ÉRIC GHYSELS LA PASSION EN HÉRITAGE

Il se définit volontiers comme un artisan… L’éditeur belge Éric Ghysels partage avec la revue Artpassions le même amour pour le Beau sous ses formes les plus variées. Nous l’avons rencontré alors qu’il venait de fêter dix années d’intense création. Retour sur ce moment magique… Rencontrer l’éditeur belge Éric Ghysels sur le seuil d’une galerie d’art primitif ou lors d’un vernissage d’exposition, c’est accepter d’être emporté par une bourrasque de paroles enthousiastes. Front haut, regard pétillant à l’extrême, sourire accroché aux lèvres, il vous happe pour vous parler de sa dernière découverte: une photographe encore inconnue, un conservateur de musée canadien, un collectionneur fou. Car ce quinquagénaire fringant qui flirte avec les décalages horaires pour fabriquer aux quatre coins de la planète les catalogues les plus pointus, les livres d’art les plus exigeants, est un boulimique incurable. Drogué de travail et de rencontres, il est tombé dans l’art quand il était tout petit. Fils d’un grand sculpteur et d’une mère collectionneuse de parures ethniques depuis plus d’un demi-siècle, Éric Ghysels a été élevé au sein d’une famille qui hissait le Beau au rang de religion. Des études d’histoire de l’art l’amenèrent à créer sa propre galerie à Bruxelles, puis ce fut, en 1996, la rencontre décisive avec celle qui allait devenir son épouse: une jeune et belle Italienne qu’il s’empresse de rejoindre à Milan, non sans avoir appris la langue de Dante en trois petites semaines ! L’intrépide jeune homme ose alors pousser la porte du célèbre éditeur d’art Franco Maria...

Il se définit volontiers comme un artisan… L’éditeur belge Éric Ghysels partage avec la revue Artpassions le même amour pour le Beau sous ses formes les plus variées. Nous l’avons rencontré alors qu’il venait de fêter dix années d’intense création. Retour sur ce moment magique…

Rencontrer l’éditeur belge Éric Ghysels sur le seuil d’une galerie d’art primitif ou lors d’un vernissage d’exposition, c’est accepter d’être emporté par une bourrasque de paroles enthousiastes. Front haut, regard pétillant à l’extrême, sourire accroché aux lèvres, il vous happe pour vous parler de sa dernière découverte: une photographe encore inconnue, un conservateur de musée canadien, un collectionneur fou. Car ce quinquagénaire fringant qui flirte avec les décalages horaires pour fabriquer aux quatre coins de la planète les catalogues les plus pointus, les livres d’art les plus exigeants, est un boulimique incurable. Drogué de travail et de rencontres, il est tombé dans l’art quand il était tout petit. Fils d’un grand sculpteur et d’une mère collectionneuse de parures ethniques depuis plus d’un demi-siècle, Éric Ghysels a été élevé au sein d’une famille qui hissait le Beau au rang de religion. Des études d’histoire de l’art l’amenèrent à créer sa propre galerie à Bruxelles, puis ce fut, en 1996, la rencontre décisive avec celle qui allait devenir son épouse: une jeune et belle Italienne qu’il s’empresse de rejoindre à Milan, non sans avoir appris la langue de Dante en trois petites semaines ! L’intrépide jeune homme ose alors pousser la porte du célèbre éditeur d’art Franco Maria Ricci (excusez du peu !), et saura gagner sa confiance. Il y apprend son nouveau métier qui s’apparente à bien des égards à celui de galeriste: faire dialoguer des mots et des images, comme autrefois des œuvres d’art et des objets entre eux. Éric Ghysels a, en effet, cette qualité que peu de personnes, fussent-elles cultivées, possèdent: l’œil. Un œil infaillible qui lui fait pratiquer en dilettante la photographie, qui l’aide à imaginer, avant même leur naissance, des ouvrages sophistiqués dont on se demande s’ils sont toujours des livres, ou bien de vraies œuvres d’art. Un long passage de six années aux Éditions Skira (pendant lesquelles il assurera les responsabilités du bureau international) parachèvera sa formation. Mais l’oiseau rêve alors de construire son propre nid et fonde, en février 2002, sa propre maison qu’il baptise «5 Continents Éditions» en référence à son amour des voyages et des cultures «autres». Le défi est considérable: rivaliser avec les grands groupes internationaux pour faire entendre sa propre petite musique. Autour d’une équipe restreinte animée par le même enthousiasme, la même passion («nous ne dépassons pas les dix personnes» dit, non sans un brin de fierté, l’éditeur), Éric Ghysels crée alors les livres dont il avait toujours rêvé. Fruits d’une connivence et d’une rencontre, tous reflètent la même exigence: maquettes inventives et soignées à l’extrême, sujets pointus sans être confisqués par une chapelle, textes d’un auteur habité par son sujet. Citons ainsi ce magnifique ouvrage consacré à Charlotte Perriand et la photographie, né de la confiance immédiate nouée entre Pernette Perriand (fille de Charlotte) et Éric Ghysels, tous deux enfants d’artistes. Le résultat est un petit bijou de raffinement et de découverte, «comme si l’on pénétrait dans le processus créateur, dans le cerveau même de la grande créatrice», selon les mots mêmes de l’éditeur. Citons encore cette remarquable série consacrée aux expressions artistiques des principales ethnies africaines, véritable encyclopédie joliment baptisée «Visions d’Afrique». Le grand historien de l’art Jean-Louis Paudrat confiait, il y a peu, tout le bien qu’il pensait de ces ouvrages de référence utiles au néophyte comme à l’étudiant…

En feuilletant le beau catalogue résumant quelque dix années de création, l’on ne peut cependant qu’être subjugué par la cohérence de la programmation. Car du design japonais à la photographie américaine de Walker Evans en passant par la somptuosité des parures indonésiennes ou les tenues traditionnelles juives, il souffle sur ces ouvrages inspirés le même esprit de découverte, la même curiosité pour les autres. Point de hasard lorsque l’on sait que les parents d’Éric Ghysels furent les premiers Européens à se marier dans les années cinquante dans la vallée de Katmandou !

Nul exotisme de mauvais aloi, cependant, dans ces livres consacrés aux Indiens Yanomami ou au peuple dogon. «Mes parents m’ont ouvert sur le monde, m’ont enseigné la transversalité des cultures» aime ainsi répéter Éric Ghysels en guise de credo. L’on est ainsi aux antipodes de ces pseudos «livres de voyage» où la vulgarité des images le dispute au sensationnalisme des textes. Ici, des clichés d’une sobriété parfaite pour immortaliser les silhouettes cubistes des caravansérails, là, l’œil aiguisé du photographe Jean-Pierre Favreau pour capter «les parenthèses rêveuses» de nos villes modernes.

À l’heure où le monde de l’édition se résume à quelques grands groupes souvent désincarnés, Éric Ghysels fait figure de résistance. Il est, à sa manière, un «accoucheur» de textes et de maquettes d’une sidérante beauté, un démiurge dont les rêves les plus fous ne cessent de s’incarner sur le papier. C’est aussi une «belle âme», vous chuchoteront à l’oreille ceux qui le connaissent bien…

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