Melotti entre minimalisme et arte povera

Homme discret, Fausto Melotti (1901-1986) aura traversé le XXe siècle sans faire de bruit. Ses sculptures épurées n’étant guère appréciées dans l’Italie fasciste, il dut attendre les années soixante pour être reconnu. C’est à la XXXIIIe Biennale de Venise, en 1966, qu’il trouve enfin sa place dans l’exposition «Aspects de la première abstraction italienne, Milan – Côme, 1930-1940». En 1971, c’est le Museum am Ostwald à Dortmund qui lui consacre une première rétrospective, suivi, dix ans plus tard, par le Fort du Belvédère à Florence et la G.A.M. à Rome. C’est encore un musée allemand, la Kunsthalle de Mannheim, qui prête main forte au Kunstmuseum de Winterthur pour cette première présentation d’envergure en Suisse.L’art est un état d’âme angélique et géométrique qui s’adresse non pas aux sens mais à l’intellect.» Rien ne définit mieux la position finale de cet artiste féru de mathématiques et diplômé de l’École polytechnique de Milan. Mais le chemin pour y parvenir fut long. Né le 8 juin 1901 à Rovereto, Fausto Melotti termine ses études secondaires à Florence, pendant la Première Guerre. Dans sa ville natale, il s’était lié avec le peintre et décorateur Fortuno Depero (1892- 1960), ami de Giacomo Balla et futuriste comme ce dernier. N’avaient-ils pas rédigé ensemble, en 1915, le Manifeste de la Reconstruction futuriste de l’univers ? Mais contrairement aux Futuristes qui rêvent d’incendier les bibliothèques et de détruire les musées, Melotti découvre les peintres de la Renaissance florentine et se met à étudier Giotto, Botticelli, Donatello et Michel-Ange. Plus...

Homme discret, Fausto Melotti (1901-1986) aura traversé le XXe siècle sans faire de bruit. Ses sculptures épurées n’étant guère appréciées dans l’Italie fasciste, il dut attendre les années soixante pour être reconnu. C’est à la XXXIIIe Biennale de Venise, en 1966, qu’il trouve enfin sa place dans l’exposition «Aspects de la première abstraction italienne, Milan – Côme, 1930-1940». En 1971, c’est le Museum am Ostwald à Dortmund qui lui consacre une première rétrospective, suivi, dix ans plus tard, par le Fort du Belvédère à Florence et la G.A.M. à Rome. C’est encore un musée allemand, la Kunsthalle de Mannheim, qui prête main forte au Kunstmuseum de Winterthur pour cette première présentation d’envergure en Suisse.
L’art est un état d’âme angélique et géométrique qui s’adresse non pas aux sens mais à l’intellect.» Rien ne définit mieux la position finale de cet artiste féru de mathématiques et diplômé de l’École polytechnique de Milan. Mais le chemin pour y parvenir fut long. Né le 8 juin 1901 à Rovereto, Fausto Melotti termine ses études secondaires à Florence, pendant la Première Guerre. Dans sa ville natale, il s’était lié avec le peintre et décorateur Fortuno Depero (1892- 1960), ami de Giacomo Balla et futuriste comme ce dernier. N’avaient-ils pas rédigé ensemble, en 1915, le Manifeste de la Reconstruction futuriste de l’univers ? Mais contrairement aux Futuristes qui rêvent d’incendier les bibliothèques et de détruire les musées, Melotti découvre les peintres de la Renaissance florentine et se met à étudier Giotto, Botticelli, Donatello et Michel-Ange. Plus que la peinture, c’est la sculpture et l’architecture qui le requièrent.

Au nombre de ses amis, on trouve l’Architecte Gino Pollini, l’un des fondateurs du rationalisme italien, mais aussi le compositeur Riccardo Zandonai, lui aussi originaire de Rovereto. La musique jouera un grand rôle dans les créations de Melotti: elle lui enseignera le sens du mouvement et du rythme. Il poussera d’ailleurs fort loin des études dans ce domaine, après avoir obtenu un diplôme de génie électrique à l’École polytechnique de Milan.

Toutefois, c’est à la sculpture qu’il entend se consacrer. Aussi entre-t-il dans l’atelier de Pietro Canonica à Turin. Nous avons un peu oublié ce maître de la sculpture équestre dont les monuments ornent encore de nombreuses places à travers toute l’Europe, tel le Soldat de cavalerie à Turin ou Atatürk à cheval devant le musée ethnographique d’Ankara, sans parler des monuments à la gloire du tsar Alexandre II ou du pape Benoît XV. Chez Canonica, Melotti reçut une formation des plus classiques.

À partir de 1928, il suivit l’enseignement d’Adolfo Wildt à l’Académie de Brera à Milan. Un maître qui évolua entre Sécession viennoise, Art nouveau et expressionnisme. C’est dire que Melotti a été en contact avec la plupart des avantgardes européennes, qu’il leur a beaucoup emprunté avant de trouver son propre style tendant vers toujours plus de simplicité. Peu à peu, ses figures deviennent plus géométriques; elles sont réduites à l’essentiel, ressemblent parfois à des épures. L’influence de la peinture métaphysique est souvent évidente, tout comme celle du rationalisme des années trente tel que le représentent les artistes de la galerie milanaise Il Milione parmi lesquels on trouve aussi un autre élève d’Adolfo Wildt, Lucio Fontana.

C’est en effet dans la galerie Il Milione que Fausto Melotti organise en 1935 sa première exposition importante. C’est l’époque aussi où, vivant difficilement la période fasciste, il fait de fréquents séjours à Paris et adhère au mouvement AbstractionCréation. Ne pouvant guère se manifester publiquement, il fait de la céramique pour vivre. Quant à ses sculptures, elles deviennent quasi minimalistes.

À la Libération, Melotti se remet à la peinture, revient au bas-relief et crée toute une série de figurines qui deviendront les Teatrini. Ce n’estqu’en 1967, après une interruption d’une trentaine d’années, qu’il expose à nouveau. Sans renoncer à la simplicité durement conquise, Melotti introduit souvent désormais des éléments d’humour, d’ironie ou de jeu dans ses constructions qui nous enchantent par leur poésie. En effet, Melotti est sans doute le plus grand poète parmi les sculpteurs de sa génération. Ses créations légères et enjouées évoluent harmonieusement à travers l’espace. Rien d’agressif ne les caractérise, tout au plus nous rappellent-elles par quelques pointes d’ironie que notre monde n’est pas toujours luxe, calme et volupté. Il n’empêche que le travail de Melotti a partie liée avec ce que, dans le temps, on appelait la beauté. Ses constantes références à l’art grec suffiraient d’ailleurs à nous le rappeler. En même temps, la fragilité de certaines de ses constructions évoque, comme musicalement, notre propre fragilité. Arrivé à l’âge d’homme au lendemain de la Première Guerre, à laquelle beaucoup d’artistes italiens ont participé dans l’enthousiasme, voyant certains de ses amis futuristes verser dans le fascisme, traversant difficilement les années de plomb de la dictature mussolinienne, Fausto Melotti témoigne à sa manière, distante et discrète, des dérives du siècle qu’il a traversé.



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