Viva Mexico !
Point n’est besoin de prendre le premier vol pour Mexico, la fiévreuse, pour découvrir l’extraordinaire vitalité de ses artistes au génie protéiforme et diablement inventif.
Sous la coupole du Grand Palais, tous les ténors sont là : Frida Kahlo et Diego Rivera bien sûr, mais aussi José Clemente Orozco, Angel Sarraga, et surtout cette cohorte d’artistes femmes (Tina Modotti, Lola Alvarez Bravo, Nahui Olin…) dont on mesure, grâce à cette splendide exposition, la dimension poétique et révolutionnaire.
L’on perçoit aussi combien le Mexique fut une terre de rêve et de sang, cristallisation de toutes les idéologies et de tous les fantasmes, qui devait tant fasciner des écrivains comme André Breton ou Antonin Artaud. » Je suis venu sur la terre du Mexique pour chercher les bases d’une culture magique qui peut encore jaillir des forces du sol indien », clamera ce dernier qui arrivera au Mexique en 1936 et y fera des rencontres capitales, dont l’artiste Maria Izquierdo, représentée dans l’exposition par un saisissant autoportrait.
Tout en assimilant les avant-gardes européennes (le symbolisme, le cubisme, le surréalisme…), les peintres mexicains n’ont en fait jamais cessé de tremper leurs pinceaux dans le vieux fonds précolombien, archaïque et tripal. En témoignent ces portraits hiératiques d’Indiennes et d’Indiens comme surgis d’une fresque de Teotihuacan et ces natures mortes qui traduisent à merveille la luxuriance d’une terre nourricière fécondée par les dieux…
Parmi les chocs esthétiques et les découvertes de cette passionnante exposition, mon oeil s’est ainsi attardé longuement sur cette très belle Indienne d’Oaxaca peinte par Ramon Cano Manilla, sauvage et primordiale tout à la fois, sur cette composition onirique de Diego Rivera magnifiant d’un pinceau fluide la rivière Juchitan, et sur les poignants clichés de Manuel Alvarez Bravo d’une dignité implacable.
Seul regret, on eût aimé que quelques artistes contemporains aient trouvé leur place dans cette fresque haute en couleurs. La confrontation avec leurs aînés aurait provoqué de salutaires pistes de réflexion… Édité par la réunion des musées nationaux, le catalogue offre en revanche une passionnante synthèse sur les courants artistiques nés au Mexique dans la première moitié du XX siècle.
Mexique 1900-1950
Diego Rivera, Frida Kahlo, José Clemente Orozco et les avant-gardes, Grand Palais, Paris, Jusqu’au 23 janvier 2017.