Sculpteur, Charles de Montaigu s’est affronté au bois, rarement au métal. En grandes, moyennes ou petites dimensions, ses sculptures jouent sur la statique précaire des masses, sur l’indissociable relation entre équilibre et déséquilibre, entre stable et instable, entre affirmation et doute. Ses sculptures monumentales peuvent sembler fortement ancrées dans la rigueur de l’orthogonalité, telle Sans titre M. CXLIII. B, datant de 2001, dans laquelle deux poutres diagonales viennent contredire la rectitude de la figure rectangulaire tout en la soulignant par leurs obliques et en accentuant le vide de cette «porte» par leurs débords. Œuvre conçue pour le plein air, cette sculpture se présente comme une manière de métaphore de la végétation dans sa prolifération. En 1989, Charles de Montaigu est invité à occuper l’étage inférieur du Musée Rath, un espace ingrat divisé en trois nefs séparées par des arcades. Il construit Sculpture, une installation monumentale de poutres tantôt épaisses, tantôt minces, qui viennent s’appuyer contre les murs pour souligner ou dénoncer l’architecture des salles. Dans toutes les civilisations, l’architecture définit le paysage en s’implantant dans la nature. Ici, c’est l’œuvre qui change le regard sur une architecture maltraitée au fil des aménagements successifs des salles d’exposition. Toutefois, la monumentalité n’est qu’une étape dans la progression du travail de Charles de Montaigu. Elle domine encore largement la création des années 1990, comme en témoigne la double exposition organisée par le Musée des beaux-arts de La Chaux-de-Fonds, en partenariat avec le Musée d’art et d’histoire de Belfort en 1995. C’est également au cours de cette décennie que le sculpteur entreprend une œuvre de peintre. Des huiles sur toile réalisées en parallèle avec des xylographies en couleurs qu’il tire lui-même sur sa propre presse. En 1994-1995, il édite trois versions du Grand jugement, dans des déclinaisons colorées d’opacité différente. Cependant, cette transition au travers de la couleur ne signifiepas l’abandon de la sculpture. Dans les années 2000, il créée de plus petites sculptures, parfois teintées, peintes, ou touchées de noir, d’or ou d’argent. Ces interventions n’émanent pas d’un désir de sophistication ni d’une tentative de masquer d’éventuels défauts du bois. Au contraire, le choix du bois est prioritaire – souvent du bois d’iroko – et les enduits n’ont pour fonction que de faire chanter la perfection de la matière, de sa structure, et de souligner l’improbable équilibre de sa statique une fois passée sous le rabot. Ces ajouts sont donc fonction de la dynamique qui sous-tend la construction des pièces: «Les sculptures palpitent par la marque de leurs chairs peintes, parfois dorées à la feuille d’or fin1.» Dans cette série d’œuvres, nombreuses sont celles qui se présentent dans la nudité du bois. En témoigne Angelot purple, de 2003-2004, dont la carnation provient du chêne d’où elle est extraite. Charles de Montaigu a toujours associé le dessin à sa pratique de sculpteur ou de peintre. Le dessin est prioritaire dans son appréhension de la matière et du réel. Sans titre, 1994, à l’encre bleue et noire, ne doit pas être considéré comme l’esquisse d’une sculpture mais comme une œuvre en soi. Aujourd’hui, le dessin absorbe toute l’énergie de l’artiste. Les outils et les machines du sculpteur sont relégués dans l’atelier. À plusieurs reprises dans sa carrière, le dessin a pris le pas sur les autres pratiques: nus d’après modèles, fleurs, les thèmes sont traités par séries, avec un important déchet, effet de l’exigence de l’auteur. Or, ses travaux les plus récents ressortissent moins à l’observation du réel, qu’à un effort d’introspection. Aux grands nus androgynes, axés sur le sexe, nombril de l’être, tels Les Épineux, n°4, datant de mars 2009, succèdent Point noir, n° 1, octobre 2009 à janvier 2010, puis Point noir, n° 9, octobre 2009 à février 2010.Quelles que soient les forces mentales et physiques que requiert la création, elle est, chez Charles de Montaigu, un acte de pensée portépar la poésie.