Le Baroque des Lumières au Petit Palais, à Paris
Un titre peut en cacher un autre. Que contient le plus célèbre ouvrage d’Heinrich Wölfflin, Principes fondamentaux de l’histoire de l’art ? Il ne s’agit ni d’un manifeste, ni d’un manuel destiné à l’amateur débutant ou au parfait arpenteur de musées, mais de l’un des premiers essais à lire pour comprendre la manière – ou la manière de voir – baroque. Relisons le sous-titre : Le problème de l’évolution du style dans l’art moderne. De même, méfions-nous du beau titre de la belle exposition qui se tient jusqu’au 16 juillet au Petit Palais, à Paris : Le Baroque des Lumières. Ne devinons pas derrière le premier nom cette fusion architecture-sculpture-peinture qui caractérise, par exemple, la chapelle Cornaro de Bernin ; ne voyons pas derrière le second la mise en avant, par quelques lettrés, de l’immanence humaine face aux transcendances politiques et religieuses ; lisons-les davantage en aval : car si, conformément à l’étymologie si souvent proposée, vous associez le mot « baroque » à quelque perle irrégulière, et si vous vous rappelez que les Lumières se proposèrent de combattre les préjugés, alors ce titre vous satisfera. À quelques délicieuses exceptions près (je songe à une reliure de maroquin noir, à l’origine argentée et dorée, à décor de têtes de morts et de larmes, l’enveloppe d’un livre liturgique provenant du trésor de Notre-Dame, pour Des Esseintes), ne sont présentées ici que des œuvres peintes, – mais quelle variété déployée ! Goutez donc la Naissance de la Vierge de Jean Restout avant le Saint Jean Baptiste de François Lemoyne, plus loin le Retour du fils prodigue de Jean-Germain Drouais et, dans la dernière salle, un Christ en croix de David… Ce choix, auquel l’Histoire à la fois destructrice et constructrice présida la première, donne une idée de la production d’une capitale où fleurit, de Nicolas de Largillière à Joseph-Marie Vien et de Watteau à Fragonard, une peinture diverse mais tenue – comme la perle ! – par une technique en tout point admirable ; la peinture assurée d’un siècle qui, n’en déplaise à ceux qui lissent ou tranchent à outrance, ne fut pas seulement celui du cher libertinage et du sublime désenchantement, de l’indispensable Voltaire et de l’indispensable Rousseau, mais qui fut encore attaché à la religion, aux vieux autels à fleurir, à ses nouveaux retables raffinés, parfois même étonnants. Lisons : Chefs-d’œuvre des églises parisiennes au XVIIIe siècle, voici le sous-titre de cette exposition à voir, délectable et didactique.