Le Corbusier ou la Synthèse des arts

«Celui qui touche à l’architecture se doit d’être un impeccable plasticien et un connaisseur vivant et vivace des arts majeurs, sculpture et peinture sous le règne de l’espace. L’urbanisme dispose, l’architecture façonne, la sculpture et la peinture lui adresseront des paroles de choix qui sont leur raison d’être». Ce plaidoyer signé Le Corbusier définit à merveille l’exposition que lui consacre, au Musée Rath, le Musée d’art et d’histoire de Genève, du 9 mars au 6 août 2006, sous le titre Le Corbusier ou la Synthèse des arts.La mémoire collective retient surtout la production architecturale de cet esthète au nœud papillon et aux lunettes cerclées d’une large monture noire. Mais c’est à la découverte d’un artiste pluridisciplinaire que nous convient Cäsar Menz, directeur des Musées d’Art et d’Histoire de la Ville de Genève, Naïma et Jean-Pierre Jornod, auteurs genevois d’un catalogue raisonné de l’œuvre de Le Corbusier et commissaires de cette vaste rétrospective.Charles-Edouard Jeanneret est né en 1887 à la Chaux-de-Fonds. A 30 ans il quitte définitivement la Suisse et s’installe à Paris. En 1920 il prend le pseudonyme de Le Corbusier (modifiant légèrement le nom d’un aïeul maternel qui se prénommait Lecorbézier). Il meurt accidentellement en août 1965, au cours d’unebaignade au large de Rocquebrune-CapSaint-Martin où il s’était construit un cabanon.Très tôt les voyages assouvissent le désir de connaissances de cet autodidacte, et établissent les bases de l’éducation artistique et architecturale de celui qui est reconnu et célébré aujourd’hui comme un des tous grands architectes du vingtième siècle. Crayons et...

«Celui qui touche à l’architecture se doit d’être un impeccable plasticien et un connaisseur vivant et vivace des arts majeurs, sculpture et peinture sous le règne de l’espace. L’urbanisme dispose, l’architecture façonne, la sculpture et la peinture lui adresseront des paroles de choix qui sont leur raison d’être». Ce plaidoyer signé Le Corbusier définit à merveille l’exposition que lui consacre, au Musée Rath, le Musée d’art et d’histoire de Genève, du 9 mars au 6 août 2006, sous le titre Le Corbusier ou la Synthèse des arts.
La mémoire collective retient surtout la production architecturale de cet esthète au nœud papillon et aux lunettes cerclées d’une large monture noire. Mais c’est à la découverte d’un artiste pluridisciplinaire que nous convient Cäsar Menz, directeur des Musées d’Art et d’Histoire de la Ville de Genève, Naïma et Jean-Pierre Jornod, auteurs genevois d’un catalogue raisonné de l’œuvre de Le Corbusier et commissaires de cette vaste rétrospective.Charles-Edouard Jeanneret est né en 1887 à la Chaux-de-Fonds. A 30 ans il quitte définitivement la Suisse et s’installe à Paris. En 1920 il prend le pseudonyme de Le Corbusier (modifiant légèrement le nom d’un aïeul maternel qui se prénommait Lecorbézier). Il meurt accidentellement en août 1965, au cours d’unebaignade au large de Rocquebrune-CapSaint-Martin où il s’était construit un cabanon.Très tôt les voyages assouvissent le désir de connaissances de cet autodidacte, et établissent les bases de l’éducation artistique et architecturale de celui qui est reconnu et célébré aujourd’hui comme un des tous grands architectes du vingtième siècle. Crayons et carnets de route en main, il entreprend de longues randonnées en Europe et en Orient, fait des stages dans des cabinets de grands architectes avant d’ouvrir en 1922 son propre atelier d’architecture à Paris.Projets et réalisations se suivent et se concrétisent aux quatre coins de la planète. Projets d’urbanisme pour des villes telles qu’Alger, Sao Paulo, Bogota, Stockholm ou Anvers, constructions de nombreuses maisons individuelles, d’unités d’habitations, de musées, de lieux de culte et d’immeubles administratifs, ne l’empêchent pas d’accorder une large place au dessin et à la peinture. S’y ajoutent bientôt la sculpture et la tapisserie, parallèlement à une œuvre écrite foisonnante.«Si l’on accorde quelque signification à mon œuvre d’architecte aime-t-il à rappeler, c’est à ce labeur secret qu’il faut en attribuer la valeur profonde. J’ai deux âmes dans mon corps: l’architecture et la peinture».Le Corbusier est en quelque sorte peintre le matin, dans le silence et la solitude de son atelier, architecte l’après-midi, écrivain et théoricien en permanence, poète et philosophe à ses heures.Mais c’est l’architecture qui le fait vivre et le rend célèbre. Il est le maître reconnu de l’occupation de l’espace, de la lumière, des volumes et des modules modifiables à souhait, des pilotis et des piliers centraux qui libèrent les façades de toute fonction porteuse, un des premiers à faire appel à des structures préfabriquées, à se préoccuper du bien être et du bien vivre de l’homme en harmonie avec la nature.«Tout n’est-il pas dans tout? Prendre possession de l’espace est le geste premier des vivants, des hommes, et des bêtes, des plantes et des nuages, manifestation fondamentale d’équilibre et de durée… La preuve première d’existence n’est-elle pas d’occuper l’espace?»s’interroge ce touche-à-tout visionnaire.

