Les Dassier maîtres genevois de l’art de la médaille, et leurs mécènes

Les médailles de l’entreprise artistique «Dassier et fils» de Genève sont les plus belles et les plus célèbres de l’époque des Lumières. Leur succès considérable dans toute l’Europe fut obtenu, en grande partie, grâce à un solide réseau de mécènes genevois et internationaux.Le Cabinet de numismatique du Musée d’art et d’histoire de Genève et le Musée monétaire cantonal de Lausanne possèdent tous deux une riche collection de médailles réalisées par Jean Dassier (1676-1763) et son fils Jacques-Antoine (1715-1759). Quelque peu oubliés de nos jours, ces médailleurs comptent parmi les plus importants de l’histoire de l’art. Au XVIIIe siècle, Diderot et d’Alembert allèrent jusqu’à affirmer: «Dassier, (les) père et fils, de Genève, ont rendu leurs noms célèbres par le même talent: leurs belles médailles d’après nature et plusieurs autres ouvrages de leur burin, prouvent qu’ils sont dignes d’être comptés parmi les plus célèbres graveurs» (Encyclopédie, VII, p. 867).Réunies pour la première fois dans un catalogue raisonné1, leurs œuvres sont d’un style plus personnel, plus dynamique et plus libre que celles, nettement moins originales, de leurs concurrents, qui étaient soumis aux gouvernements absolutistes. Inscrite dans un contexte historique, leur iconographie reflète une grande connaissance de la peinture, de la sculpture et de la gravure.Issus de la bourgeoisie genevoise, les Dassier furent très actifs dans les affaires politiques, en représentant leur classe dans la lutte contre les oligarques au pouvoir. Ils tissèrent des liens étroits avec les plus célèbres savants, artistes et banquiers genevois, tout en ayant leurs entrées dans les grands réseaux...

Les médailles de l’entreprise artistique «Dassier et fils» de Genève sont les plus belles et les plus célèbres de l’époque des Lumières. Leur succès considérable dans toute l’Europe fut obtenu, en grande partie, grâce à un solide réseau de mécènes genevois et internationaux.
Le Cabinet de numismatique du Musée d’art et d’histoire de Genève et le Musée monétaire cantonal de Lausanne possèdent tous deux une riche collection de médailles réalisées par Jean Dassier (1676-1763) et son fils Jacques-Antoine (1715-1759). Quelque peu oubliés de nos jours, ces médailleurs comptent parmi les plus importants de l’histoire de l’art. Au XVIIIe siècle, Diderot et d’Alembert allèrent jusqu’à affirmer: «Dassier, (les) père et fils, de Genève, ont rendu leurs noms célèbres par le même talent: leurs belles médailles d’après nature et plusieurs autres ouvrages de leur burin, prouvent qu’ils sont dignes d’être comptés parmi les plus célèbres graveurs» (Encyclopédie, VII, p. 867).Réunies pour la première fois dans un catalogue raisonné1, leurs œuvres sont d’un style plus personnel, plus dynamique et plus libre que celles, nettement moins originales, de leurs concurrents, qui étaient soumis aux gouvernements absolutistes. Inscrite dans un contexte historique, leur iconographie reflète une grande connaissance de la peinture, de la sculpture et de la gravure.Issus de la bourgeoisie genevoise, les Dassier furent très actifs dans les affaires politiques, en représentant leur classe dans la lutte contre les oligarques au pouvoir. Ils tissèrent des liens étroits avec les plus célèbres savants, artistes et banquiers genevois, tout en ayant leurs entrées dans les grands réseaux cosmopolites. Par leurs actions diplomatiques en faveur du parti bourgeois et par leurs contacts familiaux, professionnels et commerciaux, ils purent se faire connaître et apprécier des mécènes et des collectionneurs européens, non seulement en Suisse mais également en France, en Angleterre, aux Pays-Bas, en Italie et même en Russie.Au début des années 1720, Jean Dassier devint célèbre en France grâce à une série de soixante-treize petites médailles intitulée Les Hommes illustres du siècle de Louis XIV (1723). Cette suite, qui glorifiait la grandeur de l’art et de la culture française à l’époque du roi Soleil, impressionna fortement Jean-Alphonse Turrettini (1671- 1737), professeur à l’Académie de Genève et grand connaisseur de monnaies et médailles. Il encouragea Dassier à créer une nouvelle série consacrée, cette fois, aux Réformateurs de l’Eglise. Composée de vingt-quatre petites pièces, elle fut dédiée à un autre passionné de numismatique, l’archevêque de Canterbury, William Wake (1657-1737), un ami de Turrettini. Par ses interventions auprès de la cour royale, le prélat permit à Jean Dassier de créer une troisième collection, représentant les trente-trois souverains d’Angleterre depuis Guillaume le Conquérant. Certaines suites, dont celle offerte en 1731 au roi George II, étaient patinées en bronze doré selon une technique inventée par l’atelier. La série fut accompagnée de plusieurs pièces illustrant les grands hommes britanniques, tels que Shakespeare, Milton, Locke et Newton. Tandis qu’il exécutait ces œuvres, Jean Dassier reçut la commande pour des médailles décernées par le gouvernement de la République de Berne à ses citoyens et soldats méritants.

