FONDATION JACQUES-ÉDOUARD BERGER

Jacques-Édouard Berger a consacré sa vie à l’art et au partage des connaissances. Après sa mort brutale en 1993, à l’âge de 48 ans, la Fondation Jacques-Édouard Berger fut créée, afin de rassembler et d’exposer les œuvres de sa collection. Plus de 1000 objets d’art, provenant d’Égypte et d’Extrême-Orient, furent déposés au Musée des arts décoratifs de Lausanne (MUDAC). L’abondance des œuvres oblige le Mudac à les présenter dans des expositions thématiques régulièrement renouvelées. En 1994, débuta également l’aventure de World Art Treasures: un musée imaginaire virtuel conçu par René Berger et Francis Lapique, fruit de la collaboration entre l’École polytechnique fédérale de Lausanne et la Fondation Berger. Outre la présentation de la totalité des œuvres, le site Internet s’enrichit régulièrement de nouveaux programmes inspirés des conférences, des voyages et des textes de Jacques-Édouard Berger. Collectionner à l’écoute du monde«Est beau ce qui a pour voûte le ciel lui-même et pour sanctuaire l’horizon du soleil levant; est beau, ce qui dépasse la fonction de l’objet pour tendre au cosmique, et par là au divin; est beau enfin ce que l’homme sait mettre de ce divin dans la matière qui l’anime. […] Car créer, c’est donner la vie; or pour donner vie, il faut connaître les secrets qui gouvernent l’univers, les lois qui assurent l’harmonie du cosmos. L’artiste est donc prêtre en ce que,comme lui, il sait entendre “la voix juste des dieux”». Jacques-Édouard Berger et L’ÉgypteVoyager avec Jacques-Édouard Berger ne se bornait pas à un déplacement géographique. Dès les premières...

Jacques-Édouard Berger a consacré sa vie à l’art et au partage des connaissances. Après sa mort brutale en 1993, à l’âge de 48 ans, la Fondation Jacques-Édouard Berger fut créée, afin de rassembler et d’exposer les œuvres de sa collection. Plus de 1000 objets d’art, provenant d’Égypte et d’Extrême-Orient, furent déposés au Musée des arts décoratifs de Lausanne (MUDAC). L’abondance des œuvres oblige le Mudac à les présenter dans des expositions thématiques régulièrement renouvelées. En 1994, débuta également l’aventure de World Art Treasures: un musée imaginaire virtuel conçu par René Berger et Francis Lapique, fruit de la collaboration entre l’École polytechnique fédérale de Lausanne et la Fondation Berger. Outre la présentation de la totalité des œuvres, le site Internet s’enrichit régulièrement de nouveaux programmes inspirés des conférences, des voyages et des textes de Jacques-Édouard Berger.

Collectionner à l’écoute du monde«Est beau ce qui a pour voûte le ciel lui-même et pour sanctuaire l’horizon du soleil levant; est beau, ce qui dépasse la fonction de l’objet pour tendre au cosmique, et par là au divin; est beau enfin ce que l’homme sait mettre de ce divin dans la matière qui l’anime. […] Car créer, c’est donner la vie; or pour donner vie, il faut connaître les secrets qui gouvernent l’univers, les lois qui assurent l’harmonie du cosmos. L’artiste est donc prêtre en ce que,comme lui, il sait entendre “la voix juste des dieux”».

Jacques-Édouard Berger et L’ÉgypteVoyager avec Jacques-Édouard Berger ne se bornait pas à un déplacement géographique. Dès les premières expériences égyptiennes, au début des années 1960, l’amateur aventureux qui avait choisi les Voyages pour l’Art comprenait qu’on ne lui proposait pas simplement du tourisme, mais un voyage de l’esprit à la rencontre d’un pays et des mystères de son passé. Qu’il s’agisse de l’Inde, du Japon, du Laos, de la Birmanie de la Chine ou de l’Égypte, Jacques-Édouard Berger savait attirer l’attention de ses auditeurs, non seulement sur la beauté des paysages, mais aussi leur faire remarquer des détails picturaux, tel le vert des rives du Nil, ou la chouette, perchée au crépuscule sur un linteau de la grande cour d’Amenhotep III, autemple de Louxor, surmontant son propre hiéroglyphe « M ». Son sens de l’observation l’a amené à constituer une collection extraordinaire constituée d’objets que d’autres auraient dédaignés. La petite figurine de la déesse Sekhmet, à moitié rongée par le temps, en est un exemple probant.Car Jacques-Édouard ne «guidait» pas le visiteur dans l’Égypte, il la «voyait» et la «disait». Sa connaissance de l’Égypte ancienne procédait d’un véritable enthousiasme pour cette culture, comme pour toutes les civilisations aujourd’hui disparues. Lorsqu’il pénétrait dans un temple, il ne se bornait pas à y voir un amas de pierres reconstituées par les archéologues, il en percevait le sens profond, celui que lui conféraient les prêtres qui y officiaient: le basrelief représentant une table d’offrandes en témoigne. Lorsqu’il remarquait un objet, ce n’était pas seulement pour sa beauté ou sa rareté, c’est parce qu’il comprenait le rôle que cet objet avait joué, son importance cultuelle, tel l’Oupouat en or destiné à conduire le défunt vers la résurrection ou le masque de sarcophage qui redonnait vie à la momie. Son œil averti s’attachait aux objets singuliers, par exemple aux figurines incantatoires en cire, ou attestant la puissance du clergé, comme le fragment d’une statue de prêtre, toutes sculptures rendues à la vie par les formules de consécration, après que l’artisan l’avait taillée, sculptée ou façonnée; un mode de faire que l’on retrouve dans bien des civilisations disparues.

