LA VICTOIRE AU GALOP

Parmi les concours «sportifs» de la Grèce antique, les courses de chars constituaient l’attraction principale, à cause de leur caractère spectaculaire et dangereux. Et, entre l’attelage à deux chevaux (synôris) et celui qui en alignait quatre de front (téthrippon), la préférence du public allait nettement au second, plus difficile à conduire (gare aux bornes des virages !). Le harma était un char de course à deux roues où l’on se tenait debout. La caisse, très légère, reposait sur l’essieu sans ressort intercalé. Cintrée à l’avant, la caisse s’ouvrait par derrière, où des sortes de poignées facilitaient la montée et la descente. En complément, une rambarde, dressée à l’opposé, réduisait les risques de chute. Le timon, recourbé vers le haut, portait le joug, solidarisé par une cheville et une ligature. Les Grecs ignorant le collier d’épaules à attelles, la traction se faisait directement sur le timon. Et seuls les chevaux du milieu se trouvaient assujettis au joug, les autres, placés à l’extérieur, tiraient chacun sur une corde unique, attachée au bas de la caisse. Il y avait deux guides de cuir par bête, ce qui imposait au cocher d’en tenir huit à la fois, sans compter la verge ou l’aiguillon. L’usage, très dangereux, de nouer ensemble les guides dans le dos, n’était pas pratiqué par les Grecs qui, en cela, se distinguaient des Étrusques. Une plaque en marbre surmontée d’un fronton à antéfixes offre l’image d’un de ces fameux quadriges. Les chevaux s’y présentent en position cabrée, manière conventionnelle d’exprimer le...

Parmi les concours «sportifs» de la Grèce antique, les courses de chars constituaient l’attraction principale, à cause de leur caractère spectaculaire et dangereux. Et, entre l’attelage à deux chevaux (synôris) et celui qui en alignait quatre de front (téthrippon), la préférence du public allait nettement au second, plus difficile à conduire (gare aux bornes des virages !).

Le harma était un char de course à deux roues où l’on se tenait debout. La caisse, très légère, reposait sur l’essieu sans ressort intercalé. Cintrée à l’avant, la caisse s’ouvrait par derrière, où des sortes de poignées facilitaient la montée et la descente. En complément, une rambarde, dressée à l’opposé, réduisait les risques de chute. Le timon, recourbé vers le haut, portait le joug, solidarisé par une cheville et une ligature. Les Grecs ignorant le collier d’épaules à attelles, la traction se faisait directement sur le timon. Et seuls les chevaux du milieu se trouvaient assujettis au joug, les autres, placés à l’extérieur, tiraient chacun sur une corde unique, attachée au bas de la caisse. Il y avait deux guides de cuir par bête, ce qui imposait au cocher d’en tenir huit à la fois, sans compter la verge ou l’aiguillon. L’usage, très dangereux, de nouer ensemble les guides dans le dos, n’était pas pratiqué par les Grecs qui, en cela, se distinguaient des Étrusques.

Une plaque en marbre surmontée d’un fronton à antéfixes offre l’image d’un de ces fameux quadriges. Les chevaux s’y présentent en position cabrée, manière conventionnelle d’exprimer le galop. Les brides, les colliers, les guides et l’extrémité du timon ne sont pas exécutés en relief, le recours à la peinture (aujourd’hui disparue) ayant été considéré comme suffisant.

Le char est monté par deux personnes, le conducteur se plaçant au second plan. Il tient les guides de la main droite, son bras gauche passant derrière le torse de son passager, comme pour l’enlacer. Son vêtement (xystis) consiste en une longue tunique, finement plissée, dont le bas se soulève sous l’effet de la vitesse. Son compagnon, qui s’agrippe à la rambarde du char, porte un casque et un bouclier, qui le font prendre pour un soldat, un hoplite. Mais le fait qu’il n’ait pas d’arme offensive, javelot ou épée, interdit cette interprétation. L’indice déterminant est sa complète nudité, propre aux athlètes. C’est donc l’un d’eux qu’il faut reconnaître ici. Un athlète jouant au soldat, pour ainsi dire, dans un cadre qui n’est pas celui de la guerre, mais d’un concours sportif.

Devant le char se dresse un autre jeune homme, bien campé sur ses jambes écartées. Il paraît donner un ordre au conducteur du char, probablement celui de s’arrêter. Lui aussi est nu, si l’on excepte l’étroite draperie, qui pend de sa main droite.

À n’en pas douter, la scène représente la compétition des apobates (agôn apobatikos). Cet exercice de voltige consistait pour l’athlète à descendre du char et à y remonter, sans que le cocher ne marque d’arrêt. Le port d’un bouclier, lourd et encombrant, augmentait la difficulté.

Un tel exercice fait référence à l’époque homérique, où le guerrier se faisait conduire en char sur le champ de bataille, pour y combattre ensuite à pied. L’apparition de l’hoplite, à la fin du VIIIe siècle av. J.-C. rendit caduque cette façon de combattre, mais on a voulu en perpétuer le souvenir dans l’aristocratie dont les courses de chars restaient l’apanage.

Par les sources littéraires et épigraphiques, on sait que la course des apobates figurait au programme de la fête des Grandes Panathénées, qui se déroulaient à Athènes tous les quatre ans, en juillet. Et c’est à ce titre que ladite course figure dans la célèbre frise du Parthénon (blocs nord XI-XII). On y voit deux chars avec leur équipage. Devant chacun d’eux, il y a un personnage, l’un qui semble contrôler la course, l’autre qui tend une couronne de victoire.

Si l’on revient à la plaque en relief, il n’y a pas à hésiter quant à sa fonction. Elle est votive, et celui qui l’a dédiée dans un sanctuaire, ne saurait être que le vainqueur d’un concours d’apobates, qu’il soit le propriétaire du char ou l’aerobate lui-même. Le moment choisi pour la représentation paraît être celui où le char franchit la ligne d’arrivée, cocher et apobate relâchant leur effort.

On connaît deux autres plaques votives représentant le même sujet. Elles ont été trouvées à Athènes, l’une sur l’Acropole, l’autre dans les fortifications romaines de l’Agora. Une troisième, fragmentaire, provient d’Oropos, à la frontière de l’Attique et de la Béotie. Cette trouvaille, à mettre en relation avec les jeux athlétiques des Amphiaraia, célébrés dans le sanctuaire du lieu, prouve que la course des apobates était en usage en dehors d’Athènes également.

Il va de soi que tous ces reliefs dérivent plus ou moins directement de la frise du Parthénon, que l’on situe en 440 av. J.-C. Mais si l’on veut préciser la date de la plaque présentée ici, il faut se reporter à un autre relief du même genre, que les visiteurs du Musée national d’Athènes connaissent bien. Il représente l’enlèvement de la nymphe Basilè par le héros Echélos. La composition générale, la posture des chevaux et l’attitude du personnage à pied (Hermès) sont très semblables, même si le sujet est tout autre. Ce relief, dédié par un certain Céphisodote, est certainement attique et les archéologues le placent quelque trente ans après le Parthénon.

La beauté de l’œuvre tient surtout à la façon dont le sculpteur, se jouant des contraintes techniques, a disposé en profondeur les quatre chevaux de l’attelage, passant subtilement d’un plan à l’autre.

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