Nos Blogs, Jacques Chamay nous parle du site de Prinias

Tombe D, dégagée en 1970 par H. Anagnostou
Tombe D, dégagée en 1970 par H. Anagnostou
Jacques Chamay, responsable de la rubrique archéologie d’Artpassions Une circonstance récente m’a fait repenser à la Crète, que j’ai visitée plusieurs fois. Dernièrement en 2015, lorsque je me suis rendu sur le site de Prinias, à 35 kilomètres au sud- ouest de la ville d’Héraklion. A mon grand étonnement, j’ai constaté qu’aucune trace de la nécropole n’y subsistait. Renseignement pris sur place, il s’avérait qu’en 2009 les habitants du village voisin, désireux de planter des oliviers dans la zone, l’avait passée au bulldozer ! Disparition lamentable quand on connait l’importance que les archéologues accordaient à cette nécropole, riche d’un grand nombre de tombes à coupole (tholos), représentatives de diverses époques. Même constat affligeant pour la colline de la Patela, où se dressait l’antique cité. Les herbes l’avaient complètement envahie depuis l’abandon complet des fouilles vers 2010. Tombe D, dégagée en 1970 par H. Anagnostou Mon intérêt pour Prinias, je le dois à Helly Anagnostou, qui a exploré le site au sein de la Mission italienne depuis 1970. Notre amitié remonte au temps où nous préparions ensemble la licence à l’Université de Fribourg, elle venant de Lausanne, moi de Genève. Notre professeur d’archéologie et d’histoire ancienne était Lilly Kahil, une personnalité hors norme, qui a marqué notre génération. C’est grâce à elle qu’Helly et moi fûmes tous les deux invités à participer à la fouille d’Erétrie (Grèce), inaugurée en 1964. Ma condisciple y contractera sa passion pour l’archéologie de terrain, laquelle l’emmènera plus tard...
Jacques Chamay, responsable de la rubrique archéologie d’Artpassions

Une circonstance récente m’a fait repenser à la Crète, que j’ai visitée plusieurs fois. Dernièrement en 2015, lorsque je me suis rendu sur le site de Prinias, à 35 kilomètres au sud- ouest de la ville d’Héraklion. A mon grand étonnement, j’ai constaté qu’aucune trace de la nécropole n’y subsistait. Renseignement pris sur place, il s’avérait qu’en 2009 les habitants du village voisin, désireux de planter des oliviers dans la zone, l’avait passée au bulldozer ! Disparition lamentable quand on connait l’importance que les archéologues accordaient à cette nécropole, riche d’un grand nombre de tombes à coupole (tholos), représentatives de diverses époques. Même constat affligeant pour la colline de la Patela, où se dressait l’antique cité. Les herbes l’avaient complètement envahie depuis l’abandon complet des fouilles vers 2010.

Tombe D, dégagée en 1970 par H. Anagnostou

Mon intérêt pour Prinias, je le dois à Helly Anagnostou, qui a exploré le site au sein de la Mission italienne depuis 1970. Notre amitié remonte au temps où nous préparions ensemble la licence à l’Université de Fribourg, elle venant de Lausanne, moi de Genève. Notre professeur d’archéologie et d’histoire ancienne était Lilly Kahil, une personnalité hors norme, qui a marqué notre génération. C’est grâce à elle qu’Helly et moi fûmes tous les deux invités à participer à la fouille d’Erétrie (Grèce), inaugurée en 1964. Ma condisciple y contractera sa passion pour l’archéologie de terrain, laquelle l’emmènera plus tard en Crète, comme dit plus haut, et en d’autres lieux encore.

Tombe D, dégagée en 1970 par H. Anagnostou

Pour en revenir à Prinias, il faut savoir que ce site est célèbre pour les vestiges de deux temples proto-archaïques, dits A et B, découverts par Luigi Pernier en 1906. Du temple A, daté de 640 av. J.-C., on conserve une partie du décor, sculpté dans le calcaire local. L’élément le plus remarquable en est la porte monumentale, dont le linteau supporte les statues de deux déesses trônantes. Le linteau lui-même, travaillé en bas-relief, montre une frise d’animaux : cerfs à gauche, félins à droite. En outre, autre particularité, il présente en dessous, sur la face que l’arrivant découvrait en levant les yeux, deux autres figures féminines, celles-ci en haut-relief. Opposées par la tête, elles sont censées se tenir debout, les bras le long du corps. Mais telle que le découvreur l’avait reconstituée, cette partie du linteau présentait une lacune, qu’il s’était résigné à ne pouvoir combler. Or, cette pièce manquante, Helly l’a retrouvée (en juin 2003), grâce à son œil exercé. Où ça ? Tout bêtement, pour ainsi dire, parmi les pierres et gravats laissés sur place près de 100 ans auparavant ! Il s’agit d’un bloc de 35 cm, qui appartient, comme elle s’en est vite rendu compte, au personnage de droite, dont il restitue le bas de la robe, avec son double galon, et la main droite. On aurait pu penser que les responsables du Musée archéologique d’Héraklion, qui abrite la reconstitution du temple A, allaient tirer parti de cette trouvaille. Pas du tout ! En effet, quelle ne fut pas ma surprise, en visitant ledit musée lors du même voyage, soit peu après la réfection du bâtiment et le  redéploiement  des collections (au demeurant fort réussi), de constater qu’on avait négligé d’incorporer  le fragment, bien qu’il eût avantageusement remplacé l’ancien rajout en plâtre ! A l’heure où partout fait rage la polémique sur la restitution des œuvres, un tel comportement est pour le moins surprenant.

La parution des actes du congrès archéologique dressant le bilan d’un siècle de fouilles en Crète fut certainement un autre crève-cœur pour Helly, car les organisateurs ne lui ont réservé aucune place. Son nom n’y figure même pas !  Voilà ce qui arrive lorsqu’on est trop modeste, trop conciliant, dans une profession qui, pas plus que les autres, ne se trouve immunisée contre les conflits d’ego entre « chers » collègues…

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