Quand la feuille (de plastique) devient forme

Le plastique thermoformé a trouvé dans l’art de ces quarante dernières années des usages et des formes qui dépassent la trivialité supposée du matériau et font de multiples commodément produits des œuvres incontestables, souvent de vraie beauté.Comparée aux métiers pluriséculaires de la fonte, de l’acier ou du verre, la plasturgie estune industrie jeune. Le procédé, de nature industrielle, consiste à prendre l’empreinte d’une forme grâce à une feuille de plastique plaquée contre un moule par vide d’air après avoir été chauffée. Issu du monde commercial, le thermoformage est utilisé pour l’emballage, le conditionnement et la publicité. Très rapidement, de nombreux artistes s’emparent de cette technique.Aujourd’hui partie intégrante de nos vies, les matières plastiques – entendues comme substances entièrement artificielles – ont vu le jour il y a plus d’un siècle et demi à l’occasion d’un concours lancé par deux industriels new-yorkais, Phellan et Collender, à la recherche d’un substitut à l’ivoire dans la fabrication des boules de billard. A la faveur de ce défi, les frères Hyatt créent le nitrate de cellulose (ou celluloïd) à partir de camphre et de cellulose. Cet ersatz, de moindre qualité, sera remplacé dès 1890 par une «nouvelle» matière, la galalithe.Puis, dès les débuts du XXe siècle, le développement de la chimie de synthèse permet de créer sans cesse de nouvelles matières plastiques. A chaque type de produit à fabriquer répond une technologie. On dénombre plus d’une vingtaine de méthodes de transformation, qui s’appellent tour à tour injection, extrusion, calandrage, enduction, rotomoulage, expansion, compression, pultrusion,...