«Vie, santé, force, pour l’éternité»: les quelques hiéroglyphes nécessaires à l’écriture de cette invocation sont presque toujours présents à côté de l’image du pharaon. On peut croire, à l’instar de Jacques-Édouard Berger, qu’ils sont encore efficaces aujourd’hui. Pour lui, la parole de l’Antiquité n’était pas seulement transmise par la langue, mais aussi par les objets que ce passé nous a légués. Le fécond mariage de l’intelligence et de la sensibilité a permis à Jacques-Édouard Berger de constituer une collection exceptionnelle, par sa qualité esthétique, par son ouverture et sa diversité, par la singularité de certains choix. N’avait-il pas coutume de dire, pensant à tout homme devant la mort: «J’accepte ma mort, mais je sais que rien de l’humanité ne meurt vraiment et que la parole reste vive.» CR

Jacques-Édouard Berger et la ChineEn une décennie, dès le début des années 1980, Jacques-Édouard Berger a constitué une collection de plus de 400 œuvres chinoises, qui vont du néolithique à la première moitié du XXe siècle. Bien des collectionneurs procèdent par tâtonnements, achetant d’abord des pièces de moindre valeur, pour les échanger ensuite contre des objets de plus grande qualité, au fur et à mesure que leurs connaissances s’approfondissent et que leur regard s’aiguise. Quant à lui, son œil, exercé dès l’enfance à la perception du beau sous toutes ses formes, l’a dirigé d’emblée vers des objets avec lesquels il avait une «affinité prédestinée» (yuan fen), comme disent les Chinois. Son père René écrit dans Un Regard partagé: «Il n’est pas un objet qui n’ait été d’abord pour lui une rencontre amoureuse». On pense à la délicieuse petite tête de porcelaine cassée dont le sourire séduit encore tous les visiteurs du MUDAC.Bien qu’ayant guidé des groupes de voyageurs en République populaire de Chine, ce n’est pas là que Jacques-Édouard Berger a acquis ses trésors,mais à Hong Kong, auprès de son ami Bernard Wong et, dans une moindre mesure, dans des galeries européennes. Les prix de l’art chinois étaient alors encore accessibles et les faussaires heureusement loin d’avoir atteint leur niveau d’ingéniosité actuel.

La majorité des objets chinois de la collection sont des céramiques funéraires, désignées en chinois sous le terme d’«objets lumineux» (mingqi). Provenant de tombes des dynasties Han (206 av. J.-C. -220 ap. J.-C.) et Tang (618-907), elles étaient réalisées spécialement pour accompagner les morts dans l’audelà et servir de substituts à tout ce qui les avait entourés durant leur vie terrestre. Fragiles terres cuites peintes ou vernissées, les modèles réduits de maisons, de greniers, de tours de guet et de bergeries nous révèlent une architecture aujourd’hui disparue et des pratiques curieuses comme celle des latrines aménagées audessus des enclos à bestiaux. Quant aux statuettes d’hommes, de femmes et d’animaux, elles remplaçaient les serviteurs et animaux domestiques qui, aux époques plus anciennes, étaient tués pour être enterrés avec les rois et les nobles. Charmantes dames de cour aux formes généreuses inspirées de la concubine Yang Guifei, favorite de l’empereur Xuanzong (712-756), danseuses ou musiciens étaient supposés dispenser aux défunts les plaisirs qu’ils avaient connus de leur vivant. Certaines tombes étaient aussi décorées de basreliefs: celui du joueur de tambour, saisi en pleine action, frappant la mesure du pied, tandis que les rubans de sa coiffe flottent au rythme de la musique, ne pouvait que séduire le mélomane qu’était également Jacques-Édouard Berger.Bien que constituée sans esprit de système ni préoccupation d’exhaustivité, la collection Berger offre néanmoins un échantillon représentatif dans certains domaines. Il en va ainsi de la production des principaux fours de la dynastie Song (960-1279), considérée comme l’âge d’or de la céramique chinoise. Parmi tant de coupes aux fines nuances de bleu, de vert ou d’ivoire, on admirera la subtile simplicité des bols à thé en grès brun ou noir du Fujian que les Japonais appellent «temmoku», (d’après le mont Tianmu en Chinesur lequel se trouvait un célèbre monastère Zen qui les utilisait pour la cérémonie du thé).Les bronzes étaient un autre domaine de prédilection de Jacques-Édouard Berger. Outre un bel ensemble de vases rituels de la fin du 1er millénaire avant notre ère, il eut la chance de dénicher une exceptionnelle Guanyin au lion rugissant (Simhanada Avalokiteshvara), une forme rare de cette déesse bouddhique de la miséricorde, dont le nom signifie «celle qui écoute les appels du monde».Jacques-Édouard Berger sut aussi apprécier en pionnier des aspects de l’art chinois encore largement méconnus en Occident, comme les pierres sculptées par l’érosion, que les lettrés plaçaient sur des socles comme des œuvres d’art, ou les plaques de marbre du Yunnan aux veines évoquant des paysages de montagnes qui servaient de support à leurs méditations poétiques. Lui qui considérait ses objets comme «une famille idéale» devait se sentir des affinités avec un autre grand collectionneur, le peintre Mi Fu (1051-1107), qui saluait un rocher en l’appelant son «frère aîné». GB



Artpassions Articles

E-Shop

Nos Blogs

Instagram Feed