Domaine de rêve dédié à la douceur de vivre… Aile féminine du symbolede la royauté absolue, cette œuvre merveilleuse de simplicité et de naturel trompeurs va retrouver les splendeurs du temps de la dernière reine de France. Sur le fil de cette restauration qui s’annonce exemplaire, un mécénat singulier, un engagement passionné et un peu fou dans la suite d’une longue histoire liant Breguet à Versailles.
Le Petit Trianon et ses sortilèges, pavillon des favorites de Louis XV, puis espace de joie de vivreet d’intimité d’une reine inspirée où cohabitent architecture du XVIIIe siècle et décors néo-classiques, jardin de style anglo-chinois, lac, îlots et rochers artificiels, pavillon de musique au comble du raffinement et de la ciselure… Le merveilleux n’est pas loin d’être au rendez-vous avec un programme de restauration qui a maintenant pris des ailes.En janvier 2006, Montres Breguet annonçait son partenariat avec le musée et domaine national de Versailles. Mécène, la firme horlogère helvétique financera à hauteur de cinq millions d’euros le retour au passé fastueux d’une partie importante du domaine de Marie-Antoinette, notamment son château privé, le Belvédère et le Pavillon Français, petit joyau conçu comme un lieu de détente et de fraîcheur en pleine verdure. «On m’avait proposé de financer la réfection d’une ou deux statues, je me paie le luxe d’être fou». Nicolas G. Hayek, Président Directeur Général de la marque horlogère intégrée au Swatch Group depuis 1999, semble être de la même trempe que ce Louis-Abraham Breguet mythique (1747-1823), ce génie du Tourbillon et des complications, ce fournisseur de la Cour royale, dont il se fait le chantre. Leur talent à faire aboutir les choses et leur passion scellent l’engagement. «Plus qu’un appui financier, il s’agit d’une vraie rencontre». Christine Albanel, qui préside à la destinée de Versailles, relève à quel point la réussite d’un mécénat tient à l’authenticité du sentiment. «Au-delà de la promotion, de l’image de marque d’une entreprise, l’aventure est belle quand le donateur est touché au cœur, qu’il s’implique vraiment.»Celle-ci apparaît d’autant plus extraordinaire quand elle naît spontanément, comme par hasard, d’une histoire singulière. En 2005, cela faisait déjà six mois que la Manufacture Breguet travaillait sur la reproduction à l’identique de la montre de poche commandée par Marie-Antoinette qui devait se révéler la plus compliquée de son temps, quand Nicolas G. Hayek apprit que le «Chêne de Marie-Antoinette», ce vieux chêne sous lequel elle aimait s’abriter, fragilisé par la tempête de 1999 et la canicule de 2003, allait être abattu. Il décide alors de lui offrir une seconde vie en faisant d’une partie de son bois de 324 ans d’âge l’écrin de la pièce horlogère, la fameuse No. 160. «Le maître jardinier voulut l’offrir gracieusement, mais il n’en était pas question pour moi». Invité alors à contribuer très symboliquement à la réhabilitation du domaine, le grand patron du Swatch Group en soutient aujourd’hui la part majeure. Celle qui symbolise, dit-il: «l’esprit pétillant et raffiné de cette jeune femme devenue reine à 16 ans, ayant, malgré les légèretés et traîtrises calomnieuses dont on l’accuse parfois, soutenu de grands artistes et introduit une culture de l’art de vivre qui a influencé toute l’Europe».Désormais et jusqu’à la fin des travaux prévue au printemps 2009, l’équipe de restauration des Monuments Historiques attachée à Versailles travaille avec la Maison Breguet de manière étroite, l’architecte et l’ingénieur que cette dernière a mandatés participent à tous les débats, Nicolas G. Hayek venant souvent lui-même aux réunions.Lever de rideauL’été dernier, le rideau s’est déjà levé sur le Versailles de la Reine. Petit Trianon, Théâtre, Pavillon Français, Jardin Anglais, Temple de l’Amour, Hameau. Un univers de charme