Le Grand Musée genevois selon Jean Nouvel

Le projet de Jean Nouvel pour l’agrandissement du Musée d’art et d’histoire de Genève, bientôt centenaire, revient plus que jamais sous les feux de l’actualité. Couronné de transparence et de légèreté, le futur «Grand Musée» semble repousser ses limites.L'architecte français Jean Nouvel s’impose par sa capacité à transformer n’importe quel bâtiment, dans n’importe quelle situation, en une étonnante leçon d’intelligence et d’émotions maîtrisées. Caractérisé par un boîtier de verre et d’acier inséré dans la cour intérieure du «Grand Musée», son projet d’agrandissement du Musée d’art et d’histoire, parfaitement abouti, est surtout riche du dialogue qu’il y a insufflé. Dans l’intimité de ce monument phare et en lien étroit avec la ville de Genève, sa vision se nourrit des battements du monde contemporain tout en allant à l’essentiel, sansa priori, pour trouver la solution juste, éclairante autant qu’efficace.Vibration sur cinq niveauxSe glissant dans un espace caché et sans apparat, conçu à l’origine comme un lieu fonctionnel d’aération et d’arrivée de lumière, le projet, retenu sur concours en 1998, bruisse sans heurts auprès de l’imposant édifice construit entre 1903 et 1910, selon les plans de l’architecte Marc Camoletti, qui avait déjà réalisé le Victoria Hall. Il n’y a là que des parois limpides, des plateaux successifs de 600m2 qui devraient laisser passer la lumière, par une transition visuelle fluide entre le bâtiment ancien et la nouvelle structure, scénographie dans laquelle le visiteur s’inscrit tout naturellement. Cette façon de revenir au concept initial d’une harmonie entre contenant et contenu va de pair, dans...

Le projet de Jean Nouvel pour l’agrandissement du Musée d’art et d’histoire de Genève, bientôt centenaire, revient plus que jamais sous les feux de l’actualité. Couronné de transparence et de légèreté, le futur «Grand Musée» semble repousser ses limites.
L’architecte français Jean Nouvel s’impose par sa capacité à transformer n’importe quel bâtiment, dans n’importe quelle situation, en une étonnante leçon d’intelligence et d’émotions maîtrisées. Caractérisé par un boîtier de verre et d’acier inséré dans la cour intérieure du «Grand Musée», son projet d’agrandissement du Musée d’art et d’histoire, parfaitement abouti, est surtout riche du dialogue qu’il y a insufflé. Dans l’intimité de ce monument phare et en lien étroit avec la ville de Genève, sa vision se nourrit des battements du monde contemporain tout en allant à l’essentiel, sansa priori, pour trouver la solution juste, éclairante autant qu’efficace.Vibration sur cinq niveauxSe glissant dans un espace caché et sans apparat, conçu à l’origine comme un lieu fonctionnel d’aération et d’arrivée de lumière, le projet, retenu sur concours en 1998, bruisse sans heurts auprès de l’imposant édifice construit entre 1903 et 1910, selon les plans de l’architecte Marc Camoletti, qui avait déjà réalisé le Victoria Hall. Il n’y a là que des parois limpides, des plateaux successifs de 600m2 qui devraient laisser passer la lumière, par une transition visuelle fluide entre le bâtiment ancien et la nouvelle structure, scénographie dans laquelle le visiteur s’inscrit tout naturellement. Cette façon de revenir au concept initial d’une harmonie entre contenant et contenu va de pair, dans ce projet, avec un travail sur le temps. De la réalité historique du bâtiment à l’actualité du projet, pas de tentative de plagiat ni de subordination, maisun geste simple et pur qui respecte, magnifie l’architecture «au charme proustien» comme dit Jean Nouvel, tout en marquant subtilement son époque. Une simple vibration qui parcourt cinq niveaux alignés sur ceux du Musée, frôlant les murs anciens sans les toucher. Assis sur les sous-sols existants, le rez, le «piano nobile», et le troisième étage, destinés aux expositions permanentes et temporaires, évoquent un forum où communiquent et dialoguent les arts et les événements. Doté d’un pont technique, le quatrième niveau sert aussi bien de salle de spectacles et de projection que de salle de réunion. Pour couronner l’ensemble, Jean Nouvel propose un restaurant panoramique sous forme d’une structure légère, quasi immatérielle, au-dessus des toitures épaisses du bâtiment existant, reliant visuellement le musée au lac et aux alentours. Accessible par une circulation verticale, ouvert le soir, le futur restaurant projettera son halo lumineux dans la nuit, confortant la présence du fief culturel au cœur de la ville.Voulu comme une tentative de replacer le Musée dans son contexte urbain, et cela en accord avec le souhait de Camoletti de tisser, au-delà de l’ancien bastion, une relation avec le centre-ville, le projet prévoit la mise en scène de sculptures dans les jardins qui glissent vers les quartiers riverains. Par ailleurs, le futur Musée comprend aussi, sur l’esplanade de l’Observatoire, un pavillon d’accueil léger et translucide, tel un écho au dernier étage, «signe distinctif» de la nouvelle construction.Tant de chefs-d’œuvre cachésChaque matériau est choisi avec précision, chaque ligne tracée, chaque mise en œuvre définie. Rien ne manque, rien n’est superflu, tout s’allège, s’efface et se dématérialise dans l’évidence de son rôle, à l’instar du jeu de transparences, pour en faire un vrai, un grand musée. Aussi attractif pour les visiteurs que pour les donateurs, il se révèle un centre patrimonial et devrait reprendre son rang dans la géographie culturelle, à côté du Musée de Bâle par exemple, ou du Kunsthaus de Zurich qui proposent, tout comme l’institution genevoise, les meilleures collections de beaux-arts en Suisse.

