Splendeurs omeyyades

Quel ne dut pas être le soulagement des populations proche-orientales àl’avènement des Omeyyades, première dynastie musulmane de l’Histoire. Souvenons-nous: depuis l’Antiquité tardive, le Proche-Orient échappe régulièrement au contrôle de l’Empire romain, suite à des insurrections internes - la plus fameuse restera celle de Zénobie, reine de Palmyre - mais aussi et surtout sous la pression extérieure des puissances parthe, puis perse, toujours désireuses d’un débouché sur la Méditerranée. Byzance, occupée sur plusieurs fronts, est bien incapable d’offrir paix et stabilité à cette région, qui tombe aux mains des Perses durant quinze ans (613-628).Paradoxalement, c’est à cette même Byzance que l’on doit la naissance de la puissance omeyyade. Depuis Justinien, la Rome d’Orient réalise qu’il lui est impossible de maintenir sur place suffisamment de légions pour assurer sa domination. Aussi, elle confie la défense et l’administration de la région à des tribus arabes chrétiennes, mieux à même de se faire respecter par les ethnies locales qu’un pouvoir aussi lointain.Les Omeyyades sont une famille de notables issus de la tribu des Qouraychites, celle-là même à laquelle appartenait Mahomet. Leur premier véritable chef, Mou’awiya, est un converti à l’islam, qui va parvenir à s’imposer sur le Proche-Orient à la mort de son ennemi Ali, le gendre de Mahomet. Désigné calife (terme qui signifie successeur du prophète) à Jérusalem en 661, il va rapidement établir sa capitale à Damas, et instaurer un pouvoir absolu et héréditaire.Sa tolérance envers les communautés chrétiennes, juives et zoroastriennes est aussi généreuse qu’intéressée: la prospérité de ces populations, constituées...

