FRANZ GERTSCH LE PREMIER VISAGE DES QUATRE SAISONS

L’Automne, le plus récent des paysages de Franz Gertsch, apporteune expérience renouvelée de la peinture. Non seulement cette oeuvre creuse toujours plus la distance avec le photoréalisme, mais elle laisse mieux entrevoir combien les fameux grands portraits sont fondamentalement des visages paysagés. Depuis sa participation à documenta 5, l’exposition référentielle qui, en 1972, à Kassel, «interrogeait la réalité», le nom de Franz Gertsch (1930) est rattaché au label de l’hyperréalisme. Sans doute au prix d’une méprise. Car le grand peintre bernois à la célébrité internationale n’a, en fait, que de loin affaire à cesartistes – souvent américains: Chuck Close, Don Eddy, Richard Estes – qui restituaient des photographies sur leurs tableaux. S’il faut tenter un rapprochement, c’est de Gerhard Richter (1932) qu’on pourrait plutôt parler. En février 2007, Franz Gertsch entreprend une série de quatre peintures monumentales sur le thème des quatre saisons et commence par l’Automne – L’Eté est en cours de réalisation. À son habitude, il a choisi parmi ses propres prises de vues, en l’occurrence celles du vallon qui jouxte sa maison de Rüschegg, une diapositive qu’il projette sur la toile par intermittences (le bref temps nécessaire à l’intériorisation de l’image, avant de peindre librement pendant un bon quart d’heure). Partant d’une zone située approximativement au centre gauche, il ajoute jour après jour une surface peinte large de deux mains.Ainsi naît en douze mois la vision d’un sousbois en bordure d’une sente. Le reliquat automnal de frondaison offre à gauche une coulisse plus serrée; à droite, minces...

L’Automne, le plus récent des paysages de Franz Gertsch, apporteune expérience renouvelée de la peinture. Non seulement cette oeuvre creuse toujours plus la distance avec le photoréalisme, mais elle laisse mieux entrevoir combien les fameux grands portraits sont fondamentalement des visages paysagés.

Depuis sa participation à documenta 5, l’exposition référentielle qui, en 1972, à Kassel, «interrogeait la réalité», le nom de Franz Gertsch (1930) est rattaché au label de l’hyperréalisme. Sans doute au prix d’une méprise. Car le grand peintre bernois à la célébrité internationale n’a, en fait, que de loin affaire à cesartistes – souvent américains: Chuck Close, Don Eddy, Richard Estes – qui restituaient des photographies sur leurs tableaux. S’il faut tenter un rapprochement, c’est de Gerhard Richter (1932) qu’on pourrait plutôt parler.

En février 2007, Franz Gertsch entreprend une série de quatre peintures monumentales sur le thème des quatre saisons et commence par l’Automne – L’Eté est en cours de réalisation. À son habitude, il a choisi parmi ses propres prises de vues, en l’occurrence celles du vallon qui jouxte sa maison de Rüschegg, une diapositive qu’il projette sur la toile par intermittences (le bref temps nécessaire à l’intériorisation de l’image, avant de peindre librement pendant un bon quart d’heure). Partant d’une zone située approximativement au centre gauche, il ajoute jour après jour une surface peinte large de deux mains.Ainsi naît en douze mois la vision d’un sousbois en bordure d’une sente. Le reliquat automnal de frondaison offre à gauche une coulisse plus serrée; à droite, minces troncs et branchages dessinent une structure complexe; presque au centre, la tache rousse d’un lit d’aiguilles et de feuilles mortes comme rayonnant par elle-même, marque le point d’ancrage de la composition très légèrement plongeante et insensiblement circulaire.Dans cet agrandissement de l’image diapositive de départ, qui atteint pour peu les dimensions naturelles du site, soit l’échelle 1:1, le pinceau trempé d’acryl développe des matières et des agencements forcément abstraits, qui se lisent «comme» – comme de la couleur, de densités, d’étendues et d’orientations diverses, mais aussi comme des ombres et des clartés sans cesse changeantes, comme des figures, des fractions de paysage et des chimères immergées dans un tissu allover.À l’instar des peintures «drippées» de Jackson Pollock (1912-1956), les éléments picturaux gagnent, mais ici sans répartition ni répétition uniforme des motifs, toute la surface du tableau et qui semble n’être qu’une découpedans un continuum « idéalement » infini. Dans cette trame figurative aux dominantes tonales de brun et de vert, certains verraient plusieurs «mains». Mais ce n’est que la peinture, qui se déclare dans ses vibrations variables de couleurs et ses accents nets ou ses effets de flou. En fait, l’Automne nous ouvre un champ de vision impossible à embrasser d’un seul regard, une vision polyfocale, strictement non accommodable. L’informe s’incarne. L’œuvre confronte au proche-lointain. Le terrestre prend un tour cosmique.Jean-Christophe Ammann a écrit en septembre 2008 que «l’œuvre de vieillesse [de Franz Gertsch] scintille d’intensité». Certes ! Mais convient-il vraiment de voir ici le peintre «au soir de sa vie» ? Et, sur nos écrans intérieurs, de placer l’Automne auprès du fabuleux Supplice de Marsyas (1570-1576), à la touche bourdonnante et enflammée, du très vieux Titien (1490-1576) ?

Franz Gertsch a peint d’autres paysages – d’herbes, par exemple. Dans une série de quatre toiles de 1995-1999, aux pigments minéraux, le peintre-graveur s’est livré à un travail d’abstraction croissante. Le brachypode des forêts, d’abord saisi avec autant d’objectivité nette que de sens de l’agencement compositionnel presque rythmique (Gräser I, 1995-1996), sera ensuite soumis à des dérivations qui poussent cette herbe aux allures de roseau vers de véritables patterns quasiment détachés de l’imitation, comme des motifs autonomes prospectant les structures de l’espace et modulant la traduction colorée. Bref, le regard rebondit et ne glisse pas sur les Herbes comme sur l’Automne, dont la touche et l’écriture ne sont certainement pas les mêmes.Dans l’abord et l’exploration de ce réel si singulier qu’est le tableau, dont les échos à la réalité restent (apparemment peu) vérifiables, se lit un autre temps. Mais la différence d’exécution et de durée proposée au regardeur dans le passage des Herbes à l’Automne se retrouve peu ou prou quand il passe des paysages aux portraits. Surdimensionnés, ceux-ci appartiennent au fond à la même catégorie esthétique. Ils s’offrent autant comme effigies inatteignables et familières que comme «morceaux de nature» à parcourir. Le spectacle des portraits qui ont rendu Franz Gertsch célèbre entraîne bientôt l’immersion: on vogue de la chevelure aux taillis, des lèvres à un tronc, de l’œil au mirage d’un étang, de l’ombrage aux reflets. On laisse le point focal tour à tour flotter et se fixer. Comme dans un paysage.

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