Gabriel Orozco A is for Art as by Accident

Le Centre Pompidou propose, jusqu’à la fin de l’année, une large exposition de l’artiste mexicain, au parfum de quasi rétrospective; on y trouvera nombre d’œuvres déroutantes, à la plastique souvent sensuelle. L’étape parisienne, élaborée avec Orozco lui-même, prend place après New York et Bâle, et avant la Tate Modern de Londres.Le dispositif, pensé par l’artiste en collaboration avec la commissaire Christine Macel, est comme le proclame le communiqué de presse, basé sur l’absence de dispositif. Cette volonté de pureté, consistant à montrer l’œuvre au plus près de sa vérité propre, débarrassée de tout artifice muséographique, n’est pas vraiment une nouveauté; elle rappelle le minimalisme et ses objets spécifiques, et possède tous les caractères d’une aporie. Cela peut, en outre, sembler manquer un peu de miséricorde pédagogique, mais aprèstout, qu’importe. Le visiteur qui se hasarde dans une exposition d’art contemporain doit prendre des risques. Il y a toujours un sens, comme le proclame d’ailleurs le titre de l’une des œuvres (Four Bicycles (There is always One Direction)).Pour autant, il n’est pas certain qu’un lourd apparat critique eût profité aux œuvres d’Orozco. L’artiste travaille avec légèreté, et pour le visiteur, certaines œuvres aux qualités plastiques évidentes peuvent servir de guides pour en lire d’autres, plus difficiles d’accès. L’une d’entre elles, sans le moindre doute, est la fameuse Citroën DS 19 «recomposée» par les soins d’Orozco. Pour cette pièce, réalisée en 1993 pour la galeriste Chantal Crousel, le Mexicain a tout simplement scindé en trois parties le malheureux véhicule, avant d’en réunir les...

Le Centre Pompidou propose, jusqu’à la fin de l’année, une large exposition de l’artiste mexicain, au parfum de quasi rétrospective; on y trouvera nombre d’œuvres déroutantes, à la plastique souvent sensuelle. L’étape parisienne, élaborée avec Orozco lui-même, prend place après New York et Bâle, et avant la Tate Modern de Londres.
Le dispositif, pensé par l’artiste en collaboration avec la commissaire Christine Macel, est comme le proclame le communiqué de presse, basé sur l’absence de dispositif. Cette volonté de pureté, consistant à montrer l’œuvre au plus près de sa vérité propre, débarrassée de tout artifice muséographique, n’est pas vraiment une nouveauté; elle rappelle le minimalisme et ses objets spécifiques, et possède tous les caractères d’une aporie. Cela peut, en outre, sembler manquer un peu de miséricorde pédagogique, mais aprèstout, qu’importe. Le visiteur qui se hasarde dans une exposition d’art contemporain doit prendre des risques. Il y a toujours un sens, comme le proclame d’ailleurs le titre de l’une des œuvres (Four Bicycles (There is always One Direction)).Pour autant, il n’est pas certain qu’un lourd apparat critique eût profité aux œuvres d’Orozco. L’artiste travaille avec légèreté, et pour le visiteur, certaines œuvres aux qualités plastiques évidentes peuvent servir de guides pour en lire d’autres, plus difficiles d’accès.

L’une d’entre elles, sans le moindre doute, est la fameuse Citroën DS 19 «recomposée» par les soins d’Orozco. Pour cette pièce, réalisée en 1993 pour la galeriste Chantal Crousel, le Mexicain a tout simplement scindé en trois parties le malheureux véhicule, avant d’en réunir les deux parties latérales, excluant donc de son improbable sandwich automobile, la partie centrale ainsi que le moteur. On ignore ce que Roland Barthes en pense dans sa tombe, mais l’objet est là, dans son étrange et incontestable séduction, éclairant en partie le reste de l’œuvre.Car quand on écrit «tout simplement», nonobstant la complexité technique de l’affaire, nulle ironie. Il s’agit bel et bien de simplicité, car l’intervention reste limitée, visant plus à faire surgir une magie nouvelle, la poésie cachée d’un objet connu, qu’à réaliser une véritable création ex nihilo. Certaines pièces de Gabriel Orozco, les plus accessibles peut-être, font ainsi irrésistiblement songer au surréalisme, dont elles partagent l’aspect ludique, léger. Pourtant, point de vision intérieureici, ou de révélation inconsciente, mais au contraire une attention extrême portée au réel, une conscience exacerbée de son potentiel artistique, que l’artiste se donne pour mission de révéler.On retrouve ce principe dans une grande partie de son travail, notamment dans les magnifiques photographies, dont trop peu malheureusement sont présentées au Centre Pompidou.Certaines de ces images procèdent presque du hasard, merveilleux pourvoyeur d’instants poétiques, d’émotions esthétiques fugaces que l’artiste sait capter sur sa pellicule. Son intervention se limite parfois à cette capture, qui agit alors comme un révélateur au sens le plus photographique du terme; parfois aussi il y ajoute quelque chose, déplace un objet, pour créer ce qui nous séduit, avec un extraordinaire sens de l’image. Les clichés accumulés par Orozco révèlent également son errance, cette manière nomade de faire de l’art qui proclame son credo au gré des rencontres.

Orozco, adolescent, a conduit une Citroën DS dans Mexico; s’agissait-il alors pour lui, travestissant la demande de Chantal Crousel d’imaginer un objet inspiré par le contexte parisien, de marquer son appropriation personnelle de la mythologie, en réalisant cette DS monoplace ? Le fait est que le rapport corporel, sinon personnel aux choses est une constante dans l’œuvre de l’artiste mexicain. On pourrait citer, encore dans la catégorie poids lourds, Elevator, une cabine d’ascenseur dont il a fait réduire la hauteur à sa propre taille. Elle est posée sur le sol du musée, immobilisée, comme la métaphore en trois dimensions de l’instantané photographique – figer ce qui passe, et se l’approprier.La connexion entre l’organique – là encore, le corps de l’artiste, le plus souvent – et la matière inanimée est également un axe récurrent dans les recherches plastiques de Gabriel Orozco. Le lieu, l’instant de la confrontation, ou bien les traces laissées dans la matière et qui viennent témoigner de la rencontre sont àl’origine de nombre des pièces de l’exposition, de terres cuites notamment, mais aussi d’œuvres sur papier comme la série First was the spitting ou celle des Dépliages, qui explorent, au travers d’un protocole pictural presque enfantin, l’envers du geste de peintre.My Hands Are My Heart est une petite sculpture comme l’exposition en propose un certain nombre, à la différence que celle-ci est accompagnée par deux photographies d’une grande beauté formelle, qui en explicitent le processus créatif. On peut considérer que l’ensemble, dont les trois items portent le même titre, forme une seule et même pièce. Sur la première image, l’artiste tient dans ses mains jointes devant sa poitrine nue une petite boule d’argile; sur la seconde, il a ouvert ses mains, révélant l’argile que la pression des doigts a modelé en forme de cœur. Tout le talent de l’artiste et ses formidables qualités de plasticien se révèlent dans cette simplicité à laquelle il n’y a rien à retrancher, ni à ajouter.Une forme de perfection.

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