Le Surréalisme naît à paris

Pour la première fois en Suisse, la Fondation Beyeler présente une exposition d’envergure consacrée au surréalisme. Dalí, Magritte et Miró en sont les protagonistes principaux. Point fort de l’événement: la présentation de deux collections privées d’œuvres surréalistes de premier plan, celle, inédite, de Simone Collinet, première épouse d’André Breton, et celle de Peggy Guggenheim, comprenant notamment L’Antipape de Max Ernst (1942), une pièce très rarement prêtée. En se débarrassant volontairement de la cohérence que l’on prête à la réalité, l’image connaît une métamorphose considérable avec le mouvement sur réaliste. Inventeurs de compositions à la fois familières et décalées, les surréalistes méditent sur les choses et les mots avec un humour ambigu. L’image est le fruit des forces psychiques de l’inconscient dont parle la psychanalyse et dont la source se trouve dans l’imagination poétique et le rêve. S’il est d’usage d’attribuer à André Breton la naissance du surréalisme – en tant que mouvement intellectuel qui marque tout le siècle dernier et particulièrement l’entre-deux-guerres – de nombreux courants ont précédé cette naissance, notamment le dadaïsme dont l’influence est incontestablement la plus directe. Simple appellation choisie au hasard des pages d’un dictionnaire, dada s’attaque aux valeurs bourgeoises du XIXe siècle, reflets d’une culture qui conduit au carnage de la Première Guerre mondiale. Indistinctement passionnés par toutes les manifestations du passé, de l’histoire et de la culture, et constatant néanmoins l’incapacité de dada à reconstruire des valeurs positives, les surréalistes s’en détachent pour annoncer leur existence officielle à Paris en 1924 avec une «dose...

Pour la première fois en Suisse, la Fondation Beyeler présente une exposition d’envergure consacrée au surréalisme. Dalí, Magritte et Miró en sont les protagonistes principaux. Point fort de l’événement: la présentation de deux collections privées d’œuvres surréalistes de premier plan, celle, inédite, de Simone Collinet, première épouse d’André Breton, et celle de Peggy Guggenheim, comprenant notamment L’Antipape de Max Ernst (1942), une pièce très rarement prêtée.

En se débarrassant volontairement de la cohérence que l’on prête à la réalité, l’image connaît une métamorphose considérable avec le mouvement sur réaliste. Inventeurs de compositions à la fois familières et décalées, les surréalistes méditent sur les choses et les mots avec un humour ambigu. L’image est le fruit des forces psychiques de l’inconscient dont parle la psychanalyse et dont la source se trouve dans l’imagination poétique et le rêve.

S’il est d’usage d’attribuer à André Breton la naissance du surréalisme – en tant que mouvement intellectuel qui marque tout le siècle dernier et particulièrement l’entre-deux-guerres – de nombreux courants ont précédé cette naissance, notamment le dadaïsme dont l’influence est incontestablement la plus directe. Simple appellation choisie au hasard des pages d’un dictionnaire, dada s’attaque aux valeurs bourgeoises du XIXe siècle, reflets d’une culture qui conduit au carnage de la Première Guerre mondiale. Indistinctement passionnés par toutes les manifestations du passé, de l’histoire et de la culture, et constatant néanmoins l’incapacité de dada à reconstruire des valeurs positives, les surréalistes s’en détachent pour annoncer leur existence officielle à Paris en 1924 avec une «dose énorme de contradiction apparente», pour reprendre les termes du premier Manifeste du surréalisme.

Ainsi, Breton rompt avec le dadaïste Tristan Tzara et de nouveaux groupes se forment autour d’artistes épris de liberté dans un monde en crise, et bientôt en guerre. Il y a les surréalistes de la rue du Château – Duhamel, Prévert, Queneau, Sadoul –, ceux de la rue Blomet – Artaud, Miró qui parle «d’assassinat de la peinture» et marque son entrée dans le champ surréaliste en peignant en 1924 Terre labourée –, ceux de la rue Tourlaque – Éluard, Ernst, Magritte – et bien d’autres encore ayant élu Paris comme lieu de magie quotidienne.

Le Bureau des recherches surréalistes voit le jour ainsi que des revues: Aventure, Littérature, La Révolution surréaliste. Manifestes, appels, pétitions sont quelques-uns des modes d’expression de ces artistes engagés dans la vie politique, convaincus de pouvoir «changer le monde» selon la devise de Karl Marx. Avec Breton, Aragon, Éluard, Soupault, Péret, les peintres Ernst, Miró, Masson et Tanguy constituent dès 1925 l’essentiel du groupe qui est secoué l’année suivante par une première crise politique. Des divergences conduiront en effet à certaines ruptures, mais le surréalisme, devenu international en moins de dix ans, perdurera sur le plan artistique. William Copley, artiste et collectionneur américain adepte du mouvement, n’affirmait-il pas dans les années 1940: «Le surréalisme rendait tout compréhensible: ma gentille famille, la guerre et pourquoi j’étais allé au bal de Yale sans chaussures».

