Renoir après l’impressionnisme

Vers 1883 – confia Renoir, un jour, à Ambroise Vollard –, il s’était fait comme une cassure dans mon œuvre. J’étais alléjusqu’au bout de l’impressionnisme et j’arrivais à cette constatation que je ne savais ni peindre, ni dessiner. En un mot, j’étais dans une impasse.» Il avait alors quarante-deux ans et, après des années difficiles, commençait à être apprécié par les marchands et les collectionneurs. Ainsi, Le Bal du Moulin de la Galette (1876) avait été acheté par Caillebotte et Le Déjeuner des canotiers (1881) par Durand-Ruel. Mais le choc ressenti devant les peintures de Pompéi et la découverte de Raphaël durant son séjour en Italie, d’octobre 1881 à janvier 1882, l’incita à tourner le dos aux principes de l’impressionnisme – le plein air, les effets transitoires, la touche rapide – et à travailler de nouveau en atelier. Renoir se mit alors à préparer ses compositions par de nombreuses études, au crayon et à la sanguine, et à étudier la technique des vieux maîtres. «J’ai repris, pour ne plus la quitter – écrit-il à Durand-Ruel, vers 1888 – l’ancienne peinture, douce et légère… Ce n’est rien de nouveau, mais c’est une suite aux tableaux du XVIIIe siècle… (Fragonard en moins bien).»En effet, aucune toile n’illustre mieux que Les Grandes baigneuses (1884-1887) cette nouvelle manière de peindre à laquelle est consacrée l’exposition du Grand Palais, la première de cette importance depuis vingt-cinq ans. Reprenant un sujet cher à Fragonard et à Boucher, Renoir le traite à la manière d’Ingres et donne...

Vers 1883 – confia Renoir, un jour, à Ambroise Vollard –, il s’était fait comme une cassure dans mon œuvre. J’étais alléjusqu’au bout de l’impressionnisme et j’arrivais à cette constatation que je ne savais ni peindre, ni dessiner. En un mot, j’étais dans une impasse.» Il avait alors quarante-deux ans et, après des années difficiles, commençait à être apprécié par les marchands et les collectionneurs. Ainsi, Le Bal du Moulin de la Galette (1876) avait été acheté par Caillebotte et Le Déjeuner des canotiers (1881) par Durand-Ruel. Mais le choc ressenti devant les peintures de Pompéi et la découverte de Raphaël durant son séjour en Italie, d’octobre 1881 à janvier 1882, l’incita à tourner le dos aux principes de l’impressionnisme – le plein air, les effets transitoires, la touche rapide – et à travailler de nouveau en atelier. Renoir se mit alors à préparer ses compositions par de nombreuses études, au crayon et à la sanguine, et à étudier la technique des vieux maîtres. «J’ai repris, pour ne plus la quitter – écrit-il à Durand-Ruel, vers 1888 – l’ancienne peinture, douce et légère… Ce n’est rien de nouveau, mais c’est une suite aux tableaux du XVIIIe siècle… (Fragonard en moins bien).»En effet, aucune toile n’illustre mieux que Les Grandes baigneuses (1884-1887) cette nouvelle manière de peindre à laquelle est consacrée l’exposition du Grand Palais, la première de cette importance depuis vingt-cinq ans. Reprenant un sujet cher à Fragonard et à Boucher, Renoir le traite à la manière d’Ingres et donne à son tableau le sous-titre «Essai de peinture décorative». Expression d’une beauté idéale, dissociée de tout contexte historique et géographique, cette toile marque la rupture définitive de Renoir avec l’impressionnisme. «Il faut faire la peinture de son temps, dit-il encore. Mais c’est là, au musée, qu’on prend le goût de la peinture que la nature ne peut pas, seule, vous donner.»Le nu occupera désormais une place dominante dans sa peinture. Il le reprendra sous toutes ses formes: baigneuses, endormies ou assises, aux cheveux longs ou se coiffant, cariatides, jugements de Pâris, Vénus couchées. Jamais il ne se lassera de leur luxuriante plénitude.Autre motif caractéristique de cette période: les scènes d’intérieur symbolisées à merveille par les différentes versions de Jeunes filles au piano. Exposée au musée du Luxembourg, la version de 1892 avait été aussitôt acquise par l’État français. Reproduites à satiété, ces scènes familiales ont fait de Renoir le peintre par excellence de la bourgeoisie de la Belle Époque.Souffrant de polyarthrite, Renoir prend l’habitude de passer la mauvaise saison dans le Midi. En 1907, il achète une propriété à Cagnes-surMer, près de Nice, «Les Collettes». Il y reçoit de nombreuses visites de jeunes peintres: Maurice Denis, Signac, Bonnard, Matisse, Derain, Picasso. Les expositions se multiplient, en France, mais aussi en Allemagne, en Italie, en Russie et aux États-Unis. Renoir a même la satisfaction de voir entrer certains de ses tableaux au Louvre (légués par Isaac de Camondo). Ce qui n’altère en rien sa modestie: «Lorsque je regarde les maîtres anciens, je me fais l’effet d’un bien petit bonhomme et pourtant je crois que de tous mes ouvrages il restera assez pour m’assurer une place dans l’école française, cette école que j’aime tant, qui est si gentille, si claire, de si bonne compagnie… Et pas tapageuse.» Renoir est devenu un classique de son vivant; il l’a parfois payé après sa mort. Il est temps d’y regarder de plus près.

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