Au Louvre, la révélation d’une autre Grèce

Longtemps boudée par les archéologues qui lui préféraient la Grèce du Sud, la Sicile ou l’Asie Mineure, la Macédoine antique ne cesse de livrer ses trésors depuis la mise au jour, en 1977, de la tombe de Philippe ii, le père d’Alexandre le Grand. Fruit de sept années de collaboration féconde entre scientifiques grecs et français, l’exposition du Louvre dévoile à travers quelque 500 pièces d’exception la singularité de cette «autre Grèce» aristocratique et flamboyante. un choc absolu ! Il est peu d’expositions d’archéologie qui se révèlent aussi ambitieuses par le propos pédagogique et la qualité esthétique des pièces qu’elles présentent. Osons le compliment… Il ne nous a guère été donné depuis ces quinze dernières années d’assister à une réussite aussi exemplaire. Sous l’égide de Sophie Descamps-Lequime, conservatrice en chef au Département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du Louvre, et d’un aréopage de scientifiques grecs de la même envergure, la région qui vit naître Alexandre le Grand renaît dans toute sa splendeur. Car loin de se limiter à la glorification du grand général macédonien, l’exposition du Louvre brosse sur plus de quinze siècles l’épopée haute en couleurs de cette Grèce du Nord riche en mines d’or et d’argent, traversée de montagnes, de larges fleuves et 80 de forêts, et dont les souverains n’étaient guère les rustauds barbares dont se gaussaient les écrivains attiques, Démosthène au premier chef. Cette réputation de «contrée sauvage dénuée d’intérêt» allait cependant coller à la Macédoine pendant de longs siècles, puisque Chateaubriand en personne dédaigne...

Longtemps boudée par les archéologues qui lui préféraient la Grèce du Sud, la Sicile ou l’Asie Mineure, la Macédoine antique ne cesse de livrer ses trésors depuis la mise au jour, en 1977, de la tombe de Philippe ii, le père d’Alexandre le Grand. Fruit de sept années de collaboration féconde entre scientifiques grecs et français, l’exposition du Louvre dévoile à travers quelque 500 pièces d’exception la singularité de cette «autre Grèce» aristocratique et flamboyante. un choc absolu !

Il est peu d’expositions d’archéologie qui se révèlent aussi ambitieuses par le propos pédagogique et la qualité esthétique des pièces qu’elles présentent. Osons le compliment… Il ne nous a guère été donné depuis ces quinze dernières années d’assister à une réussite aussi exemplaire. Sous l’égide de Sophie Descamps-Lequime, conservatrice en chef au Département des Antiquités grecques, étrusques et romaines du Louvre, et d’un aréopage de scientifiques grecs de la même envergure, la région qui vit naître Alexandre le Grand renaît dans toute sa splendeur. Car loin de se limiter à la glorification du grand général macédonien, l’exposition du Louvre brosse sur plus de quinze siècles l’épopée haute en couleurs de cette Grèce du Nord riche en mines d’or et d’argent, traversée de montagnes, de larges fleuves et 80 de forêts, et dont les souverains n’étaient guère les rustauds barbares dont se gaussaient les écrivains attiques, Démosthène au premier chef. Cette réputation de «contrée sauvage dénuée d’intérêt» allait cependant coller à la Macédoine pendant de longs siècles, puisque Chateaubriand en personne dédaigne d’y porter ses pas lorsqu’il effectue son Grand Tour de Grèce en 1806…

Il faudra attendre la seconde moitié du XIXe siècle pour que la région, tel un phénix, renaisse de ses cendres ou, plus exactement, sous la pioche des archéologues ! Mandatés par Napoléon III, deux jeunes Français caressent alors l’espoir de découvrir les champs de bataille des guerres civiles de la république romaine: Léon Heuzey, qui deviendra par la suite conservateur au musée du Louvre, accompagné de l’architecte Honoré Daumet. Bravant la population hostile et les attaques de la malaria qui sévit encore dans la région, les deux hommes s’apprêtent pourtant à découvrir les premiers vestiges de l’antique capitale de Macédoine répondant alors au nom de Palatitza. Les quelques fragments de palais et de sépultures mis au jour sont bientôt acheminés vers les collections du Louvre…