Quel ne dut pas être le soulagement des populations proche-orientales àl’avènement des Omeyyades, première dynastie musulmane de l’Histoire. Souvenons-nous: depuis l’Antiquité tardive, le Proche-Orient échappe régulièrement au contrôle de l’Empire romain, suite à des insurrections internes – la plus fameuse restera celle de Zénobie, reine de Palmyre – mais aussi et surtout sous la pression extérieure des puissances parthe, puis perse, toujours désireuses d’un débouché sur la Méditerranée. Byzance, occupée sur plusieurs fronts, est bien incapable d’offrir paix et stabilité à cette région, qui tombe aux mains des Perses durant quinze ans (613-628).Paradoxalement, c’est à cette même Byzance que l’on doit la naissance de la puissance omeyyade. Depuis Justinien, la Rome d’Orient réalise qu’il lui est impossible de maintenir sur place suffisamment de légions pour assurer sa domination. Aussi, elle confie la défense et l’administration de la région à des tribus arabes chrétiennes, mieux à même de se faire respecter par les ethnies locales qu’un pouvoir aussi lointain.Les Omeyyades sont une famille de notables issus de la tribu des Qouraychites, celle-là même à laquelle appartenait Mahomet. Leur premier véritable chef, Mou’awiya, est un converti à l’islam, qui va parvenir à s’imposer sur le Proche-Orient à la mort de son ennemi Ali, le gendre de Mahomet. Désigné calife (terme qui signifie successeur du prophète) à Jérusalem en 661, il va rapidement établir sa capitale à Damas, et instaurer un pouvoir absolu et héréditaire.Sa tolérance envers les communautés chrétiennes, juives et zoroastriennes est aussi généreuse qu’intéressée: la prospérité de ces populations, constituées d’habiles artisans et de riches commerçants, procure en effet un impôt substantiel au califat. C’est aussi dans ce vivier que Mou’awiya et ses successeurs vont trouver les artistes et les architectes de leurs réalisations les plus somptueuses.Avec eux, un nouvel art va naître, subtil mélange d’héritages hellénistiques, romains, byzantins, sassanides et d’innovations dictées par le goût des califes et les messages de la nouvelle religion. Le premier exemple de l’architecture omeyyade, certainement le plus célèbre, est le Dôme du Rocher, troisième lieu saint de l’islam. Il surgit sur l’esplanade des mosquées, dominant toute la ville de Jérusalem, sur le lieu même où Mahomet a entrepris son rêve initiatique dans les cieux. L’érection du bâtiment remonte à la conquête musulmane de la ville, en 637, mais l’édifice ne sera achevé que sous le règne du puissant Abd al-Malik, en 691. Son plan octogonal et ses deux galeries interieures circulaires sont clairement d’inspiration byzantine, de même que la technique des somptueuses décorations en mosaïque, qui révèlent cependant une influence sassanide évidente et, surtout, comportent pour la première fois de longs florilèges calligraphiques formés par des versets du Coran. Un quart de siècle plus tard, en 715, Walid Ier parachèvera la grandeur de l’esplanade avec la construction de la grande mosquée Al-Aqsa.Mais pour saisir pleinement le raffinement des Omeyyades, quittons les lieux saints pour découvrir leurs palais jordaniens. A Amman, l’une des villes les plus prospères du califat et siège d’un gouverneur, croisement des routes commerciales les plus importantes, la résidence princière se trouve au sommet de la citadelle, sur la plus haute colline de la ville, où s’élevait déjà l’acropole ammonite, hellénistique puis romaine de Philadelphie. Il n’en subsiste aujourd’hui de vraiment représentatif que la porte monumentale du palais, de forme carrée surmontée par un dôme qui n’est pas sans rappeler, justement, celui du Rocher.En quittant la capitale Jordanienne vers l’Orient, on abandonne bien vite les collines verdoyantes pour s’enfoncer dans le désert rocailleux. A une cinquantaine de kilomètres, on découvre avec stupeur, au milieu de nulle part, un impressionnant fortin, le Qsayr al-Kharrana, érigé par Abd al-Malik ou par Walid Ier. Malgré l’apparence extérieure trompeuse de château-fort, il s’agit en fait d’une résidence fastueuse, dotée de toutes les commodités et construite avec un raffinement et une délicatesse hors pair, grâce surtout au recours à des techniques perses de construction et de décoration avec, entre autres, de multiples ornements en stuc créant un décor intérieur voluptueux. Situé le long d’une importante voie caravanière menant à Baghdad, le Qsayr al-Kharrana servait essentiellement aux gouverneurs pour mener des négociations commerciales et pacificatrices avec les tribus du désert.Un peu plus loin, toujours en direction de Baghdad – ironie du sort: c’est encore aujourd’hui la seule route directe entre les deux capitales – le voyageur atteint Qsayr Amra. Autrefois gigantesque palais érigé sur une oasis aujourd’hui disparue, il n’en subsiste que les thermes, dont les fresques sont probablement le plus beau chefd’oeuvre omeyyade parvenu jusqu’à nous. Dans l’intimité de ces bains princiers, érigés eux aussi par Walid Ier (705-715), on est frappé par l’étendue et la liberté de la pensée du souverain. Des tableaux montrent des scènes de la vie quotidienne: des artisans au travail, des caravaniers et leurs dromadaires, desparties de chasse, des divertissements. Mais aussi les rêveriesles plus intimes des princes, comme ces naïades dévêtues, ou encore leur vaste érudition, comme cette voûte céleste ponctuée des principales constellations. A Qsayr Amra, incroyable synthèse de cet Islam de progrès, on comprend ce qui va faire la force des nouveaux maîtres de l’Orient, et bientôt de l’Occident jusqu’aux Pyrénées: l’absorption des arts et des sciences antiques – méditerranéens et orientaux -, associée à une religion favorisant un gouvernement simple et direct, aboutissant ainsi à la création d’une identité propre à la richesse culturelle inégalée.Plus au Nord, sur une des routes qui menait d’Amman vers la Syrie, on ne peut manquer le Qasr al-Hallabat et les thermes voisins de Hammam al-Sarah.

Construite au VIIIe siècle, la citadelle reprend les murs portants d’un fort militaire byzantin, tout en disposant à l’intérieur des salles de prestige ornées de mosaïques, de fresques et de stucs. A l’extérieur de cette résidence de plaisir, qui domine une vaste étendue de petites collines cultivées, on trouve une mosquée, des citernes et des installations agricoles. A deux kilomètres, dans la plaine, les thermes d’Hammam alSarah impressionnent par le soin de leur maçonnerie, et par la subtile technique thermale «romaine» toujours parfaitement maîtrisée.C’est à quelques kilomètres au Sud d’Amman, sur la route qui traverse le Royaume hachémite pour aboutir au port d’Aqaba, que se termine notre voyage, sur un site aussi beau que tragique, celui dugigantesque palais de Qsayr al-Mouchatta. Ce devait être la résidence d’agrément de Walid II (743-744). Grand constructeur, amateur de poésie, de musique et de vin, il voulait un palais à son image. Il meurt assassiné par des religieux et, peu après, la dynastie omeyyade s’éteint. Les Abbassides remplacent alors la noble lignée qui aura conduit l’islam jusqu’à Cordoue et unifié tout le Sud de la Méditerranée, de la Syrie aux confins du Maroc. Quant au palais, inachevé, il ne sera jamais habité et subira une fin aussi triste que celle de son concepteur: son florilège de bas-reliefs ornés de motifs végétaux sera arraché des façades, et offerte en cadeau par le sultan Abd al-Hamid à l’empereur Guillaume II. Transporté à Berlin, il est aujourd’hui encore l’un des joyaux du Pergamonmuseum.

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