«Une grande partie des œuvres n’est pas visible, entre autres des chefs-d’œuvre de peintures flamandes et hollandaises du XVIIe siècle. Sur les six mille quatre cent cinquante-cinq tableaux qu’il conserve dans ce domaine, sans compter les richesses du patrimoine archéologique, le bâtiment ne peut en exposer que deux cent soixante-dix», indique Cäsar Menz, le directeur du Musée.«Tout en restituant au bâtiment de Camoletti sa beauté initiale et en permettant les adaptations nécessaires à une muséographie cohérente, l’aménagement offrirait 3600m2 supplémentaires aux quelque 6500m2 existants.»Évoquer le projet aujourd’hui pourrait porter à croire qu’il est nouveau, mais il n’en est rien. En revanche, pour faire face à l’état précaire d’une institution altérée par le temps, trop à l’étroit pour préserver et présenter ses collections, un crédit d’étude et une fondation arrivent à point nommé pour réveiller la proposition de Jean Nouvel. Le projet, développé avec les bureaux des architectes genevois «Jucker SA et DVK», a sommeillé pendant sept ans, sans rien perdre de sa pertinence ni de son actualité.Grâce à l’engagement de quelques personnalités genevoises et de mécènes, une fondation privée a été créée sous l’impulsion de Renaud Gautier avec pour objectif de récolter les 40 millions de francs (environ 25 millions d’euros) nécessaires à sa réalisation. Un montant correspondant, en fait, à une simple rénovation du bâtiment existant.Les pouvoirs publics qui s’étaient, dans un premier temps, rabattus sur cette solution, ont accepté ce printemps d’entrer en matière pour que le projet de Jean Nouvel voie le jour. À coût égal, Genève y gagnerait assurément une mise en valeur sensible de son patrimoine: «Si le Musée qui est visité par quelque cent quatre-vingt mille personnes par année et qui constitue un élément culturel, social et économique de premier plan, veut préserver son attrait, il est urgent d’investir dans son avenir» appuie Cäsar Menz, convaincu par le projet d’extension. Pour la fondation qui semble déjà soulever des enthousiasmes, il reste un défi, celui de réunir l’argent en dix-huit mois. C’est la condition posée par la Ville, faute de quoi le partenariat privé-public ne pourrait aboutir et le «Grand Musée» devrait alors se contenter d’une réhabilitation qui ne résoudrait pas ses vrais problèmes: l’espace et la qualité de conservation des oeuvres. On ne saurait imaginer un tel dénouement.

Artpassions Articles

E-Shop

Nos Blogs

Instagram Feed