Vous jouez maintenant le Guarneri del Gèsu « Panette » (1737), J’imagine que cet instrument extraordinaire, qui incarne une tradition à lui tout seul, a changé beaucoup de choses.
J’ai joué pour la première fois ce violon en 2005, cela va faire dix ans maintenant. Sa sonorité ample, grave, suave m’a touché immédiatement. J’avais l’impression d’avoir à ma disposition des milliers de couleurs pour étendre ma palette sonore, une impression de grande confiance aussi, comme si cet instrument m’aidait à trouver ma sonorité rêvée. Isaac Stern l’a joué 50 ans, et l’a aimé aussi énormément, c’était sa voix. Aujourd’hui, c’est la mienne. Et je suis heureux et fier de pouvoir continuer à faire résonner cet instrument exceptionnel.
C’est aussi une manière de s’inscrire dans une tradition. La transmission est pour vous une chose fondamentale, à commencer par ce que l’on reçoit, directement ou non, de ses modèles.
Absolument. Cela dépasse le simple fait de jouer de la musique. J’admire de plus en plus Menuhin, Barenboïm, Casals, qui ont fait des choses autour de la musique. Avec sa Fondation, Menuhin a su incarner autre chose qu’une grande carrière : c’était un humaniste. J’ai joué devant lui un concerto de Mozart et nous devions le jouer ensemble l’année suivante. Il est mort quatre jours avant le concert. Je me souviens de ce regard bleu d’une douceur incroyable. C’est une personne qui dégageait quelque chose même sans instrument, sans musique. Giulini était la beauté et l’élégance personnifiée.