La nature faite Peinture. et Réciproquement.

Claude Monet prend ses quartiers d’été à la Fondation Gianadda à Martigny. Des bords de Seine à son jardin de Giverny en passant par Londres et la Norvège, 70 tableaux nous promènent à travers une œuvre qui a changé nos regards sur le paysage. Et dire que Paul Marmottan n’aimait guère l’impressionnisme ! Difficile à le croire maintenant que son hôtel particulier parisien en est devenu le temple ! Depuis 1966 en effet, grâce aux legs de Michel Monet, fils de Claude et de quelques autres généreux donateurs, le Musée Marmottan possède la plus importante collection au monde d’œuvres du maître de l’impression sur nature et de la couleur-lumière en virgules diffractées. Si Monsieur Marmottan revenait d’outre-tombe faire un tour à Martigny cet été, où la Fondation Pierre Gianadda réunit 25 de «ses» Monet et 45 autres toiles issues de collections suisses publiques et privées – sans compter 40 estampes japonaises tirées de la collection personnelle du peintre et prêtées par sa maison-musée de Giverny –, il y a fort à parier qu’il ne serait finalement pas mécontent de voir son nom associé à l’un des plus grands de l’histoire de la peinture.  Bien sûr, l’art de Monet est inépuisable. On peut rappeler son rôle d’inventeur d’une nouvelle manière de peindre pour capter la lumière de l’instant en faisant vibrer la couleur par petites touches nerveuses et rapides. On peut raconter combien sa vie a été marquée par l’incompréhension, les problèmes financiers et les malheurs familiaux. On peut le camper...

Claude Monet prend ses quartiers d’été à la Fondation Gianadda à Martigny. Des bords de Seine à son jardin de Giverny en passant par Londres et la Norvège, 70 tableaux nous promènent à travers une œuvre qui a changé nos regards sur le paysage.

Et dire que Paul Marmottan n’aimait guère l’impressionnisme ! Difficile à le croire maintenant que son hôtel particulier parisien en est devenu le temple ! Depuis 1966 en effet, grâce aux legs de Michel Monet, fils de Claude et de quelques autres généreux donateurs, le Musée Marmottan possède la plus importante collection au monde d’œuvres du maître de l’impression sur nature et de la couleur-lumière en virgules diffractées. Si Monsieur Marmottan revenait d’outre-tombe faire un tour à Martigny cet été, où la Fondation Pierre Gianadda réunit 25 de «ses» Monet et 45 autres toiles issues de collections suisses publiques et privées – sans compter 40 estampes japonaises tirées de la collection personnelle du peintre et prêtées par sa maison-musée de Giverny –, il y a fort à parier qu’il ne serait finalement pas mécontent de voir son nom associé à l’un des plus grands de l’histoire de la peinture. 

Bien sûr, l’art de Monet est inépuisable. On peut rappeler son rôle d’inventeur d’une nouvelle manière de peindre pour capter la lumière de l’instant en faisant vibrer la couleur par petites touches nerveuses et rapides. On peut raconter combien sa vie a été marquée par l’incompréhension, les problèmes financiers et les malheurs familiaux. On peut le camper en archétype de l’artiste incompris et moqué avant de le voir devenir l’idole des foules… et du coup la hantise des critiques qui, depuis la déculottée que leur a infligé l’histoire, après la consécration de l’impressionnisme, n’osent plus trop persifler les audaces novatrices. On peut, à la lumière des nouvelles technologies, alléguer que sa touche diffractée préfigure déjà l’image pixellisée. On peut… mille autres choses encore !

L’inventeur d’un autre rapport au paysage

Mais ce qui frappe aujourd’hui, c’est à quel point Monet a changé notre regard sur la nature et le rapport de l’art au paysage. De ses débuts pré-impressionnistes à Sèvres ou Argenteuil jusqu’aux ultimes flamboiements panthéistes de son jardin d’eau de Giverny, il n’a cessé de réinventer le paysage sur sa toile, jusqu’à ce que son art ne fasse plus qu’un avec son sujet. Il est la nature faite peinture. Et réciproquement.