Le plastique thermoformé a trouvé dans l’art de ces quarante dernières années des usages et des formes qui dépassent la trivialité supposée du matériau et font de multiples commodément produits des œuvres incontestables, souvent de vraie beauté.
Comparée aux métiers pluriséculaires de la fonte, de l’acier ou du verre, la plasturgie estune industrie jeune. Le procédé, de nature industrielle, consiste à prendre l’empreinte d’une forme grâce à une feuille de plastique plaquée contre un moule par vide d’air après avoir été chauffée. Issu du monde commercial, le thermoformage est utilisé pour l’emballage, le conditionnement et la publicité. Très rapidement, de nombreux artistes s’emparent de cette technique.Aujourd’hui partie intégrante de nos vies, les matières plastiques – entendues comme substances entièrement artificielles – ont vu le jour il y a plus d’un siècle et demi à l’occasion d’un concours lancé par deux industriels new-yorkais, Phellan et Collender, à la recherche d’un substitut à l’ivoire dans la fabrication des boules de billard. A la faveur de ce défi, les frères Hyatt créent le nitrate de cellulose (ou celluloïd) à partir de camphre et de cellulose. Cet ersatz, de moindre qualité, sera remplacé dès 1890 par une «nouvelle» matière, la galalithe.Puis, dès les débuts du XXe siècle, le développement de la chimie de synthèse permet de créer sans cesse de nouvelles matières plastiques. A chaque type de produit à fabriquer répond une technologie. On dénombre plus d’une vingtaine de méthodes de transformation, qui s’appellent tour à tour injection, extrusion, calandrage, enduction, rotomoulage, expansion, compression, pultrusion, stratification et, bien sûr, thermoformage. Dans une chronique rédigée entre 1954 et 1956, Roland Barthes décrit la fascination du public parisien face à «la conversion de la matière» et parle d’un «étonnement perpétuel» devant la matière plurielle, capable d’être transformée en étoffe autant qu’en élément de carrosserie de voiture.Lorsque Barthes publie Le plastique dans ses fameuses Mythologies (Paris 1957), la technique du thermoformage n’est pas encore au point, et pourtant le propos de l’auteur pointant la magie de la transformation de la matière convient parfaitement à ce procédé. En effet, l’un des aspects fascinants du thermoformage réside dans le mouvement et dans la vitesse. Le plastique destiné à être thermoformé se présente en feuille, tout comme du papier. Intervient ensuite le processus de chauffage de cette feuille qui épousera la forme du moule plaqué sur une table aspirant l’air. La rencontre entre le moule et la feuille ne dure que quelques millièmes de seconde, l’instant pendant lequel la lame de plastique devient relief. En clair, le résultat est une sculpture, bordée parfois d’une collerette comme seul rappel de la planéité d’origine. L’artiste américain John Tremblay (1966) voit ainsi dans le thermoformage «une forme radicale d’impression.»Si les artistes se sont vivement intéressés au plastique dès le début du XXe siècle – à partir de 1916, mais essentiellement sous une forme bidimensionnelle –, c’est à cette époque un matériau rare et très coûteux qui s’adresse plutôt à l’industrie et au design qu’à l’artisanat. En revanche, la technique du thermoformage permet aussi bien la fabrication de quelques pièces que le moulage de séries importantes et ce à moindre coût.Les tendances pop et conceptuelle de l’art des années 1960 n’ont pas manqué de s’emparer du plastique thermoformé, d’une part pour ses évidentes associations avec le monde de la publicité, l’économie de masse et l’imagerie populaire et, d’autre part, pour la dématérialisation induite de l’objet et l’extrême rationalisation du procédé – comme l’incarnent parfaitement Les Levine (1935) et Claes Oldenburg (1929).Le premier opère une critique de la société de consommation en produisant dès le début des années 1960 des pièces qu’il nomme les Disposables (Jetables) et qui seront montrés en 1966 à la Fischbach Gallery à New York. Sans passer par la fabrication d’un moule, il emprunte ses formes aux objets quotidiens qu’il thermoforme et reproduit ainsi en grande quantité mise à la disposition du public, libre de se débarrasser de l’œuvre/objet dès qu’il n’en a plus besoin, comme on jetterait n’importe quel gobelet en plastique.Oldenburg emprunte également des formes déjà existantes, qu’il assemble de façon étrange pour proposer des tableautins ludiques rassemblés sous le titre de California Ray Guns. Ray Gun signifie pistolet à rayon laser, un type d’arme souvent présent dans les scénarios de sciencefiction. Chez Oldenburg, il y a les Ray Guns que l’on fabrique et ceux que l’on trouve. Ces derniers sont le résultat d’une disposition fortuite de matières diverses prenant la forme d’un angle droit et, par association d’idées, d’un pistolet. Pour les California Ray Guns, Oldenburg s’est servi de petits reliefs en plastique, achetés sur la jetée de Santa Monica, assemblés en différentes variations et thermoformés à l’aide de plastiques de couleur. L’artiste a rapproché ces œuvres des «peintures anonymes et répétitives que l’on rencontre dans les chambres de motels»; à regarder, l’on est tenté de les comparer à quelque peinture d’Arcimboldo (1527-1593), composée de coquillages, de fleurs et de fruits.Si la plupart des artistes sont ici des sculpteurs, la peinture s’exprime également dans les multiples thermoformés. Iain Baxter& (1936) est un bel exemple de ce mélange des genres, puisqu’il exécute un grand nombre de thermoformages dès 1964 – sur une machine prévue à l’origine pour la signalétique des stationsservice – en réinterprétant les genres classiques que sont la peinture de paysage et la nature morte.Plus de vingt ans après, on assiste à l’unique incursion dans le monde du thermoformage du peintre américain Peter Halley (1953), qui copie – en transposant d’un médium à l’autre – l’une de ses propres toiles. Halley est un cas particulier puisqu’il est un des seuls artistes, avec Craig Kauffman (1932), à s’intéresser au procédé dans les années 1980. Le thermoformage connaît depuis quelques années une nouvelle actualité, empreinte sans doute d’une certaine nostalgie, autant face à l’utilisation de la méthode elle-même qu’à travers le regard d’artistes, comme Seth Price (1973) et Jim Isermann (1955), qui revisitent les années 1960 et 1970.

Gillian Wearing (1963) utilise le thermoformage de façon quasi littérale, comme on le trouve dans le commerce: sous forme d’emballages de conditionnement d’objets. D’une autre manière, l’artiste français, Xavier Veilhan (1963), pose un regard historique avec deux pièces, l’une sans titre [Les hommes en rouge] et Le Gisant, réalisées à dix ans d’intervalle. Il s’empare dans la première de l’esthétique propre à l’imagerie des stations-service ou des diners, alors qu’il «rejoue» dans la seconde le thème classique de la sculpture funéraire médiévale. Avec Chistera, l’artiste suisse Fabrice Gygi (1965) utilise le thermoformage comme moyen de réactualiser l’objet dans un contexte urbain et passe ainsi de l’osier traditionnel au plastique, du jeu sportif à la rue.Pour John Tremblay, l’idéateur de l’exposition proposée par le Cabinet des estampes de Genève, il s’agit «de montrer des travaux réalisés dans une technique utilisée par tous au moins une fois». Ainsi, à la manière de la «Fête du métal», organisée au Bauhaus en 1929, le public est invité à une étonnante «Fête du plastique» thermoformé. Et chacun de s’écrier avec Andy Warhol (1928-1987) «Everybody’s plastic – but I love plastic. I want to be plastic» !

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