ART MODERNE D’AFRIQUE DU SUD

L’Afrique du Sud, cet étrange pays à la pointe australe du continent noir, a longtemps eu mauvaise presse. L’apartheid, fruit délétère d’une histoire plus complexe que celle de la plupart des colonies européennes, l’a mise au ban des nations pendant toute la deuxième moitié du XXe siècle. L’abandon, au début des années 90, de cette politique ségrégationniste a permis un début de réconciliation nationale et le retour du pays sur la scène internationale. Depuis un peu plus d’une décennie, l’attention portée par le marché de l’art aux pays dits émergents a favorisé la découverte, en Afrique du Sud, d’un patrimoine pictural moderne méconnu dont la qualité surprendra plus d’un connaisseur. Petite promenade toute subjective dans les catalogues de la maison Bonhams… Seule maison de vente internationale présente sur le marché sud-africain, Bonhams organise, depuis 2007 à Londres, deux ventes annuelles consacrées à la peinture et à la sculpture sud-africaines de tradition occidentale. Cette présence précoce sur le marché, ajoutée à une vraie expertise puisque la maison possède un département consacré spécifiquement à l’art sud-africain, a fait de Bonhams l’acteur principal de la reconnaissance de plus en plus large que rencontrent ces œuvres auprès des amateurs, vient d’ouvrir un bureau à Genève, au 14 de la rue du Rhône. Jacob Hendrik Pierneef (1886-1957) a rapidement connu le succès et été considéré, à partir des années vingt, comme l’initiateur d’un style pictural proprement sud-africain. Sa manière architecturale et linéaire, un peu hiératique, magnifie les paysages de son pays natal, qu’il a parcouru...

L’Afrique du Sud, cet étrange pays à la pointe australe du continent noir, a longtemps eu mauvaise presse. L’apartheid, fruit délétère d’une histoire plus complexe que celle de la plupart des colonies européennes, l’a mise au ban des nations pendant toute la deuxième moitié du XXe siècle. L’abandon, au début des années 90, de cette politique ségrégationniste a permis un début de réconciliation nationale et le retour du pays sur la scène internationale.

Depuis un peu plus d’une décennie, l’attention portée par le marché de l’art aux pays dits émergents a favorisé la découverte, en Afrique du Sud, d’un patrimoine pictural moderne méconnu dont la qualité surprendra plus d’un connaisseur. Petite promenade toute subjective dans les catalogues de la maison Bonhams…

Seule maison de vente internationale présente sur le marché sud-africain, Bonhams organise, depuis 2007 à Londres, deux ventes annuelles consacrées à la peinture et à la sculpture sud-africaines de tradition occidentale. Cette présence précoce sur le marché, ajoutée à une vraie expertise puisque la maison possède un département consacré spécifiquement à l’art sud-africain, a fait de Bonhams l’acteur principal de la reconnaissance de plus en plus large que rencontrent ces œuvres auprès des amateurs, vient d’ouvrir un bureau à Genève, au 14 de la rue du Rhône.

Jacob Hendrik Pierneef (1886-1957) a rapidement connu le succès et été considéré, à partir des années vingt, comme l’initiateur d’un style pictural proprement sud-africain. Sa manière architecturale et linéaire, un peu hiératique, magnifie les paysages de son pays natal, qu’il a parcouru en tout sens et jusqu’en Namibie, alors sous administration sud-africaine. Les grands arbres et les arbustes du Bosveld, les rochers et les montagnes, le ciel et les nuages sont traités de manière simplifiée, ce qui accentue leur monumentalité et en fait la base solide d’une composition très assurée. Bien que l’on ait souvent évoqué sa relation avec le peintre et théoricien néerlandais Willem van Konijnenburg, connu pour prôner des principes de composition basés sur la géométrie et les mathématiques, l’art de Pierneef reste avant tout influencé par l’art primitif des Bushmen, dont il admire, très jeune déjà, les œuvres taillées à même le roc.

Alexis Preller (1911-1975) reste, parmi les artistes sud-africains, assez inclassable, tant son style, du surréalisme à l’abstraction en passant par le réalisme, a pu changer. Dans Native Study, il s’approche d’une veine expressionniste et semble mériter le surnom de «Gauguin sud-africain» qui lui a parfois été attribué. La végétation stylisée paraît envahir le tableau comme une métaphore fantasmée de l’Afrique noire et de sa luxuriance tandis que le traitement du personnage, qui exacerbe à la fois sa force et sa simplicité, semble vouloir représenter un archétype primitiviste dont on sait qu’il a constitué l’une des clés de la mythologie africaine très personnelle que s’était forgée Preller.

Avec Annie of the Royal Bafokeng, Maggie Laubser (1886-1973) livre sans doute l’une de ses plus belles œuvres. Peinte en 1945, à l’occasion d’un séjour chez des amis à Rustenburg, elle représente une jeune femme du peuple Bafokeng, qui servait alors dans leur maison comme gouvernante. Frappée par sa beauté, Laubser entreprit d’en faire le portrait, qu’elle vendit ensuite à ses hôtes – à leur demande – pour 45 £, une somme assez considérable à l’époque ! Les couleurs à la fois vives et harmonieuses qui contrastent et s’accordent tout à la fois, témoignent de l’art de Maggie Laubser, qui réalise une synthèse harmonieuse entre les influences expressionnistes de sa longue formation européenne et l’attirance pour les sujets pastoraux, venue de son origine rurale.

François Krige (1913-1994) fut pendant la Seconde Guerre mondiale peintre de guerre dans l’armée britannique. Peint dans ses années de maturité, On Board ship évoque cette période marquante de la vie du peintre. Sa composition en trois plans échelonnés de gauche à droite introduit une narration subtile du sujet – la guerre comme expérience humaine – qui va bien au-delà d’une simple scène quotidienne et teintée d’ennui de la vie militaire. Ainsi, la masse obscure et indifférenciée, quoique clairement hiérarchisée, comme soudée dans l’attente, se résout-elle enfin dans le combat aveugle des deux lutteurs. Plus haut et au troisième plan, semble s’ouvrir dans le bleu du ciel et de la mer, la perspective d’un futur encore lointain, mais apaisé.

Eleanor Esmonde-White (1914-2007) ne présente probablement pas un palmarès de vente comparable à Laubser, Preller ou Pierneef. Pourtant, elle prouve avec Hanging the washing, Malay Quarter un sens de la composition qui n’a rien à leur envier. La palette sobre, réduite, le sujet centré sur la vie quotidienne et les travaux domestiques féminins sont également typiques d’Esmonde-White. Ici les diagonales, courbées, adoucies, se croisent et s’allient aux chemises blanches agitées par le vent pour donner au tableau sa grande force dynamique.

Cecil Skotnes (1926-2009), connu pour avoir animé pendant les années cinquante le seul établissement de formation artistique ouvert aux artistes noirs, s’est montré fasciné par la figure semi-légendaire du roi bantou Shaka, conquérant et fondateur, entre 1816 et son assassinat en 1828, de l’Empire zoulou. Skotnes a peint de nombreuses pièces racontant la geste héroïsée de cette figure controversée, dont les guerres et les conquêtes sont en partie cause du Mfecane, l’un des deux grands mouvements de populations qui affecte l’Afrique du Sud au XIXe siècle – l’autre étant le Grand Trek, soit la fuite des Boers vers l’intérieur des terres pour échapper à l’emprise de la colonisation britannique. Avec cette série sur Shaka, non seulement Skotnes met en valeur une histoire peu valorisée et peu connue en dehors des populations de langue zouloue, mais encore il retrouve en partie des formes inspirées de l’art africain traditionnel.

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