Figures du Christ

Un de ces jours: Blanche était la figure du Christ que je découvris à l’Escorial, qui était en marbre sculpté par Benvenuto Cellini. Fine. Sous dix ou douze plis de tissu qu’on avait accroché depuis la gauche, elle était nue – Christ nu, Christ incarné ! qui était ceint d’un vrai «linge de pureté». Corps des plus exsangues qui peut-être tentait le regard, de quelqu’un regardant de plus près, qui fixait… un moi !: du marbre au tissu, cette zone, de la pierre au tissé, un lien, frontière en plein blanc et d’un blanc vers l’autre? On cachait le sexe mais le sculpteur l’avait sculpté. Je le vis en m’approchant, presque je le découvris qui était voulu, modelé. Il y avait donc devant lui un rideau comme sur les tréteaux des mystères… Le visage de cet homme entre tous admirable, lui, portait barbe et cheveux comme un émacié Neptune. Il y avait partout quelque chose de la coquille. C’est une œuvre admirable et discrète qu’il faut aller voir, et savoir sculptée complètement nue. Les sœurs ou les anges ont mis un voile. Un autre de ces jours: Chair était la figure du Christ vue à Tolède, dans une pièce confinée de l’hôpital Tavera, posée sur une table de bois sombre et dans une petite cage de verre que j’associai sur le coup à Francis Bacon. Une œuvre fragile. Qui sculpta ce petit Christ de quelques centimètres, avec ses grandes mains et qui était près de marcher: Le Greco ! Croyez-le....

Un de ces jours: Blanche était la figure du Christ que je découvris à l’Escorial, qui était en marbre sculpté par Benvenuto Cellini. Fine. Sous dix ou douze plis de tissu qu’on avait accroché depuis la gauche, elle était nue – Christ nu, Christ incarné ! qui était ceint d’un vrai «linge de pureté». Corps des plus exsangues qui peut-être tentait le regard, de quelqu’un regardant de plus près, qui fixait… un moi !: du marbre au tissu, cette zone, de la pierre au tissé, un lien, frontière en plein blanc et d’un blanc vers l’autre? On cachait le sexe mais le sculpteur l’avait sculpté. Je le vis en m’approchant, presque je le découvris qui était voulu, modelé. Il y avait donc devant lui un rideau comme sur les tréteaux des mystères… Le visage de cet homme entre tous admirable, lui, portait barbe et cheveux comme un émacié Neptune. Il y avait partout quelque chose de la coquille. C’est une œuvre admirable et discrète qu’il faut aller voir, et savoir sculptée complètement nue. Les sœurs ou les anges ont mis un voile.

Un autre de ces jours: Chair était la figure du Christ vue à Tolède, dans une pièce confinée de l’hôpital Tavera, posée sur une table de bois sombre et dans une petite cage de verre que j’associai sur le coup à Francis Bacon. Une œuvre fragile. Qui sculpta ce petit Christ de quelques centimètres, avec ses grandes mains et qui était près de marcher: Le Greco ! Croyez-le. Le Greco sculptait. Son Jésus à lui aussi était tout nu. Et je me dis: quelle sincérité que le nouvel Adam adulte, oui, dût resplendir NU. (Je doutai alors, et doute encore si on pensait puis créait de telles œuvres, le Christ de Cellini, celui-ci du Greco, comme devant être habillées… Qu’importe.)

Il y a quelques jours au Louvre, dans l’exposition «Rembrandt et la figure du Christ»: Cendre était la figure du Christ sur une gravure de Dürer, le visage du cher Sauveur sur le voile de la Véronique (La Sainte Face portée par deux anges, 1513). Une des plus belles gravures jamais faites, entendis-je autour de moi de la bouche de petits messieurs en costumes gris: ce petit, tout petit rectangle que l’on voudrait, pour être encore plus beau, plus petit encore… J’aime les petites gravures. Je vis là un visage de douleurs, plat, ondulant sur le tissu de sueur. Les linges du Christ: des langes, des tuniques sûrement, de vastes manteaux, le suaire, le linceul, et puis le perizonium (c’est-à-dire le «linge de pureté» de la Crucifixion, mais lui, a-t-il jamais été ?), tous les drapés du beau Sauveur. – Je continuai mon tour de l’exposition et j’arrivai face à: Portrait en buste d’un jeune Juif, 1663, par Rembrandt, maître d’Amsterdam – je vis alors un très beau Juif de l’Amsterdam du XVIIe, quel regard ! La barbe. Les mèches. Lèvres que je crois humides. Les cils.

Brune était la figure du Christ. L’exposition que j’explorais s’attache à montrer comment Rembrandt humanisa Jésus, donc pensa l’Incarnation, me dis-je – et l’on nous dit qu’il prit pour modèle un jeune Juif aux cheveux longs, bruns, épais. Arrivé devant les Pèlerins d’Emmaüs, qui vient d’être restauré, je contemplai la toile comme tout un chacun, délicieusement. On ne peut que fixer, puis fixer et fixer encore ce Christ ressuscité et qui a retrouvé ses nuances initiales. Cette pâte et ces lumières sont merveilleuses. Tous, on aime Jésus, et c’est juste, n’est-il pas ? Christ, me dis-je, pour l’amour de l’art, l’art de l’amour. La figure du Christ ou les figures du Christ, Cellini, Le Greco, Dürer à l’œil désirable, Rembrandt… – Je visiterai encore l’exposition qui finit en juillet. On aime tous Rembrandt et c’est juste. Il y a toujours chez lui quelque chose de l’odeur d’une grande cheminée de pierre, d’une cheminée de cuisine, d’une cuisine de campagne en hiver, au sol froid, odeur de la résine, du miel, quelque chose de la vue et de l’odeur d’un bracelet usé en or… Il y a toujours chez lui la chaleur d’un espace et la compassion sincère, et puis des peaux rugueuses (de ceux qui cuisent des fruits, qui tournent de grandes pages qui craquent).

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