Comme cet autre genre de réunion colorée que l’on appelle aussi « salon » (songeons à celui d’Odette Swann), une foire comme « Paris Beaux-Arts » offre l’occasion de mieux connaître, entre deux gorgées d’alcool ou deux regards désireux (« il me faut ce bronze »), certaines personnalités auxquelles on ne pensait plus guère depuis des lustres et sur lesquelles, comme on dit, « on tombe ». Je fus enchanté de découvrir sur le stand des galeries Jan et Pluskwa plus de vingt œuvres de Félix Ziem dont L’artiste dans un paysage méditerranéen,
Ponte Ca Di Dio, Venise ou bien encore Fontaine devant Sainte-Sophie. J’avais toujours follement aimé ses Eaux douces d’Asie du Musée Condé, j’en gardais quelque part en moi le souvenir embaumé ; mais je n’avais jamais mesuré à quel point ce peintre sut entrelacer avec élégance les adjectifs aventureux et chaleureux. Non loin de ces délicieux appels de l’Est, je découvris un bel appel de l’Ouest signé Paul César Helleu, Régates aux Cowes. J’hésitais à voir sur cette toile, fraîche au possible, non des voiles mais des glaçons, non de l’écume mais des galets. « Comment trempez-vous, monsieur, votre pinceau dans l’odeur du large ? » Sur le stand de la Galerie Dil, ce ne furent pas moins de huit Bernard Buffet qui me firent – un peu – revoir mon sentiment sur ce peintre des angles et du gris. Une toile intitulée Renoncules jaunes me frappa par sa composition forte : quatre pavillons compris dans un triangle isocèle. Il me semblait que cet étroit vase posait, sur ce joli fond ocre, pour moi. Je découvris plus loin une vue de la Place des Vosges. Point de vie, point d’hommes, point d’autos mais le rythme quand même : des baies si serrées que je croyais voir des stries verticales au-dessus desquelles – c’était « en réalité » les balcons – fussent venues flotter sept portées musicales. Un Buffet un jour, pourquoi pas…