œuvre d’art est un message fondamentalement ambigu, une pluralité de signifiés qui coexistent dans un seul signifiant», Roland Barthes (1915-1980) précise que «la réponse, c’est chacun de nous qui la donne, y apportant son histoire, son langage, sa liberté». Bref, l’œuvre est un interface, en termes d’aujourd’hui.

Un ensemble magnifique de pièces anciennes dans la production de JMA (elles datent de 1972-1974), dont quinze, dans l’exposition du Mamco, sont rassemblées au mur selon une grille orthogonale serrée, ne cesse de captiver très fort et donne exemplairement à voir ce dont il s’agit.De plus loin, ces grands papiers à gros quadrillage (détachés de «blocs de conférence») sont des surfaces rectangulaires de qualité amorphe sur laquelle scintillent des éclats irréguliers pulsant comme un champ d’étoiles, mais rangées comme à la parade. De plus près, on constate que ces planches additionnent, allègres plus que réifiés, les papiers d’argent (ou d’aluminium) les plus divers, par leur formes, textures, couleurs et origines fonctionnelles. Elles résultent de véritables collectes effectuées au gré d’une seul trajet à pied un certain jour par une même personne et mises en sachets. D’où JMA allait tirer, plus tard, le matériau d’un collage régulier (un élément par carré) et tout en même temps perturbé par la suite des différentes configurations et quelques «corrections»: c’était «collé comme ça venait, mais si tous les rouges venaient ensemble, je les espaçais. Un peu de triche».Nourris (au sein du groupe Ecart, par exemple Patrick Lucchini, Claude Rychner, Eric Gottraux) par une activité collective, rituelle autant qu’aléatoire, certains de ces collages «en ont plus que d’autres», remarque aujourd’hui l’artiste, qui ajoute: «on les lisait comme des livres», suivant les suggestions d’un jeu anamorphique aux personnages devinés. Ces collages qui se présentent «à l’image des herbiers, des insectes» répondent à des règles qu’elles mettent en crise.La rationalité apparente du procédé (collecte et collage «méthodiques» de papiers alu) renvoie aux fausses systématiques, à l’expérimentation aléatoire, aux associations libres – et débouche sur une poétique intense, davantage que sur un seul message. Même si JMA peut en suggérer: «le papier d’argent est à peu près éternel. C’est une œuvre qui peut être lue dans un sens écologique. Les gens y voyaient déjà une participation au nettoyage des rues. Et voyaient une beauté intrinsèque».Si JMA a collecté (et fait collecter) papiers brillants, peignes (Lézards sauvages IIa / «égouttés»), papillons, plumes, haricots, cartes à jouer ou chaussures usagées («Aujourd’hui, je le ferai avec des chaussures neuves». Pour être plus près du readymade ? «Probablement»), la raison en est le bonheur du jeu (fondamental) et sans doute aussi l’expression d’une pensée, même très «plastique», très ouverte. JMA interroge la «collection». Et de constater aujourd’hui que «la manière de faire des collectes dans la rue n’est pas très différente des collectes dans l’histoire de l’art»

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