Né en 1846, Emile Gallé travaille d’abord dans la verrerie de son père. Puis, après un stage dans la manufacture de Meisenthalet de longues recherches menées à titre personnel dans les techniques les plus variées, il ouvre son propre atelier à Nancy, sa ville natale, en 1874. Sa renommée grandit rapidement, jusqu’à devenir internationale. Et, pour répondre à la demande, il industrialise sa production.Gallé vouait une passion quasi religieuse à la nature; il n’est donc pas étonnant qu’elle soit sa principale source d’inspiration (il a beaucoup herborisé dans sa jeunesse). Il rejette résolument le pastiche des époques antérieures. Son matériau favori ? Le verre, qu’il torture pour imiter la porcelaine, l’émail, les gemmes. Adepte de l’art total, il réalise aussi des meubles et des ensembles décoratifs. Conscient d’être un novateur, il met partout sa signature, bien visible.Emile Gallé meurt en 1904. Son œuvre pâtit bientôt de la désaffection générale pour le style Art Nouveau. Mais aujourd’hui, le créateur a retrouvé la faveur des collectionneurs qui savent désormais faire le tri entre la production de masse et les ouvrages de première main. Les musées à leur tour ne boudent plus cet artiste resté populaire, au style identifiable entre tous.On a conservé de Gallé une longue lettre, datée du 17 mars 1894, qui se présente comme un catalogue illustré de la production en cours. Elle s’adresse à un «noble ami», qui n’est autre que Robert de MontesquiouFézensac. Figure de proue de la haute société, arbitre de l’élégance, l’homme était aussi poète. Ses thèmes étranges, son style précieux et alambiqué s’accordaient parfaitement à la sensibilité de Gallé, qui s’en est directement inspiré. Témoins ces vers de Montesquiou gravés sur un pichet :«J’aime l’heure où, tout changeant de forme, Le clair et l’obscur luttent ensemble».