L’orange éclate… Je suis ravi de retrouver Simon Hantaï ici, sur le stand d’Opera Gallery (on me dit de le chercher aussi chez t’Kint de Roodenbeke et chez Berès), avec Study, cette petite œuvre (46 x 46 cm) de 1971. Je me souviens de m’être dit, enthousiasmé, visitant l’exposition que lui avait consacrée le Centre Pompidou en 2013 : « Quel maître de la couleur ! » Ici ce sont comme des feuilles jonchant un sol glacé ou formant un rideau sur un ciel clair, comme des lames, des ailes, des épines, des plaies ou des pétales. Je me rappelle que pour obtenir ce type d’œuvre, Hantaï pliait son support en tous sens, badigeonnait cette sorte de compression d’une ou plusieurs couleurs (ici sanguine), puis dépliait : le motif (blanc) sortait du repli, du non-peint, il naissait négativement. On songe au blanc de la feuille gardé en réserve par un dessinateur ou un graveur talentueux et qui, tout en restant support, est en même temps ce qui compose la lumière, ce qui semble jeté le plus en avant, ce qui apparaît le plus proche à nos yeux, voire à nos mains. Manifester ainsi la présence par l’absence, c’est une tâche poétique. Je me dis encore, devant cette œuvre puissamment orangée, qu’ayant inventé une nouvelle et très belle gestuelle picturale, comme Pollock, Hantaï offre un résultat qui – c’est le propre du grand art – jette un voile sur la réalisation : par où l’artiste commença-t-il ? comment procéda-t-il ? comment arriva-t-il ? Où est à présent le cheminement, l’étoilement menant à l’art ? Mais quand j’observe une toile de Pollock, je vois toujours Pollock marchant sur elle, agitant magistralement son bâton. Je le suis à la trace. Hantaï, lui, comme Louise Bourgeois, Manet, Chardin, Callot, Léonard…, me sème, et j’aime ça.