D’une splendeur éclatante, elles sont exécutées en or et reflètent la richesse de la plus grande cité-Etat du nord des Alpes. L’une des plus belles d’entre-elles illustre la légende d’Androclès, esclave romain sauvé dans l’arène par un lion qu’il avait jadis soigné d’une blessure à la patte.Durant les difficiles années de la révolte des citoyens de Genève contre les oligarques au gouvernement (1734-1738), Dassier sut gagner successivement la confiance du chef de la diplomatie française, André Hercule, cardinal de Fleury (1653- 1743), et de l’ambassadeur plénipotentiaire de Louis XV, le comte de Lautrec (1683- 1762). Les beaux portraits de ces deux hommes, qui dirigèrent les négociations mettant fin à quatre ans de conflit dans la ville, ainsi qu’une médaille commémorative du traité de paix genevois de 1738, furent le fruit de ce mécénat de haut niveau.La formidable expansion de l’entreprise Dassier dans les années 1740 et 1750 dépendit en grande partie de ses étroites relations avec les plus grands collectionneurs et mécènes de l’époque. L’un des plus influents fut Martin Folkes (1690-1754), président de la Royal Society britannique, numismate et héritier de la collection de son oncle, l’archevêque William Wake. Folkes aida le jeune Jacques-Antoine Dassier, de retour d’un voyage d’étude en Italie, à réaliser une nouvelle série consacrée aux grands hommes anglais contemporains, notamment Sir Andrew Fountaine (1676- 1753), directeur de la Royal Mint et collectionneur distingué. Sa médaille peut être comparée aux portraits de l’époque romaine.

Le projet suivant, le plus ambitieux de l’atelier, est réalisé dans le même style «antiquisant»; il se compose de soixante petites médailles consacrées à l’histoire de la République romaine. Les portraits des personnages de cette suite furent modelés d’après les pierres gravées antiques que Jacques-Antoine étudia en Italie. Cette œuvre fut dédiée en 1748 à un autre grand mécène, Guillaume IV (1711-1751), prince d’Orange. Fin connaisseur de numismatique et de glyptique antique, il était l’époux de la princesse Anne, fille du roi George II et de la reine Caroline d’Angleterre, protecteurs des Dassier. En 1747, les Genevois avaient déjà réalisé pour Guillaume une médaille commémorant sa nomination comme stadhouder de Hollande. Sur le revers, le prince est représenté allégoriquement en général romain. La légende virgilienne à l’exergue fait référence à Tullus Hostilius, troisième roi de Rome: elle souligne la comparaison. Guillaume prend symboliquement place parmi les héros gravés de la série de petites médailles qui lui est dédiée.A la même époque, les Dassier connurent un grand succès en Italie grâce à leur amitié avec le comte Giammaria Mazzuchelli (1707-1765). Ce dernier avait rassemblé dans son palais à Brescia une superbe galerie de portraits en médaille qui était un des sites les plus fréquentés du Grand Tour au XVIIIe siècle. Les visiteurs pouvaient notamment y admirer des dizaines de médailles gravées par les Dassier que le maître des lieux leur avait directement commandées à Genève.Parmi ces œuvres, la plus célèbre est celle de Montesquieu (1689-1755).

Réalisée par Jacques-Antoine Dassier en 1753, elle fut également le fruit de rapports étroits entre nos deux artistes et leurs mécènes fortunés. La séance de pose fut organisée lors d’un dîner à Paris auquel étaient conviés Robert Dufour et Jacques Mallet, riches banquiers genevois, ainsi que leur client François Risteau, directeur de la compagnie des Indes et ami intime du philosophe.Le succès de cette médaille, qui devint la source de tous les portraits postérieurs de Montesquieu, joua sans aucun doute un rôle prépondérant dans la nomination de l’artiste à la Monnaie de SaintPétersbourg en 1756. Le talent des Dassier suscita également l’admiration d’un grand connaisseur des arts, Ivan Ivanovitch Chouvalov (1727-1793), chambellan et favori de l’impératrice Elisabeth Ire. Il commandaà Jacques-Antoine une magnifique médaille en or commémorant deux de ses projets: l’Université de Moscou et l’Académie impériale des beaux-arts. Un exemplaire fut envoyé à Voltaire pour le remercier de son ouvrage sur le tsar Pierre le Grand, autre commande prestigieuse du favori. Cette médaille pour Chouvalov fut malheureusement la dernière de l’atelier. Jacques-Antoine décéda à Copenhague le 21 octobre 1759 d’une tuberculose qui l’avait frappé peu après son arrivée en Russie. Affecté par sa disparition, Jean mourut à son tour, quatre ans plus tard.Avec ces deux artistes d’exception disparaissait l’une des plus remarquables dynasties artistiques du siècle des Lumières qui, en partenariat avec leurs mécènes éclairés, réussit brillamment à adapter leur art à l’esprit rococo.

Artpassions Articles

E-Shop

Nos Blogs

Instagram Feed