New Museum de New York

D'où vient le prestige des grands centres d’art contemporain new yorkais ? N’en cherchez pas la source dans les politiques culturelles américaines désespérément pauvres. Cherchez la femme, faudrait-il dire plutôt: Abby Aldrich Rockefeller pour le MOMA, Gertrude Vanderbilt Whitney et Juliana Force pour le Whitney Museum of American Art, Hilla Rebay pour le Solomon R. Guggenheim Museum ou Vera List et Marcia Tucker pour le New Museum. Femmes d’argent pour certaines, résolues à donner un sens à leur fortune ou à celle de leur mari. Visionnaires de talent pour d’autres, habiles à guider les ardeurs philanthropiques des premières. Bon sens féminin dans tous les cas, hanté par le désir de justifier la démesure d’un capital en finançant l’aide aux artistes et la démocratisation culturelle.Dans la série des visionnaires, voici Marcia Tucker (1940-2006). Après un Bachelor of Arts et une année à l’École du Louvre, au début des années soixante, elle commence sa carrière au département des dessins du MOMA. Elle travaillera huit ans comme conservateur au Whitney, où sa politique « trop » avantgardiste entraîne son départ en 1977. L’institution la chasse ? Qu’à cela ne tienne. La joue encore cuisante de la claque, elle réagit à l’américaine et sans peur du gigantisme, portée aussi par son féminisme énergique et anticonformiste, elle crée elle-même un musée capable d’accueillir les palpitations artistiques les plus contestataires et radicales. Sa devise d’alors: «Agir d’abord, penser ensuite. Ainsi vous aurez de quoi réfléchir». Vera List, épouse d’un magnat des supermarchés, apporte le capital nécessaire,...

D’où vient le prestige des grands centres d’art contemporain new yorkais ? N’en cherchez pas la source dans les politiques culturelles américaines désespérément pauvres. Cherchez la femme, faudrait-il dire plutôt: Abby Aldrich Rockefeller pour le MOMA, Gertrude Vanderbilt Whitney et Juliana Force pour le Whitney Museum of American Art, Hilla Rebay pour le Solomon R. Guggenheim Museum ou Vera List et Marcia Tucker pour le New Museum. Femmes d’argent pour certaines, résolues à donner un sens à leur fortune ou à celle de leur mari. Visionnaires de talent pour d’autres, habiles à guider les ardeurs philanthropiques des premières. Bon sens féminin dans tous les cas, hanté par le désir de justifier la démesure d’un capital en finançant l’aide aux artistes et la démocratisation culturelle.Dans la série des visionnaires, voici Marcia Tucker (1940-2006). Après un Bachelor of Arts et une année à l’École du Louvre, au début des années soixante, elle commence sa carrière au département des dessins du MOMA. Elle travaillera huit ans comme conservateur au Whitney, où sa politique « trop » avantgardiste entraîne son départ en 1977. L’institution la chasse ? Qu’à cela ne tienne. La joue encore cuisante de la claque, elle réagit à l’américaine et sans peur du gigantisme, portée aussi par son féminisme énergique et anticonformiste, elle crée elle-même un musée capable d’accueillir les palpitations artistiques les plus contestataires et radicales. Sa devise d’alors: «Agir d’abord, penser ensuite. Ainsi vous aurez de quoi réfléchir». Vera List, épouse d’un magnat des supermarchés, apporte le capital nécessaire, et le musée peut ainsi ouvrir ses portes la même année, sur la cinquième avenue… Marcia Tucker le dirige jusqu’en 1999 avec son idéalisme hétérocliteet toujours provocateur. Refuge des styles et des artistes exclus ailleurs pour des raisons de race ou de genre sexuel, le New Museum remet continuellement en question le rôle de l’art contemporain, par des expositions qui appellent le scandale comme «Bad Painting», «Bad Girls», ou encore «Have You Attacked America Today ?», exposition de l’artiste Erika Rothenberg qui provoqua, en 1989, des lancers d’ordures contre la façade…Le siège du musée a connu plusieurs mutations. En 1983, c’est le premier déménagement sur Broadway, dans SoHo. En 1994 et 1996 suivent deux agrandissements. Puis en 2002, c’est l’annonce de la construction du nouveau musée, qui sera enfin logé dans un bâtiment conçu à sa mesure. Malheureusement Marcia Tucker, bien que bardée de reconnaissances officielles, s’éteindra à l’automne 2006, un an avant l’ouverture du nouveau bâtiment – le 1er décembre 2007 – jour du trentième anniversaire de la création du musée.Avec un budget de 64 millions de dollars, le «nouveau» New Museum est le premier musée d’art contemporain construit ex nihilo dans Downtown Manhattan. Ses 5600 m2 ont multiplié par deux la surface d’exposition antérieure. L’emplacement choisi semblait miteux: un ancien parking de Bowery Street, légèrement à l’est de SoHo, dans un quartier dont la marginalité rebuta même un peu les architectes choisis, les Japonais Kazuyo Sejima et Ryue Nishizawa, de l’agence SANAA. Ce handicap n’a pas empêché la construction d’un bâtiment extraordinaire qu’un magazine à la mode se permet alors d’inscrire sur la liste des sept nouvelles merveilles du monde. Toutes les réalisations du fabuleux laboratoire d’idées que représente l’agence SANAA semblent il est vrai, fascinantes, comme le bâtiment Dior à Tokyo (2003), l’école de Design de Zollverein à Essen en Allemagne (2003), le Musée d’Art Contemporain du XXIe siècle à Kanazawa au Japon (2005) ou le Pavillon de Verre du Toledo Museum of Art (États-Unis, 2006).L’idée de départ représente un empilement de 7 grands cubes blancs rectangulaires, de différentes tailles, apparemment posés à la va-vite les uns sur les autres, à la façon d’une pile de cartons prêts à être déménagés. On est donc surpris par le tracé tout en hauteur (53 m), formule imposée par l’étroitesse du terrain (21 x 34 m) et le désir de créer de grands espaces ouverts, flexibles et de différents formats. On peut y lire une allégorie de la rapidité et de l’impermanence, à l’instar des courants artistiques changeants que le lieu veut abriter en qualité «d’incubateur de nouvelles idées». Un clin d’œil aussi aux images traditionnelles d’un quartier jusquelà en marge des poses du Village – bien que la «gentrification» y guette dorénavant – et marqué par le débardage de cargaisons deferraille et autres ballots de matériels de recyclage. Enfin, à son inspiratrice siégeant dorénavant sur l’Olympe de l’art contemporain, le musée, tout en élévation, semble dire: plus près de toi, Marcia…Quant à l’habillement des caissons, une subtile maille d’aluminium anodisé confère une extraordinaire légèreté à l’aspect extérieur, laisse à peine entrevoir les fenêtres en dessous et constitue une délicate membrane qui scintille au soleil et change de couleur selon les moments de la journée. À l’intérieur dominent le blanc, les parois en verre, les lumières filtrées par des résilles métalliques ou des sols en ciment poli. Les éléments structurels de l’édifice se laissent parfois entrevoir et des éclairages naturels apparaissent sur les côtés grâce aux décalages entre les caissons. Une puissante sensation de «page blanche» se dégage de ce réceptacle volontairement neutre, se mettant apparemment le plus en retrait possible des souffles artistiques tourmentés qu’il souhaite accueillir.

