Balades de Claude Monet

En cette fin d’été, le GrandPalais ouvre ses portes sur une rétrospective de l’œuvre du peintre, nous permettant de mieux mesurer l’immensité de son parcours. S'il y eut un Monet peintre c’est parce qu’il y eut un Claude voyageant. Celui-ci se rencontre au travers de sa peinture, qui évoque la marche et qui fut également transportée d’un endroit à l’autre. Ses tableaux, tout en accentuant continuellement le primat des effets de lumière, montrent des lieux, lieux de passage, de séjours privilégiés ou lieux marquants de ses choix picturaux.Cet aspect de la production du peintre est d’autant plus prégnant qu’il y va peut-être de ce qui demeure une constante dans son parcours. Le chemin qu’il suit, dans cette logique du déplacement est étroitement associé à la recherche de la lumière, en vue d’en cerner tous les aspects, tantôt à Belle-Île, tantôt à Londres, les abandonnant tour à tour, quitte à y revenir. À tel point qu’on peut se poser la question de la portée métaphorique de cette recherche, du thème extatique qu’elle porte, ou de l’expérience que Monet a pu faire de l’«escapisme» romantique, assumé sans «ailleurs» de rupture, à l’inverse de l’Abyssinie de Rimbaud, des Caraïbes de Gauguin, de l’Océanie de Lévi-Strauss. Une fuite assumée dans la perspective d’un classicisme pictural. Mais nous tenons ceci pour une conjecture. L’exposition des Galeries nationales du Grand Palais permet de reprendre les étapes de ce parcours de manière d’autant plus explicite que ce ne sont pas moins de 175 peintures qui y sont...

En cette fin d’été, le GrandPalais ouvre ses portes sur une rétrospective de l’œuvre du peintre, nous permettant de mieux mesurer l’immensité de son parcours.

S’il y eut un Monet peintre c’est parce qu’il y eut un Claude voyageant. Celui-ci se rencontre au travers de sa peinture, qui évoque la marche et qui fut également transportée d’un endroit à l’autre. Ses tableaux, tout en accentuant continuellement le primat des effets de lumière, montrent des lieux, lieux de passage, de séjours privilégiés ou lieux marquants de ses choix picturaux.Cet aspect de la production du peintre est d’autant plus prégnant qu’il y va peut-être de ce qui demeure une constante dans son parcours. Le chemin qu’il suit, dans cette logique du déplacement est étroitement associé à la recherche de la lumière, en vue d’en cerner tous les aspects, tantôt à Belle-Île, tantôt à Londres, les abandonnant tour à tour, quitte à y revenir. À tel point qu’on peut se poser la question de la portée métaphorique de cette recherche, du thème extatique qu’elle porte, ou de l’expérience que Monet a pu faire de l’«escapisme» romantique, assumé sans «ailleurs» de rupture, à l’inverse de l’Abyssinie de Rimbaud, des Caraïbes de Gauguin, de l’Océanie de Lévi-Strauss. Une fuite assumée dans la perspective d’un classicisme pictural. Mais nous tenons ceci pour une conjecture.

L’exposition des Galeries nationales du Grand Palais permet de reprendre les étapes de ce parcours de manière d’autant plus explicite que ce ne sont pas moins de 175 peintures qui y sont réunies. Les cinq commissaires d’exposition ont choisi de présenter les variations de l’œuvre selon la lumière, le mouvement de la production ainsi exposée paraissant exactement à l’encontre de l’éparpillement de la création, quand bien même il ne s’agit pas de tout rassembler.Une peinture de la nature, et non une peinture abstraite, comme le souligne si justement Sylvie Patin, l’un des commissaires de l’exposition. Ceci contre l’illusion rétrospective transmise par Kandinsky. La place donnée à Monet par Bazille ou Boudin, le «meilleur d’entre nous», est bien celle d’un peintre sur le motif. Quant à la relation de Monet à l’abstraction, le Musée Marmottan-Monet, à Paris, en a proposé récemment une lecture, en le confrontant à d’autres peintres: Motherwell, Gottlieb, Pollock et alii se succédaient auprès du Français. Mais c’est une autre histoire. Laissons Marmottan pour l’heure, et tout ce qui s’y trouve, y compris la fameuse Impression, soleil levant (1872), absente du Grand Palais pour cette fois.1 Trêve d’anecdote, donc.L’affiche choisie pour l’exposition du Grand Palais, Femme au jardin (1866) du jeune Monet, voudrait rassembler des morceaux stylistiques qu’il traita ultérieurement dans une amplitude maximale. Silhouette, jardin et pointes en rouge, un compromis entre lumière, couleur et figure, qu’il développera chacune pour elle-même, par la suite.Le parcours suit ces choix, exprimés en motifs clairs récurrents – fanions et toitures – puis, de celles-ci aux ensembles – eaux et bosquets –, et de ceux-ci aux séries – Cathédrales et Nymphéas.Dans le mouvement, on découvre que Monet peint un Déjeuner sur l’herbe inspiré de Manet (dont il ne reste malheureusement que deux fragments). Puis une partie de l’accrochage est dédiée à la Nature morte, avant de passer au Jardin, c’est-à-dire aux peintures réalisées par Monet à l’époque de son arrivée dans la propriété de Giverny, en 1883, où il a vécu et peint durant la moitié de sa vie. En participe un célèbre Essai de figure en plein air, dont on ne saurait dire s’il s’agit de la peinture d’un modèle ou de la restitution d’un souvenir. Mais surtout, Giverny représente un jardin extraordinaire, désormais indissociable de l’œuvre du grand peintre, et qui lui fournira une réserve pratiquement inépuisable de thèmes.

La césure stylistique de 1890, c’est-à-dire après l’invention par Monet de la série, est rendue manifeste par l’exposition. La série exclut le renouvellement du motif pictural autrement que selon les modifications que lui apporte la lumière. Le passage de cette frontière dans la façon de peindre se produit au moment où Monet entreprend de construire son Jardin. Il en pousse la dynamique jusque dans l’engendrement réciproque du motif à peindre et de la peinture ellemême. Une double production de ce qu’il n’est pas exagéré d’appeler un monde, et que l’exposition restitue.On devine alors Monet bougeant, peignant, comme un vecteur ou un transistor pour ainsi dire: il devient pure médiation entre le jardin et la surface picturale, le report, l’œil, le geste. Le passage de ce qui est vécu à ce qui est peint est clairement présent dans l’exposition. C’est une rotation d’un quart de cercle de sa poitrine et de son regard, d’une manière constamment renouvelée.Les séances de jardin sont entrecoupées d’œuvres nées de ses voyages – de vues sur la Tamise notamment, mais aussi d’ensembles issus de la côte Normande, de la Creuse, dans sa recherche de couleurs et de paysages nouveaux, de Belle- Île, où il reprend la lutte avec les éléments.Viennent les Grandes Décorations de la fin de sa vie. Monet marchant seul, ou avec ses proches, de retour dans un grand jardin regorgeant de plantes de sortes et tailles diverses, longtemps près de l’étang ou sur le petit pont japonais, préparant un moment de peinture assez bref – une heure ou deux. En costume clair, ou simplement blanc, chapeau sur la tête, la barbe abondante et le corps large, en honnête homme de serre, déambulant ou assis, seul près de l’eau.



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