Dominé par la personnalité de l’écrivain Breton, le surréalisme est d’abord d’essence littéraire: Les Champs magnétiques (1919, Breton et Soupault) est un premier exemple d’écriture automatique où la cohérence rationnelle du récit est niée au profit du jaillissement des désirs enfouis. Outre les poètes précités, Artaud, Char, Desnos, Prévert, Queneau ont tous appartenu à ce mouvement. Leur terrain d’essai est une expérimentation du langage exercé sans contrôle, où les frontières entre les différents genres littéraires (roman, autobiographie, essai, nouvelle, etc.) sont abolies. Puis, cet état d’esprit s’étend rapidement aux arts plastiques, à la photographie et au cinéma. Là aussi, avec l’idée de recourir à des procédés poétiques tournés vers le merveilleux, les plasticiens ont la volonté de décloisonner les genres artistiques, ce qui se concrétisera notamment dans la technique du collage, mais également dans celle du frottage de Max Ernst (La Ville entière 1936, est un exemple de cette nature fortuite du résultat); des «décalcomanies sans objet» d’Óscar Dominguez ou des fumages de Wolfgang Paalen. S’ils combinent différentes techniques picturales, les peintres articulent littérature et arts plastiques comme jamais avant ces années-là. À titre d’exemple Miró produit, dans les années 1920, des tableaux-poèmes, où le texte s’intègre à la matière picturale par le biais d’une écriture qui se fait ligne à l’intérieur de la composition. Magritte n’arrête pas, quant à lui, de remettre en cause la relation entre le mot, le signe et la représentation picturale. Son titre La Voix des airs (1931) par exemple, suggère plusieurs sens possibles qui vont bien au-delà de l’image représentant trois sphères accolées les unes aux autres, ou trois grelots immenses flottant immobiles dans un espace froid, avec des airs d’Objets Volants Non Identifiés.

Comme l’écrit Breton à propos de l’œuvre d’André Masson: «La découverte essentielle du surréalisme est, en effet, que, sans intention préconçue, la plume qui court pour écrire ou le crayon qui court pour dessiner file une substance infiniment précieuse dont tout n’est peut-être pas matière d’échange, mais qui, du moins, apparaît chargée de tout ce que le poète ou le peintre recèle alors d’émotionnel.» Parallèlement, la figuration minutieuse, issue de De Chirico, du Douanier Rousseau et de symbolistes comme Gustave Moreau, se développe dans les œuvres de Pierre Roy, d’Yves Tanguy, et surtout de Salvador Dalí.

L’arrivée de ce dernier en 1929 est un événement considérable, porté par la création du film Un chien andalou (Buñuel et Dalí). Le peintre catalan propose bientôt sa «méthode spontanée de connaissance irrationnelle basée sur l’objectivation critique et systématique des phénomènes délirants» pour intégrer les impulsions libidinales et les images oniriques à la création picturale. La composition datant de 1944, Rêve causé par le vol d’une abeille autour d’une pomme-grenade, une seconde avant l’éveil…, présente typiquement des symboles dont l’interprétation est dominée par un érotisme aigu.

Avec Dalí, une activité semi-hallucinatoire peut s’intégrer à la création. Dans sa Vie secrète (1942), il décrit sa façon de travailler: «Au lever du soleil, je me réveillais et, sans me laver ni m’habiller, je m’asseyais devant le chevalet placé dans ma chambre face à mon lit. La première image du matin était celle de ma toile, qui serait aussi la dernière image que je verrais avant de me coucher… Toute la journée, assis devant mon chevalet, je fixais ma toile comme un médium pour en voir surgir les éléments de ma propre imagination. Quand les images se situaient très exactement dans le tableau, je les peignais à chaud, immédiatement.»

Dalí le provocateur est, avec Magritte, le bourgeois en apparence, l’un des peintres surréalistes les plus connus, sans doute parce que tous deux ont produit des images d’un traitement apparemment traditionnel. Ces deux personnalités ont pourtant grandement contribué à nourrir le terreau fertile du surréalisme et à donner d’autres raisons à l’image de marquer durablement notre perception du quotidien.

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