En 1900, Monet est un artiste enfin reconnu et libéré de tout souci financier. Il semble au faîte de son art. Et pourtant, le plus important reste à venir. Sa plus grande révolution, c’est au jardin qu’il va la mener, de ses 60 à ses 86 ans. Alors que les regards se sont enfin faits à ses poudroiements impressionnistes, il est déjà ailleurs, là où personne ou presque ne le comprend plus. Tout en dirigeant une escouade de jardiniers qui réalisent l’œuvre d’art total de son jardin de Giverny qu’il ne quitte plus guère puisqu’il est devenu l’unique objet de son désir pictural, le peintre mène ses investigations avec un acharnement forcené.

Obsolète ou trop en avance

Plus il avance dans son travail et plus il s’immerge et se fond dans son sujet. Ses tableaux n’ont plus ni haut ni bas, ni commencement ni fin, ni dedans ni dehors. Ciels, eaux et végétations mêlés, formes et fonds confondus, tout y est indissolublement lié, imbriqué, fusionné. Happé dans ce vertigineux ballet cosmique, le regard bascule et perd… pied. En 1926, six mois après sa disparition, ses Grandes décorations aux nymphéas sont installées à l’Orangerie. Stupeur et incompréhension de la plupart ! Tandis qu’autour de lui les nouvelles avant-gardes construisaient ou déconstruisaient (dada, cubisme, futurisme, abstraction géométrique…), le «patriarche de Giverny» menait en solitaire son entreprise éperdue de dissolution des formes dans la couleur. Si son art passait alors pour obsolète, c’est qu’il était bien trop en avance pour qu’on en pressente les prolongements à venir.

La longue éclipse du paysage

Facile pour nous, un siècle plus tard, de mesurer la descendance plurielle et formidable de Monsieur Claude. Il avait mené ses recherches si loin et en territoire si énigmatique qu’après lui on ne pouvait que revenir en arrière. C’est ce qu’ont fait des cohortes de peintres plus ou moins amateurs en se plaçant dans l’orbite d’un post-impressionnisme du dimanche. Mais les artistes majeurs, quant à eux, se sont presque tous détournés du paysage. Comme si le sujet était miné !

Ce n’est qu’à partir du milieu du XXe siècle et surtout dans les années 1960 que la nature a commencé à reprendre ses droits dans l’art contemporain. Par de tout autres chemins et moyens que Monet, mais en prolongeant les pistes qu’il avait lui-même ouvertes. Après lui, l’artiste n’est plus DEVANT son paysage ni même SUR le motif, il est DEDANS. Il EST nature. Et il y inclut les regardeurs.

Le retour «live» de la nature

Sur le mode informel, expressionniste abstrait, all over ou color field, les uns se mettent à peindre des éléments que le tableau – tels les Nymphéas tardifs – capte par fragments qui débordent du cadre et se poursuivent hors champ dans un continuum irrépressible de nature et d’énergie vitale. Les autres, protagonistes du land’art, se mettent à façonner la nature en direct et à l’échelle du paysage tout entier. Puis on voit des tenants de l’arte povera se couler dans la nature pour lui emprunter ses matériaux, ses rythmes et ses processus de croissance. Sans compter que l’œuvre tardif de Monet – traversé de tumultes furieux et incendiaires, vibrionnant de sténographies légères et dansantes ou virevoltant dans des enchevêtrements profus et magnifiques qui font que l’espace tout entier bouge, ondule, se vrille et se dilate – invente l’art de l’environnement, dans lequel le spectateur est totalement englobé et impliqué de manière interactive. Et sans compter non plus qu’il inaugure la notion de work in progress ou d’art saisi en plein processus de création et d’éternel inachèvement qui rejoint le cycle perpétuellement recommencé de la vie et de la nature même.

Obsolète, le vieux jardinier-poète de Giverny ? Moins que jamais ! Son œuvre fait partie des plus grandes: de celles qui demeurent si ouvertes et fécondes que chaque époque peut aller y faire son miel et y trouver des échos et des correspondances à son aujourd’hui.

Artpassions Articles

E-Shop

Nos Blogs

Instagram Feed