Bram et Geer van Velde deux peintres un nom

Le Musée des Beaux-Arts de Lyon s’est associé à Rainer Michael Mason pour une grande exposition des frères Van Velde. Proche de Bram, l’historien de l’art lié à Genève n’a cessé de mettre en évidence l’importance du peintre hollandais qui, venu des marges, devient de plus en plus central.Nés à trois ans d’intervalle (l’aîné, Bram, en 1895, le cadet, Geer, en 1898), les deux frères suivent une formation parallèle dans l’atelier de peinture décorative que dirige leur père à La Haye. Les liens familiaux sont forts et le parcours des deux artistes dessine des arabesques qui tantôt se croisent tantôt s’écartent. Tantôt ils vivent ou exposent ensemble; tantôt les voyages, le soutien apporté par leurs marchands respectifs, les invitations à de grandes expositions, ou les rencontres amoureuses ou amicales déterminent leurs diverses orientations: ainsi, la rencontre de Bram avec le critique Jacques Putman. Lesphotographies réalisées à divers moments de leur vie attestent entre les deux frères une forte ressemblance qui n’est cependant pas limitée aux caractères physiques – même front impérieux, largement dégagé, même nez, même menton volontaire, même pli aux commissures des lèvres –, mais gît aussi dans le regard: déterminé, sans concession à une quelconque mièvrerie ou abdication. L’ironie du destin a voulu que le cadet meure quatre ans avant son aîné. Geer repose à Cachan, dans la banlieue parisienne où il s’était installé avec sa femme, la styliste Elisabeth Jokl, dès 1944 ; Bram meurt le 28 décembre 1981 à Grimaud; il est enterré à Arles. Après...

Le Musée des Beaux-Arts de Lyon s’est associé à Rainer Michael Mason pour une grande exposition des frères Van Velde. Proche de Bram, l’historien de l’art lié à Genève n’a cessé de mettre en évidence l’importance du peintre hollandais qui, venu des marges, devient de plus en plus central.
Nés à trois ans d’intervalle (l’aîné, Bram, en 1895, le cadet, Geer, en 1898), les deux frères suivent une formation parallèle dans l’atelier de peinture décorative que dirige leur père à La Haye. Les liens familiaux sont forts et le parcours des deux artistes dessine des arabesques qui tantôt se croisent tantôt s’écartent. Tantôt ils vivent ou exposent ensemble; tantôt les voyages, le soutien apporté par leurs marchands respectifs, les invitations à de grandes expositions, ou les rencontres amoureuses ou amicales déterminent leurs diverses orientations: ainsi, la rencontre de Bram avec le critique Jacques Putman. Lesphotographies réalisées à divers moments de leur vie attestent entre les deux frères une forte ressemblance qui n’est cependant pas limitée aux caractères physiques – même front impérieux, largement dégagé, même nez, même menton volontaire, même pli aux commissures des lèvres –, mais gît aussi dans le regard: déterminé, sans concession à une quelconque mièvrerie ou abdication. L’ironie du destin a voulu que le cadet meure quatre ans avant son aîné. Geer repose à Cachan, dans la banlieue parisienne où il s’était installé avec sa femme, la styliste Elisabeth Jokl, dès 1944 ; Bram meurt le 28 décembre 1981 à Grimaud; il est enterré à Arles.

