Sugimoto

Conceptual Forms, la dernière série de photographies de Hiroshi Sugimoto fait l’objet d’un magnifique livre qui réunit deux domaines de créativité: l’art et la science. Par son talent d’illusionniste, Sugimoto transforme des modèles scientifiques en volumes intrigants.Il faut se méfier des photographes qui trichent avec la réalité. Nous pensons que ce qui apparaît sur unephotographie passe nécessairement pour vrai mais ne tombons pas dans le piège face aux clichés du photographe japonais qui, comme à son habitude, s’amuse à remplacer une image par une image virtuelle.Il procédait déjà ainsi lors de l’exposition Portraits (Guggenheim Museum, 2001) qui mettait en scène des photographies de mannequins en cire de personnages historiques ou contemporains. Les mannequins de cire deviennent par l’artifice photographique de véritables portraits. De cette façon, le photographe invertit la «réalité» de l’image, l’objet photographié n’est plus ce qu’il était avant d’être immortalisé. L’inversion de la réalité provoque l’illusion photographique et par ce procédé Sugimoto pose la question du simulacre dans l’art.En transposant «l’illusion» à un autre sujet, Sugimoto a réalisé sa dernière exposition Etant donné : Le Grand Verre (Fondation Cartier Paris, 2005)constituée d’une série de quarantequatre photos réalisées à partir de deux collections d’objets (Mathematical Formset Mechanical Forms) provenant des collections de spécimens scientifiques de l’université de Tokyo. Ces modèles furent créés au XIXe siècle comme supports pédagogiques illustrant l’histoire des sciences. La première collection d’objets rassemble des volumes stéréométriques en plâtre qui permettent de visualiser en trois dimensions des fonctions trigonométriques complexes et la deuxième réunit des objets...

Conceptual Forms, la dernière série de photographies de Hiroshi Sugimoto fait l’objet d’un magnifique livre qui réunit deux domaines de créativité: l’art et la science. Par son talent d’illusionniste, Sugimoto transforme des modèles scientifiques en volumes intrigants.
Il faut se méfier des photographes qui trichent avec la réalité. Nous pensons que ce qui apparaît sur unephotographie passe nécessairement pour vrai mais ne tombons pas dans le piège face aux clichés du photographe japonais qui, comme à son habitude, s’amuse à remplacer une image par une image virtuelle.Il procédait déjà ainsi lors de l’exposition Portraits (Guggenheim Museum, 2001) qui mettait en scène des photographies de mannequins en cire de personnages historiques ou contemporains. Les mannequins de cire deviennent par l’artifice photographique de véritables portraits. De cette façon, le photographe invertit la «réalité» de l’image, l’objet photographié n’est plus ce qu’il était avant d’être immortalisé. L’inversion de la réalité provoque l’illusion photographique et par ce procédé Sugimoto pose la question du simulacre dans l’art.En transposant «l’illusion» à un autre sujet, Sugimoto a réalisé sa dernière exposition Etant donné : Le Grand Verre (Fondation Cartier Paris, 2005)constituée d’une série de quarantequatre photos réalisées à partir de deux collections d’objets (Mathematical Formset Mechanical Forms) provenant des collections de spécimens scientifiques de l’université de Tokyo. Ces modèles furent créés au XIXe siècle comme supports pédagogiques illustrant l’histoire des sciences. La première collection d’objets rassemble des volumes stéréométriques en plâtre qui permettent de visualiser en trois dimensions des fonctions trigonométriques complexes et la deuxième réunit des objets mécaniques qui servent à illustrer les différents mouvements des machines modernes, comme par exemple la manivelle et roue dentée.A première vue, ces objets n’ont rien d’artistique mais ce qui a poussé Sugimoto à en faire des œuvres d’art est l’approfondissement de sa recherche sur l’illusion en produisant une image virtuelle d’un objet qui n’a été créé sans aucune intention artistique. «L’art peut naître sans qu’il y ait d’intention artistique a priori; peut-être n’est-il alors que meilleur» exprime Sugimoto dans la préface du livre.Le talent de Sugimoto se révèle par sa capacité à extraire des objets scientifiques une représentation idéale de la beauté, sa photographie dérobe aux objets leur contexte et annihile leur taille réelle. Les modèles apparaissent sur fond noir comme des volumes suspendus dans l’ombre. Ils se métamorphosent en corps démesurés, anonymes.«Si des personnages de cire peuvent avoir l’air vivant, alors pourquoi pas des équations mathématiques?» s’interroge Sugimoto. Les volumes et modèles scientifiques devaient illustrer des formules mathématiques liées aux découvertes scientifiques du XIXe et XXe siècle mais Sugimoto leur offre un nouveau destin: comme par magie illusionniste, il conçoit une image artistique de ces modèles. A partir des portraits de cire, il ressuscite la vie et avec des modèles scientifiques, il crée des sculptures abstraites.L’originalité de l’œuvre de Sugimoto provient du mélange des cultures orientales et occidentales. Il a étudié la photographie à Los Angeles et New York, le titre de son exposition fait référence à l’œuvre Le Grand Verre ou La Mariée mise à nu par ses célibataires, même (1923) de Marcel Duchamp et son approche photographique de la lumière n’est pas étrangère à la culture japonaise. Comme le souligne l’écrivain japonais Junichiro Tanizaki dans l’Eloge de l’ombre, les différentes conceptions artistiques des Occidentaux et des Orientaux peuvent se résumer par la préférence de la lumière pour les premiers et la mise en valeur de l’ombre pour les seconds. Tanizaki refuse le modernisme qui a institué, avec l’électricité, la prééminence de la vue sur les autres fonctions sensorielles, tout comme Sugimoto refuse cette prédominance dela vision et préfère valoriser l’ombre pour mettre en valeur l’objet photographié.Transfigurés par le processus photographique, les modèles mathématiques se muent en sculptures incomparables à l’aspect premier du modèle. Cela pose le problème de la fiction et de la réalité de l’image. Avec ses photographies, Sugimoto illustre le potentiel de la «réalité de l’illusion», la multiplication du simulacre dans l’art d’aujourd’hui et pose la question des relations entre la réalité et la représentation. La démarche artistique de Sugimoto ouvre une série d’interrogations intéressantes dans la mesure où le remplacement de la réalité par une «réalité virtuelle» est une problématique constante du monde médiatique actuel.

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