Art passions:C’est indéniablement à toutes ces interrogations que cette exposition originale et unique dans son genre tente de répondre intelligemment.Cäsar Menz:Intelligente, cette rétrospective… je l’espère sourit Cäsar Menz, des petites étoiles dans les yeux comme si l’aura de Le Corbusier l’illuminait! Il semble joyeux d’avoir rassemblé cent trente tableaux, plusieurs maquettes d’architecture, des gouaches et des dessins, une vingtaine de sculptures, quelques tapisseries, des photographies, des manuscrits et même des objets de la collection personnelle de ce touchea-tout de génie.Originale aussi, cette exposition l’est par la diversité de ses documents. Grâce à la Fondation Le Corbusier à Paris, aux prêts de nombreux musées suisses et étrangers, et aux richesses des collections privées dont celle du mécène bâlois Raoul La Roche, nous avons découvert de nombreux inédits.Unique enfin, cette manifeststion l’est par son fil rouge novateur qui de salle en salle met en lien, chronologiquement et thématiquement, tous les domaines explorés par l’artiste. Dans la dernière salle, la plus didactique, ce parcours se termine par une «synthèse des arts». Sorte de conclusion, dont le propos est de montrer et d’expliquer toutes les étapes de la création de ce bourreau de travail.C’est donc la première fois que l’on visualise, par une exposition didactique, ce concept de base, par lequel Le Corbusier rappelle qu’ «il n’y a pas de sculpteurs seuls, de peintres seuls, d’architectes seuls; que l’événement plastique s’accomplit dans «une forme une» au service de la poésie».Tout à fait, et comme le confirme le catalogue raisonné de son œuvre, Le Corbusier ne cesse de surprendre par l’hétérogénéité de sa création, par son insatiable curiosité intellectuelle, par son imagination créatrice hors du commun et par sa faculté de représentations si singulière, qu’il apparaît comme l’homme aux mille possibles.Si l’on sait que Le Corbusier est un architecte et urbaniste décrié par les uns et célébré par les autres, on ignore souvent que sa peinture est aussi importante que son œuvre bâti, dont elle ne peut être dissociée. Ce constat a-t-il aussi été pour vous une révélation?En quelque sorte oui. Mais faute de place nous avons été obligés de faire une sélection très rigoureuse ne retenant finalement qu’un tiers de l’oeuvre picturale qui nous était proposée tout en respectant les étapes de son évolution. L’époque de sa jeunesse, souvent nommée pré purisme comprend essentiellement des dessins et des gouaches, mais la gamme des couleurs vives de certaines aquarelles annonce déjà les capacités innées du peintre et du coloriste. Suit la période puriste qui met en scène des objets très divers, souvent à réaction poétique, objets que l’on retrouve dans la composition de ses tableaux, jusqu’à ce que la femme devienne le thème principal de son vocabulaire plastique. Son approche est désormais plus sensuelle, plus expressive, plus lyrique. La femme apparaît dans des compositions toutes de force, de monumentalité et de sensibilité.

