Quand l’utopie devient exposition: On Every New Shadow, Lee Bul

La Fondation Cartier invite l’artiste coréenne Lee Bul, à partir du 16 novembre prochain, pour une exposition sculpturale d’une grande élégance formelle. L’espace conçu par l’architecte Jean Nouvel, dans une intention de fluidité et de transparence, accueille les pièces en dentelle d’aluminium réalisées par l’artiste. À moins que ce ne soient les pièces qui accueillent elles-mêmes l’espace.Ce n’est pas d’in situ qu’il s’agit» précise la commissaire attachée à la Fondation Cartier GraziaQuaroni, mais «d’habitat». Les pièces sont autonomes, mais leur agencement ne pourrait pas être équivalent ailleurs. L’installation proposée par Lee Bul est configurée selon des surfaces de prolongation et de propagation du visible, de l’Histoire et du sens. Il est question d’un élargissement maîtrisé des points de vue, et d’un rapport utopique à l’architecture.Artiste coréenne, âgée d’une quarantaine d’années, Lee Bul est consacrée internationalement par un travail plastique de dessin, de sculpture et de performance. Elle conçoit et réalise des formes ayant trait au corps modifié, dont certaines deviennent des corps-costumes, vêtus pour des sorties urbaines, en toute simplicité. À la croisée de la forme sculpture et du «Body art», on peut reconnaître avec évidence, dans son travail, investissement pulsionnel et onirisme. Cependant Grazia Quaroni précise que, cette fois, la démarche diffère, et qu’un autre architecte, Bruno Taut, n’y est pas étranger. Actif en Allemagne durant le premier tiers du XXe siècle, Taut est considéré par certains comme un génie visionnaire pour avoir imaginé plusieurs projets de cités idéales, dans lesquelles le verre joue un rôle prépondérant. Entre Taut...

La Fondation Cartier invite l’artiste coréenne Lee Bul, à partir du 16 novembre prochain, pour une exposition sculpturale d’une grande élégance formelle. L’espace conçu par l’architecte Jean Nouvel, dans une intention de fluidité et de transparence, accueille les pièces en dentelle d’aluminium réalisées par l’artiste. À moins que ce ne soient les pièces qui accueillent elles-mêmes l’espace.
Ce n’est pas d’in situ qu’il s’agit» précise la commissaire attachée à la Fondation Cartier GraziaQuaroni, mais «d’habitat». Les pièces sont autonomes, mais leur agencement ne pourrait pas être équivalent ailleurs. L’installation proposée par Lee Bul est configurée selon des surfaces de prolongation et de propagation du visible, de l’Histoire et du sens. Il est question d’un élargissement maîtrisé des points de vue, et d’un rapport utopique à l’architecture.Artiste coréenne, âgée d’une quarantaine d’années, Lee Bul est consacrée internationalement par un travail plastique de dessin, de sculpture et de performance. Elle conçoit et réalise des formes ayant trait au corps modifié, dont certaines deviennent des corps-costumes, vêtus pour des sorties urbaines, en toute simplicité. À la croisée de la forme sculpture et du «Body art», on peut reconnaître avec évidence, dans son travail, investissement pulsionnel et onirisme.

Cependant Grazia Quaroni précise que, cette fois, la démarche diffère, et qu’un autre architecte, Bruno Taut, n’y est pas étranger. Actif en Allemagne durant le premier tiers du XXe siècle, Taut est considéré par certains comme un génie visionnaire pour avoir imaginé plusieurs projets de cités idéales, dans lesquelles le verre joue un rôle prépondérant. Entre Taut et l’espace conçu par Jean Nouvel, Lee Bul endosse de nouveau un corps, celui d’un liant. Endossement dont témoignent les corps chrysalides en suspens dans le projet d’installation.Cependant le liant n’est pas neutre, mais actif. Il n’y a pas fusion des références, mais aménagement de nouvelles possibilités de rapport à l’espace pour le visiteur, et installation de plusieurs pôles de sens. Le passage de Bruno Taut à Jean Nouvel, et de Jean Nouvel à Bruno Taut, en passant par Lee Bul, se fait en même temps que la présence de cette dernière est sensible comme productrice de formes. L’installation proposée est remarquable en ceci que la légèreté des formes n’est pas entamée par la complexité du jeu.Concrètement: le sol est intégralement couvert d’une surface miroir, redoublant ainsi la transparence du lieu. Les pièces sont comme des luminaires, mais plutôt que d’œuvrer à une diffusion de la lumière, ces luminaires travaillent sur les pleins et les vides. Ils travaillent donc aussi sur l’espace. Si les pièces valent pour elles-mêmes comme objets visibles, elles ne « prennent pas place » comme s’il s’agissait de sculptures focalisant l’attention du regard. Accrochées en hauteur, elles disposent un espace, ouvert à un regard qui construit.Sur les bords, des niches narratives. Le visiteur, actif jusqu’ici comme présence, est sollicité maintenant comme conteur: d’abord par l’écoute ténue d’une bande-son alimentée durant l’exposition. Ensuite par la prise d’une silhouette dans une pierre translucide. Enfin, par un étrange bain d’eau noire. Les signes narratifs (les allusions ont trait à l’histoire de la Corée, mais peu importe) installent la diffraction des significations. Dans cette plurivocité des marges, le lieu délicat des pièces suspendues, chargé d’émotion, s’accointe dorénavant à une ou plusieurs histoires: retour à l’onirisme de l’œuvre de Lee Bul avant Cartier, ou captation des références à l’utopie dont les sculptures aériennes sont les dessins…

Dans le champ dégagé, la dynamique de l’espace s’effectue entre l’équilibre des suspens et le caractère aléatoire du positionnement des visiteurs. Fragilité dont les spectateurs eux-mêmes sont la fonction motrice. Entre l’attente et la succession des visiteurs, l’espace se transpose, comme le disait Grazia Quaroni, en habitat, au sens où leur présence affecte l’espace de manière tangible. Voilà ce que l’art rend possible.Certes, «on peut détacher les choses» rappelle la commissaire, d’ailleurs les pièces seront sans doute dispersées après l’exposition. Cependant, avec la Fondation Cartier, Lee Bul met à profit une «opportunité d’artiste», celle d’engager avec un espace spécifique un propos sensible qui n’a que peu de chance de pouvoir se tenir ailleurs. En l’occurrence, interroger la vocation de l’architecture, interroger son rapport à l’art: des thèmes que l’artiste n’affranchit pas du passé, au sens de l’inscription dans une tradition qui devient par là même transnationale. Autre aspect de l’utopie. Laquelle se propose enfin au présent de l’exposition.

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