Mais c’est à un archéologue grec qu’il reviendra, en 1977, d’écrire les plus grandes pages de l’archéologie macédonienne. Lorsqu’il visite, jeune étudiant, le petit village moderne de Vergina en 1937, Manolis Andronikos ignore que, quarante ans plus tard, son nom demeurera indissociable de sa découverte prestigieuse: celle des sépultures royales des anciens souverains de Macédoine. Tel un Schliemann mettant au jour les tombes mycéniennes et leurs somptueux masques en or, l’archéologue grec va ainsi dévoiler – mais avec infiniment plus de rigueur que le fouilleur allemand ! – la réalité tangible, matérielle, de la royauté macédonienne et de ses fastes. Car sous cet imposant tertre de 120 m de diamètre et 12 m de haut (qui avait tant impressionné Heuzey !), sommeillent ainsi depuis des siècles, intactes et d’une fraîcheur incomparable, des tombes dont le caractère royal ne fait point de doute. Il suffit, pour s’en convaincre, d’admirer la somptuosité de leur façade de marbre ornée de fresques d’une maestria technique étourdissante, la richesse «vertigineuse» des offrandes qu’elles renferment en leur sein: couronnes de feuillages ciselées dans l’or d’une finesse arachnéenne, vaisselle en argent d’un luxe inouï, trône de marbre… Mieux ! Se distinguant par la taille et la magnificence (décrivant une chasse au lion, sa fresque est un chef-d’œuvre de pure peinture), l’une d’entre elles s’avère bien vite être celle de Philippe II, le père d’Alexandre le Grand, assassiné en 336 avant notre ère. Construite à la hâte, elle renfermait ainsi, dans une débauche d’offrandes, un somptueux coffret en or conservant les ossements du souverain macédonien. Mené par des spécialistes anglais, l’examen anthropologique du crâne parachevait la démonstration: une blessure à l’œil droit rappelait que Philippe avait perdu un œil au siège de Méthone, en 354…

En l’espace de quelques décennies, les découvertes archéologiques vont alors se succéder à un rythme frénétique: nécropole de Sindos entre 1980 et 1982, tombe dite «d’Eurydice» (la grand-mère d’Alexandre le Grand) en 1987, ou bien encore cette mise au jour en 2003 d’un sanctuaire consacré à Zeus sur le site de Dion… Enfin, la découverte qui a assurément fait couler le plus d’encre ces toutes dernières années est celle de cette sépulture d’un jeune adolescent dont les ossements ont été déposés, avec une couronne de feuilles de chêne en or, dans une pyxide (vase en forme de coffret) particulièrement précieuse. Il est tentant d’y reconnaître la tombe d’Héraklès, le fils illégitime d’Alexandre et de Barsine, assassiné par le général Cassandre après la mort du conquérant…

Mais au-delà du fracas des armes et des guerres de succession et de conquête qui rythmèrent les grandes heures de Macédoine, l’exposition du Louvre dévoile une tout autre facette: celle d’une cour éprise de luxe et de raffinement, dont les souverains mécènes accueillaient la fine fleur des artistes de tout le monde grec. L’on sait ainsi que, à la fin du Ve siècle, le roi Archélaos invita le grand peintre Zeuxis à venir décorer de fresques son palais dans sa toute nouvelle capitale de Pella. C’est en Macédoine que le poète tragique Euripide composa l’une de ses plus célèbres pièces: Les Bac chantes. Ses vers lyriques se font d’ailleurs l’écho de la magnificence des paysages macédoniens, de la beauté sauvage de leurs montagnes. Un siècle plus tard, le peintre Apelle et le sculpteur Lysippe deviendront les portraitistes officiels d’Alexandre le Grand, dont le culte de l’image se perpétuera bien au-delà de sa mort… Sublimés par une muséographie d’une rare élégance, terres cuites, bijoux, vaisselle de table, mais aussi décors de lits de banquet étourdissent ainsi l’œil du visiteur, reflétant le degré d’excellence atteint par les artisans grecs. L’on ne sait si l’on doit préférer à la virtuosité un brin clinquante de cette hydrie ornée d’une amazonomachie «en réduction», cette petite figure d’Eros enfant dont le sommeil trahit les accointances avec le monde funéraire… Une certitude s’impose cependant: bien des expérimentations plastiques anticipent de plusieurs siècles l’art de Rome et de Pompéi, voire de la Renaissance ! Et que dire de cette irruption de la couleur dans un monde grec que le grand public associe encore trop souvent à la pureté virginale de ses marbres blancs, alors que ses temples et ses sculptures étaient parés d’une polychromie flamboyante ! «Avec ces découvertes, c’est toute l’histoire de l’art antique qui se doit d’être réécrite», résume, avec enthousiasme, Sophie Descamps-Lequime. Son exposition en offre une démonstration éclatante…

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