Après une introduction (fig. 1) évoquant l’acquisition du métier par les frères Van Velde, l’exposition lyonnaise, d’une grande envergure – elle rassemble environ 150 œuvres –, s’articule en dix-sept chapitres retraçant la progression des deux artistes. À partir d’une formation traditionnelle qui leur permet d’explorer les genres du portrait et de la nature morte, avec le réalisme propre à l’esthétique hollandaise bourgeoise, ils entrent peu à peu dans la modernité et l’expressionnisme (fig. 2). Une fois à Paris, Bram tâtonne: bouquets de fleurs, vue de Chartres ou de la banlieue, figures féminines (fig. 3), natures mortes à la fenêtre; lorsqu’il découvre les œuvres de Matisse, Bram «déconstruit» la perspective en rabattant les objets sur la surface de la toile. En 1925, il rejoint son frère à Paris. Tous deux se lancent dans des scènes paysannes (fig. 4) ou urbaines sans souci des proportions ou du réalisme. Geer s’adonne à une peinture gestuelle énergique, puis s’assagit dans une recherche plus intime. C’est à Majorque que Bram s’engage dans la quête de la peinture pure et, à son retour à Paris, que son langage se concentre sur l’essentiel: «J’ai continué à chercher des images plus intérieures – moins le visible, mais plutôt ce qu’on ne peut pas voir, l’image intérieure. Enfin, toute l’évolution était dans cette direction: se détacher du réel et trouver la vraie image», dira-t-il quarante ans plus tard. À partir de 1938, Geer s’établit à Cachan, près de Cagnes-sur-Mer; l’eau et l’irisement de la lumière lui inspirent des plans colorés qui s’imbriquent un peu à la manière d’un vitrail, pour aboutir, en 1946, à deux grandes toiles, simplement intitulées Méditerranée (fig. 5). Dès les années 1940, Bram recourt le plus souvent à la gouache, l’«huile du pauvre» (fig. 6). En juin 1948, la galerie Maeght organise une exposition qui, pour la dernière fois, associe l’œuvre des deux frères et permet d’apprécier leurs affinités et leurs différences (fig. 7). Une dernière section, consacrée au dessin, clôt l’exposition de Lyon (fig. 8).

En automne 2006, la Ville de Genève inaugurait un « chemin Bram van Velde ». Cet hommage posthume commémore les liensque Bram a entretenus avec la Suisse et tout particulièrement avec Genève, ville dans laquelle il a résidé un peu plus de dix ans. En 1958, déjà, Franz Meyer, alors directeur de la Kunsthalle de Berne, offre à Bram van Velde sa première grande rétrospective, et publie un catalogue qu’il préface. En 1959, Jan Krugier invite Bram à passer Noël à Genève: il y rencontre Madeleine Spierer, peintre elle aussi. En 1967, Bram est officiellement domicilié chez Madeleine, à La Chapelle-sur-Carouge. Il y demeurera jusqu’en 1977, date à laquelle il regagne Paris. C’est à Genève que la lithographie prend chez Bram un exceptionnel essor. Outre l’appui de Jan Krugier et de Jacques Benador, qui lui offrent des expositions, le Musée Rath reprend, en 1971, la rétrospective organisée par le Musée national d’art moderne de Paris. En 1974, le Cabinet des estampes présente le premier volet de l’œuvre lithographié de Bram, dont Rainer Michael Mason et Jacques Putman viennent de publier les trois volumes. Avec Rainer Michael Mason, Bram a rencontré non seulement un ami fidèle, mais un exégète impeccable qui sera, en quelque sorte, son héritier spirituel et signera la grande rétrospective du centenaire en 1995. C’est grâce à cette relation fondée sur l’estime réciproque, à cette rencontre intellectuelle et artistique d’un peintre et d’un historien de l’art, que la Ville de Genève possède aujourd’hui la totalité de l’œuvre lithographié de Bram van Velde. L’intérêt du critique pour l’artiste ne s’est toutefois pas borné à la lithographie ou au dessin. Il a œuvré en vue d’augmenter régulièrement la collection de peintures de l’institution, la dernière acquisition datant de 2002. Notons que, sur les six œuvres appartenant au Musée d’art et d’histoire de Genève présentéesà Lyon, cinq ont pu être restaurées grâce à la générosité de la Fondation BNP Paribas, qui, depuis plusieurs années, s’attache à soutenir la restauration d’œuvres d’exception de l’institution genevoise.En renouant avec une exposition conjointe de l’œuvre des deux frères, le Musée lyonnais ne se contente pas de raviver la mémoire de deux grands artistes et de rappeler deux parcours féconds jusque dans leurs confrontations; il s’inscrit dans le questionnement des «duos» d’artistes, de ce que l’un peut apporter à l’autre dans son cheminement vers soi-même. Enfin, en confiant le commissariat de l’exposition à Rainer Michael Mason, le Musée des Beaux-Arts de Lyon ranime des relations fécondes, entretenues entre Lyon et Genève du Moyen Âge jusqu’à nos jours, dans le domaine de l’art.



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