Son alphabet ? L’art contemporain. Collectionneur, galeriste, mécène, il prépare l’ouverture de la Fondation Galeries Lafayette…
L’œil félin, Guillaume Houzé est, à 30 ans, le plus jeune grand collectionneur français d’art contemporain. Commissaire de l’exposition Antidote aux Galeries Lafayette, le grand magasin géré par sa famille depuis cinq générations, il y dirige le mécénat – citons l’exposition Jean-Paul Goude et Christian Lacroix au Musée des Arts Décoratifs, Xavier Veilhan au Château de Versailles – et le domaine de l’image.
Au premier étage, à la Galerie des Galeries, il rend hommage à la coupole byzantine du magasin, commande audacieuse de son aïeul à Ferdinand Chaunu, grand prix de Rome. Déjà un pari fou, aujourd’hui encore photographiée par une cohorte de visiteurs. Chez les Houzé, l’art est une histoire de famille ! L’arrière-grand-père collectionne les impressionnistes et possède un Soutine qui le marquera. La grand-mère, Ginette Moulin, soutient la seconde École de Paris: Poliakoff, Lanskoy, Fautrier… Et l’initie à l’art dès l’enfance, avec une complicité particulière. Il s’entiche d’abord de figuration libre, achète à 14 ans une première œuvre signée Erró et entraîne ses parents dans la passion de la collection via les frères Bouroullec, Buren, Michel François ou Rodney Graham. En suivant ses émotions Guillaume Houzé construit avec passion et persévérance une collection d’une belle cohérence. Raffiné, amateur de Château Smith Haut-Lafitte, il tourne son énergie vers le talent des autres…
Quel bilan pouvez-vous tirer d’Antidote, 7e édition de l’exposition de la Galerie des Galeries qui se tient pendant la Fiac ? Guillaume Houzé: Au départ, on a créé Antidote pour remédier à la morosité ambiante de la scène française. L’enjeu était de donner l’occasion aux visiteurs de découvrir des œuvres dans un lieu inhabituel, un grand magasin. Signée par l’architecte Pascal Grasso, la Galerie affirme sa volonté d’établir une confrontation entre des artistes confirmés – Tatiana Trouvé, Michel Blazy, Whitney Bedford, Pierre Ardouvin, Ugo Rondi none… – et de jeunes talents: Cyprien Gaillard, Marlène Mocquet, Sophie Dubosc, Clément Rodzielski… En 2011, nous avons réinterprété les œuvres exposées depuis 2005 autour d’un scénario original imaginé par Jean-Marc Ballée et ses dessins.
Quelle est l’ambition de la Galerie des Galeries ? On y programme quatre expositions par an au tour de l’art contemporain, la mode et le design. Actuellement, Daria de Beauvais qui travaille au Palais de Tokyo est le jeune curateur de «Into the woods», événement dédié, bien que je n’aime pas les ghettos, au travail d’artistes plasticiennes.
À la Fiac, le secteur Lafayette prend de l’ampleur, Jennifer Flay voit en vous l’homme providentiel, rassembleur et porteur d’espoir. En associant la Fiac au groupe Galeries Lafayette, nous mettons en valeur la création française en contribuant à son rayonnement dans le monde. Partenaire depuis 2006 et partenaire officiel depuis 2009, nous avons vocation à continuer car nos mondes se répondent bien et les foires sont toutes soutenues par des institutions financières. Cette année, le secteur Lafayette a permis à dix galeries internationales d’exposer. En les aidant, nous aidons les créateurs. Le prix Fiac Lafayette couronne à la fois un artiste présent dans ce secteur – et nos choix: Laurent Grasso, Mathieu Mercier, Tatiana Trouvé, Cyprien Gaillard ont tous été honorés par le prix Marcel Duchamp.
Présentez-nous votre collection… Elle tourne autour d’artistes jeunes, plus ou moins confirmés, ce qui fait sa force et sa liberté. Ouverte, intuitive, elle rassemble plus de 250 pièces dont nous publions le premier catalogue chez l’éditeur suisse Ringier. Ce catalogue est établi sous l’angle de temps forts, par date d’acquisition des œuvres, en faisant porter l’éclairage sur l’évolution des choix et sur les nombreux artistes. Le premier fut Mathieu Mercier, les derniers, les Américains Walead Beshty et Wade Guyton.
Votre grand-mère vous a initié tout jeune à l’art, vous voilà papa, comment ouvrir le regard d’un enfant ? En lui offrant très tôt une iconographie du regard pour inclure dans son disque dur non pas du beau mais des formes et des couleurs. En France, on a une vision extrêmement patrimoniale de l’art. Le marché est une réalité, mais pour ma part j’ai toujours avancé à contre-courant. J’essaie et j’ai réussi à convaincre ma famille d’apporter aux artistes un coup de projecteur qui s’inscrit dans notre temps.
Justement vous préparez la Fondation Galeries Lafayette… On travaille sur ce projet qui ne sera pas une énième fondation d’art contemporain ! Ce que fait Pinault ou Barnes au niveau muséal est déjà extraordinaire. Nous voulons mettre en avant de façon singulière et pointue les liens entre la création contemporaine, la mode et le design. La Fondation, comme un laboratoire, travaillera sur cette synthèse avec pour vocation un axe de production et de monstration, en nouant des partenariats avec d’autres structures en Europe. Nous voulons apporter des solutions de création au travers d’une forme d’accompagnement qui ne se substituera en rien aux galeries mais apportera des outils aux artistes pour leur permettre de repousser leurs limites. Nous réfléchissons aussi à la manière d’insérer dans cette entité l’ensemble des œuvres de la collection. La Fondation ouvrira à Paris, hors les murs des Galeries Lafayette, sur 2’500 m2 à l’horizon 2013, pour fêter son centenaire; on y est à fond !
Quel regard portez-vous sur le marché de l’art ? L’internationalisation est une réalité. Même si cela n’a rien à voir, 50% du chiffre d’affaires des Galeries Lafayette est apporté par des étrangers, d’ailleurs nous ouvrons l’an prochain un magasin à Pékin ! Aujourd’hui, la création est dynamique, boulimique, extrêmement riche et mondialisée, mais seul le temps permettra de faire le tri…