élégant, animé d’un esprit volontiers rousseauiste éloquent de fine élégance et d’un esprit. Celui que voulut Marie-Antoinette, aidée de son architecte, Richard Mique, et de son jardinier Claude Richard.Plusieurs de ces œuvres sont déjà restaurées, mais le chantier, dûment expliqué, documenté, fait partie intégrante du parcours des visiteurs, tandis que les spécialistes continuent d’œuvrer pour nous laisser découvrir de nouveaux trésors. Avec le coup d’envoi des travaux dès janvier 2007, nous seront restitués, dès l’an prochain, les lambris, sculptures, dorures, colonnes corinthiennes, scènes de chasseet de jardinage, vitrages soufflés du Pavillon Français édifié sous Louis XV, idéalement érigé entre jardin fleuris, figuerie, serre et volière. Au printemps 2009, le Salon de Musique ou «Belvédère» nous sera rendu, avec son riche décor de stucs peints et sa grâce qui porte l’alliance pittoresque de l’architecture et de la végétation à son plus haut degré d’harmonie. De fait, dans le prolongement de la recomposition minutieuse du Jardin paysager inspiré de l’Angleterre réalisée entre 2002 et 2004, la restauration des petits édifices qui s’y lovent avec un goût exquis s’inscrit maintenant parmi les actions prioritaires. Le pavillon du Belvédère et le Rocher, artifice monumental qui lui est associé, en représentent une des composantes majeures.
Bientôt, ce sera au point focal, au cœur même du Petit Trianon que la magie pourra à nouveau opérer. Pavillon érigé entre 1763 et 1768 par l’architecte Ange-Jacques Gabriel, conçu par Madame de Pompadour, favorite de Louis XV qui disparut trop tôt pour en jouir, puis habitation de Madame Du Barry, nouvelle conquête du Roi, le Petit Trianon est essentiellement marqué de l’empreinte de Marie-Antoinette qui le reçut en cadeau de Louis XV lors de son accession au trône. La visite s’organise de nos jours dans différentes pièces des appartements et dans l’appartement du roi, en attique. D’ici une quinzaine de mois, d’autres pans de ce jardin secret dessilleront les regards. On pénétrera dans les salons du second étage consacrés à l’évocation des femmes qui régnèrent dans ces lieux, on gravira l’escalier d’honneur avec sa rampe en fer forgé. Les pièces remeublées, d’un grand intérêt architectural et historique, telleque la salle des Gardes et le billard des Officiers, retrouveront leur éclat d’origine.Le ravissement sera aussi au rendezvous à l’entresol du château, demeuré quant à lui totalement inaccessible au public. Etage partiellement domestique, il n’a jamais été revisité depuis le premier tiers du XIXe siècle. «Un espace intime et prenant, avec ses objets de service usuels, les sonnettes, les petites chaises percées, l’usure du quotidien…». Pour les restaurateurs qui ont surpris avec émotion la belle endormie dans ses écaillages et ses poussières, «il s’agira d’intervenir sans troubler la magie de ce temps suspendu qui habite les lieux». Pierre-André Lalande, architecte en chef des Monuments et Sites de France, attaché à Versailles depuis quinze ans, continue d’affirmer toute au long de cette trajectoire, la volonté d’une réinterprétation minimale au profit d’interventions au plus proche de l’Histoire.Avant même le démarrage des travaux financés par Montres Breguet, il a, huit mois durant, mené avec son équipe une analyse historique très approfondie, dépouillé les archives nationales, ausculté in situ les différentes strates successives, conduit l’archéologie des menuiseries, des papiers peints, des stucs, parquets, taffetas, tentures, il a examiné une à une les pièces de mobilier conservées. Toute une méthodologie rigoureuse et passionnée qui a permis à l’architecte de mener un fantastique programme de réhabilitation de Versailles et va offrir encore une véritable reconquête du château et de son domaine délectables, enfin sauvés de l’abîme du temps…