Edvard Munchet les métamorphoses du romantisme

En écartant délibérément le tableau le plus connu d’Edvard Munch, Le Cri, la Pinacothèque de Paris permet de mieux saisir, à travers l’exposition qu’elle consacre à l’artiste norvégien, ladiversité de son univers pictural. On appelle «expressionnisme» l’exagération des expressions dans l’art. Les corps et les visages peints par Munch (1863- 1944), passant par toutes les variations passionnelles, en sont une manifestation. En ceci, Munch croise les Viennois: l’érotisme d’Egon Schiele, les tons vifs d’Oskar Kokoschka. Cependant, le terme expressionnisme semble bien trop réducteur à qui visite cette exposition. Ce qu’intègre Munch à son art est autrement plus complexe.Et pour cause : avec Munch, ce ne sont pas seulement les visages ou les expressions qui sont exagérés, mais également les ambiances. Juste avant lui, Poe, Nerval, Baudelaire, parmi les poètes, avaient entrepris de rendre par l’art les modifications de l’atmosphère, exprimant l’état d’âme de l’artiste. Tout un romantisme précède Edvard Munch qui, endigne héritier, transcrit par son approche picturale une expérience qui se veut à l’opposé du monde des affaires.Edvard Munch naît l’année du décès d’Eugène Delacroix et de la présentation au public du Déjeuner sur l’herbe d’Edouard Manet. Du chef de file des Romantiques, il reprend les nébuleuses colorées, le primat de l’intensité. Quant à Manet, premier maudit de l’avantgarde qui dégage de la toile les prémisses du courant néo-classique des Cézanne, Gauguin et Van Gogh, Munch l’accompagne mais ne s’y rattache pas. Sa tension picturale l’incline moins à la compréhension de la constitution de la peinture, qu’à l’expression rendue...

En écartant délibérément le tableau le plus connu d’Edvard Munch, Le Cri, la Pinacothèque de Paris permet de mieux saisir, à travers l’exposition qu’elle consacre à l’artiste norvégien, ladiversité de son univers pictural.

On appelle «expressionnisme» l’exagération des expressions dans l’art. Les corps et les visages peints par Munch (1863- 1944), passant par toutes les variations passionnelles, en sont une manifestation. En ceci, Munch croise les Viennois: l’érotisme d’Egon Schiele, les tons vifs d’Oskar Kokoschka. Cependant, le terme expressionnisme semble bien trop réducteur à qui visite cette exposition. Ce qu’intègre Munch à son art est autrement plus complexe.Et pour cause : avec Munch, ce ne sont pas seulement les visages ou les expressions qui sont exagérés, mais également les ambiances. Juste avant lui, Poe, Nerval, Baudelaire, parmi les poètes, avaient entrepris de rendre par l’art les modifications de l’atmosphère, exprimant l’état d’âme de l’artiste. Tout un romantisme précède Edvard Munch qui, endigne héritier, transcrit par son approche picturale une expérience qui se veut à l’opposé du monde des affaires.Edvard Munch naît l’année du décès d’Eugène Delacroix et de la présentation au public du Déjeuner sur l’herbe d’Edouard Manet. Du chef de file des Romantiques, il reprend les nébuleuses colorées, le primat de l’intensité. Quant à Manet, premier maudit de l’avantgarde qui dégage de la toile les prémisses du courant néo-classique des Cézanne, Gauguin et Van Gogh, Munch l’accompagne mais ne s’y rattache pas. Sa tension picturale l’incline moins à la compréhension de la constitution de la peinture, qu’à l’expression rendue possible de ce qui est nié par la société bourgeoise en pleine ascension. De Manet, qui l’impressionne toutefois, il reprend essentiellement la franchise. Le Joueur de fifre devient la Femme au chapeau rouge sur le Fjord.

Munch laisse l’impressionnisme à ses variations de luminosité. Il ne reviendra plus aux paysages sobres et clairs qu’il peint à ses débuts. Les espaces dépourvus de représentation d’hommes et de femmes deviennent rares chez lui. Plus importantes semblent les conditions de leur existence amoureuse. Étonnamment, cette question de l’amour, pratiquement omniprésente dans la peinture de Munch, est peu abordée dans les commentaires des critiques d’art. Combien d’expressions de la fusion des êtres chez Munch ? Le thème amoureux scande le parcours de l’exposition qui s’ouvre et se termine par des tableaux de la Madone.Les commentaires des critiques se sont arrêtés toutefois sur la dialectique du silence et du bruit. Par extension, ils en viennent au mouvement de l’âme qui préside au tableau. L’absence du Cri, expression du silence, permet de présenter à la Pinacothèque les modulations sonores, donc picturales et graphiques de Munch. C’est la synthèse picturale de touteune expérience du mouvement. Munch ne représente pas son état, mais exprime selon cet état. Mouvement de l’âme et état du tableau sont en relation d’engendrement réciproque. Une réciprocité reconduite dans le temps de la peinture, par l’acte de peindre au dehors, ou de ramener dans l’atelier les expériences urbaines.Dès lors les commentaires touchent juste : la marginalité éprouvée d’abord, recherchée ensuite, autorise la création artistique. Selon un romantisme moins noir et plus pathétique que celui de Quincey, qui fait de Munch un proche de Strindberg. D’une bohème à l’autre, à Christiania (qui n’est pas encore appelée Oslo), Paris et Berlin, c’est l’évolution d’un symbolisme entendu au sens large: expression du dérèglement de la peinture, et de celui du peintre lui-même.

Les tableaux délibérément détériorés – ils sont exposés aux intempéries –, élaborés dès 1885, sont également présentés à la Pinacothèque. C’est au retour d’un premier voyage à Paris que Munch commence l’une des œuvres majeures de son parcours artistique: L’Enfant malade. Son modèle n’est autre que sa sœur Sophie, tuberculeuse. Toute l’enfance de Munch ne s’était-elle pas déroulée dans
un climat pathologique, rappelé jusque par la profession de son père, médecin ? Selon un processus de retouche long et laborieux, Munch agrège sur cette toile, de manière encore chaotique, mais déjà explicite, des éléments essentiels de sa technique. L’image est extrêmement abîmée; mais c’est exactement cela qu’il veut obtenir1. Son expérimentation ne sera pas scientifique, dès lors, mais onirique. Arrondis et à-plats de couleur en participent. Le contraste entre la lourdeur du trait et la vivacité de la courbe renforce la couleur, mais s’oppose à une sorte de dépendance à l’illusionnisme. Goya n’est pas loin, sauf que la folie tend à passer du côté du peintre. L’Art Nouveau et le symbolisme de Klimt
s’accentuent dans la simplification des thèmes et l’augmentation maximum de leur intensité.
Munch propose une obscurité colorée. Le Baiser sur les cheveux (1915) en est une expression supplémentaire. L’érotisme du thème et le choix de la gravure exhalent un désir
qui ne cesse de chercher son idiome. C’est la variante d’un arrangement symphonique
en continuelle élaboration depuis le Baiser (1895), en passant par Rivage (1898); quant
à Nuit d’été à Studenterlunden (1899), tous les corps s’y étreignent. L’exposition se clôt sur ce
motif amoureux, après avoir repassé par des portraits en pied d’inconnus, de mécènes, ou
du peintre lui-même ainsi que par quelques paysages symbolistes.

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