Repenser la peinture

Le Musée d’Art Contemporain de Gênes retrace les expérimentations de la Nuova Pittura des années soixante-dix. Course technologique effrénée, croissance démesurée des médias, formidable dilatation de l’activité intellectuelle… Le XXesiècle fut celui des accélérations, y compris dans la production artistique, bousculée plus que jamais par les soubresauts sociopolitiques. En peinture, le bilan est proprement ahurissant après un siècle d’impressionnisme, de fauvisme, de cubisme, d’art abstrait, de futurisme, de muralisme, de surréalisme, de Pop Art, d’expressionnisme abstrait ou d’Action Painting… Des langages si différents qui ont défilé à tombeau ouvert, défiant plus vite que jamais les lois de l’esthétique connues depuis l’antiquité.À la fin des années soixante, le besoin de révolutions à la hauteur de cette frénésie fait naître plusieurs mouvements en quête de table rase. L’Art Conceptuel ouvre ainsi de gigantesques domaines d’exploration. En réaction à la dématérialisation qu’il implique, c’est aussi l’éclosion d’un mouvement qui veut certes remettre les cadrans à zéro, mais rester en même temps fidèle au support… C’est en Italie la Nuova Pittura, ou Pittura Analitica, des tableaux monochromes ou parfois sans couleur, puissante aspiration à la page blanche ressentie dans un pays particulièrement marqué par son colossal héritage pictural. À l’exposition Pittura organisée en 1975 au Palazzo Ducale de Gênes, les toiles sont exposées sur des structures d’échafaudage, et placées devant les décorations baroques des murs du palais. L’installation parle d’elle-même: on ne touche pas au passé – il est visible en arrière-plan –, mais on lui tourne le dos. Un exemple qui reflète l’intensité...

Le Musée d’Art Contemporain de Gênes retrace les expérimentations de la Nuova Pittura des années soixante-dix.

Course technologique effrénée, croissance démesurée des médias, formidable dilatation de l’activité intellectuelle… Le XXesiècle fut celui des accélérations, y compris dans la production artistique, bousculée plus que jamais par les soubresauts sociopolitiques. En peinture, le bilan est proprement ahurissant après un siècle d’impressionnisme, de fauvisme, de cubisme, d’art abstrait, de futurisme, de muralisme, de surréalisme, de Pop Art, d’expressionnisme abstrait ou d’Action Painting… Des langages si différents qui ont défilé à tombeau ouvert, défiant plus vite que jamais les lois de l’esthétique connues depuis l’antiquité.À la fin des années soixante, le besoin de révolutions à la hauteur de cette frénésie fait naître plusieurs mouvements en quête de table rase. L’Art Conceptuel ouvre ainsi de gigantesques domaines d’exploration. En réaction à la dématérialisation qu’il implique, c’est aussi l’éclosion d’un mouvement qui veut certes remettre les cadrans à zéro, mais rester en même temps fidèle au support… C’est en Italie la Nuova Pittura, ou Pittura Analitica, des tableaux monochromes ou parfois sans couleur, puissante aspiration à la page blanche ressentie dans un pays particulièrement marqué par son colossal héritage pictural. À l’exposition Pittura organisée en 1975 au Palazzo Ducale de Gênes, les toiles sont exposées sur des structures d’échafaudage, et placées devant les décorations baroques des murs du palais. L’installation parle d’elle-même: on ne touche pas au passé – il est visible en arrière-plan –, mais on lui tourne le dos. Un exemple qui reflète l’intensité des débats sur le langage dela peinture, sur l’existence même de l’art ou le rôle politique de l’artiste. Les discussions visent à récupérer les valeurs intrinsèques de la peinture et ses origines lointaines, mais souffrent parfois d’un excès de théorie, édifiant à nouveau de hautes barrières entre peinture et anti-peinture, entre Peinture Analytique et Art Conceptuel. La Nuova Pittura peine donc à trouver une unité de mouvement – au contraire de l’Arte Povera – mais on ne peut nier aujourd’hui certaines constantes: la nonplanification de la démarche picturale, la réflexion sur les matériaux employés au-delà de l’influence de la tradition, ou le rapport entre l’œuvre et le spectateur, contraint à une lecture progressive du processus créatif.L’exposition Pensare Pittura du Musée d’Art Contemporain Villa Croce de Gênes offre un extraordinaire instantané de ce moment, au début des années soixante-dix. Très vaste, elle élargit son champ à d’autres pays européens (Belgique, Allemagne, GrandeBretagne, France ou Hollande) et aux ÉtatsUnis. On y admire la poésie des bandes colorées de Giorgio Griffa, qui entre en résonance avec celle – bien que plus rigide – de Daniel Buren, ou avec les motifs colorés et répétés de Claude Viallat, membre de l’éphémère groupe Supports / Surfaces. Les cadres blancs de Robert Ryman dialoguent avec les carrés superposés de Josef Albers, précurseur de l’Op art, et emblème de l’exposition ellemême. Avec ses toiles proprement fendues, comme victimes d’un assassinat méticuleusement réfléchi, Lucio Fontana semble même nous demander: ne faut-il pas tuer la peinture pour la faire renaître ?


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