A la fin de sa vie, il y a une période très différente des précédentes. C’est la série des Taureaux dans laquelle le peintre trace ces animaux avec souplesse, les courbes sinueuses sont enrichies de couleurs vives qui architecturent l’espace.Autre découverte, encore moins connue que celle de sa peinture, la sculpture que l’exposition met très subtilement en rapport avec l’architecture.A soixante ans, après des décennies de recherches et de réalisations architecturales et picturales Le Corbusier entame en effet avec la sculpture une nouvelle forme d’expression. En accord avec ses préoccupations de toujours, qui sont le volume, l’espace, la forme et la couleur, il collabore avec un ami Joseph Savina ébéniste breton. Ce dernier réalise en version tridimensionnelle les peintures et dessins que lui transmet l’architecte, qui ne participe pas lui-même à l’élaboration première de la forme dans le matériau brut auquel il apporte ensuite l’application des couleurs.A-t-on aussi un aperçu des meubles que Le Corbusier a dessinés – fauteuils, tables, chaises, chaise longue, qui sont tellement à la mode, tellement «tendance» voire imités aujourd’hui?Pas au sein même l’exposition. Mais dans toutes les salles du Musée Rath des éléments de ce célèbre mobilier permettent aux visiteurs de se reposer, de visionner films et documentaires, d’écouter des témoignages ou d’entendre les extraits d’une pièce de théâtre dont les dialogues sont tirés des écrits de ce théoricien très prolifique qui n’a cessé de répéter, comme pour se distancer de la mode: «l’utopie n’est jamais rien d’autre que la réalité de demain et que la réalité d’aujourd’hui était l’utopie d’hier».
Dès le 27 avril, cette riche «autobiographie visuelle» est complétée, dans les salles du Musée d’Art et d’Histoire, par une exposition consacrée uniquement à l’œuvre dessinée, intitulée «LE CORBUSIER: DESSINS A DESSEIN» Une centaine d’œuvres pour découvrir le rôle essentiel qu’a joué le dessin tout au long de la carrière de l’architecte.Ces deux événements culturels genevois ne seront toutefois pas les seuls à marquer en 2006 la mémoire de Le Corbusier. L’Immeuble Clarté qu’il a construit en 1932 dans le quartier de Villereuse avec son petit-cousin l’architecte Pierre Jeanneret et son ami l’industriel Edmond Wanner va connaître une restauration spectaculaire, imposée et financée en petite partie par la Confédération, le Canton et la Ville. Appelée familièrement «Maison de Verre», cette «machine à habiter» comme disait Le Corbu sera bientôt inscrite au patrimoine culturel mondial promulgué par l’Unesco. Elle reste le symbole le plus marquant de l’introduction de la modernité à Genève. Son ravalement s’avère indispensable pour que cet immeuble unique, figurant dans toutes les revues d’architecture, le seul immeuble d’habitation collective construit par Le Corbusier en Suisse, retrouve son aspect d’origine.Etudiants en architecture et admirateurs étrangers le visitent en permanence, le dessinent, ou la photographient.Je l’habite moi-même avec bonheur depuis plus de 15 ans, et pour rien au monde je n’abandonnerais le bien être que me procurent sa luminosité et l’agencement harmonieux de ses volumes.Voilà pourquoi et comment, 41 ans après sa mort, Le Corbusier enfant de la métropole horlogère continue d’être célébré avec passion à Genève, comme aux quatre coins de la planète.

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