Le hall d’entrée, vitré tout le long de la façade sur rue pour en apprécier à tout moment l’activité, abrite le New Food Café et sa cuisine en open space, la librairie, délimitée par une simple maille métallique, et une première galerie d’exposition, séparée du reste par une immense baie vitrée: voilà tous les éléments clefs du style transparent de SANAA, partisan de la fluidité des relations intérieur / extérieur, et adepte des bulles dans les bulles…Les trois niveaux de galerie, de superficies et hauteurs très différentes, surprennent par leur ampleur puisque structures de contention, escaliers et ascenseurs ont été repoussés sur les côtés. Entre deux étages, un insolite escalier logé dans l’épaisseur du mur et éclairé par une large fenêtre donnant sur SoHo, oblige à une pause (salutaire?) avant la reprise du parcours postmoderne. Le cinquième niveau, marqué par un spectaculaire mur de verre sur tout le côté regardant Nolita, est consacré au centre éducatif et au révolutionnaire Museum As Hub, flamboyant laboratoire global interinstitutionnel, visant à encourager l’explorationde l’art contemporain et des idées… Passé le sixième étage réservé aux bureaux et aux salles de réunion, le septième niveau (ciel ?) – 200 m2 entourés de baies vitrées du sol au plafond et de grandes terrasses sur deux côtés – offre aux promoteurs d’événements un des espaces les plus époustouflants de Manhattan et une vue panoramique sur Downtown à couper le souffle.Uniques touches de couleur: les salles d’eau en sous-sol recouvertes de superbes mosaïques Bisazza aux motifs «hanami» pixellisés de cerisiers en fleurs, et le vert laitue de l’intérieur des ascenseurs. Et sur la façade, des lettres lumineuses disposées en arc-en-ciel lancent un jovial et multicolore «Hell, Yes !». Œuvre de l’artiste suisse Ugo Rondinone, cette petite broche pop, un «je veux mon neveu !» à l’anglo-saxonne, sonne comme une joyeuse affirmation de l’amour de la vie et de la liberté sexuelle qui souligne aussi le caractère ouvert, audacieux et optimiste du New Museum au sein du panorama artistique international.

Artpassions Articles

E-Shop

Nos Blogs

Instagram Feed