TOM WESSELMANN

Tom Wesselmann (1931-2004) est le seul protagoniste de sa génération associé au pop art qui n’avait pas encore fait l’objet d’une présentation majeure en Amérique du Nord. Le musée des Beaux-Arts de Montréal lui rend enfin un hommage mérité. Présentée jusqu’au 7 octobre, l’exposition sera redéployée au printemps 2013, au Virginia Museum of Fine Arts de Richmond (NY). Côté européen, l’artiste est représenté en permanence par la galerie parisienne Pascal Lansberg, dans le VIe arrondissement, au cœur de Saint-Germain. Surfant sur la vague pop, les expositions personnelles de l’artiste débutent en 1961 et s’enchaînent durant toute la décennie qui suit, principalement à New York, avec un succès retentissant. Mais il n’en sera pas toujours ainsi. Au dos du livre de Slim Stealingworth, on lit en effet que: «Plusieurs critiques ont dit de Tom Wesselmann qu’il était le peintre le plus sous-estimé de la génération du pop art». Stealingworth n’est autre que Wesselmann lui-même, qui, souffrant de l’indifférence des institutions à son égard, décide, en 1980, de publier sa propre biographie sous un pseudonyme. Malgré l’attention accrue que lui valut cette parution, ce sentiment d’être incompris par ses compatriotes ne le quittera pas, et ce jusqu’à son dernier souffle. À noter en effet que la seule exposition bilan (Tom Wesselmann: A Survey, 1959–1993) qui s’est tenue de son vivant, n’a été montrée qu’au Japon et en Europe au début des années quatre-vingt-dix. Mais rien de tel aux États-Unis. Les années ont passé, son style a changé, les mœurs aussi et la...

Tom Wesselmann (1931-2004) est le seul protagoniste de sa génération associé au pop art qui n’avait pas encore fait l’objet d’une présentation majeure en Amérique du Nord. Le musée des Beaux-Arts de Montréal lui rend enfin un hommage mérité. Présentée jusqu’au 7 octobre, l’exposition sera redéployée au printemps 2013, au Virginia Museum of Fine Arts de Richmond (NY). Côté européen, l’artiste est représenté en permanence par la galerie parisienne Pascal Lansberg, dans le VIe arrondissement, au cœur de Saint-Germain.

Surfant sur la vague pop, les expositions personnelles de l’artiste débutent en 1961 et s’enchaînent durant toute la décennie qui suit, principalement à New York, avec un succès retentissant. Mais il n’en sera pas toujours ainsi. Au dos du livre de Slim Stealingworth, on lit en effet que: «Plusieurs critiques ont dit de Tom Wesselmann qu’il était le peintre le plus sous-estimé de la génération du pop art». Stealingworth n’est autre que Wesselmann lui-même, qui, souffrant de l’indifférence des institutions à son égard, décide, en 1980, de publier sa propre biographie sous un pseudonyme. Malgré l’attention accrue que lui valut cette parution, ce sentiment d’être incompris par ses compatriotes ne le quittera pas, et ce jusqu’à son dernier souffle. À noter en effet que la seule exposition bilan (Tom Wesselmann: A Survey, 1959–1993) qui s’est tenue de son vivant, n’a été montrée qu’au Japon et en Europe au début des années quatre-vingt-dix. Mais rien de tel aux États-Unis.

Les années ont passé, son style a changé, les mœurs aussi et la réception de son travail avec. Les premiers nus de 1961 (Great American Nudes) mettaient en scène des silhouettes féminines aux formes parfaites et à l’érotisme discret et faisaient écho à l’hédonisme de ces années-là. Mais dès que l’artiste commença à représenter des poses plus suggestives, la critique féministe naissante s’indigna et lui reprocha de se placer sous un angle spécifiquement masculin. Lui qui a pris principalement son épouse pour modèle souffrira toute sa vie de ce malentendu critique.

Né en 1931 à Cincinnati dans l’Ohio, Wesselmann pourrait être considéré simplement comme le descendant de Titien, de Goya, d’Ingres, de Degas, de Renoir ou de Bonnard. Mais ses nus, inspirés par les poses iconiques des odalisques, ont dérangé longtemps. Parce qu’inspirés également des images de pin-ups dans les magazines de charme. Dépersonnalisés, ses nus sont réduits à l’état de sex-symbols et posent dans un environnement stérile. Le peintre en accentue le côté alangui et séducteur avec une stylisation sans complaisance. Plus encore, il ajoute à la puissance expressive – mais somme toute décorative – d’un Matisse, la violence du sujet qui peut choquer, telle qu’on peut la rencontrer chez Courbet. «Le nu féminin avait acquis une respectabilité conférée par les maîtres – Titien et Manet. On devait désormais compter avec moi !» expliquait l’artiste qui peignait des femmes à la sauce américaine à l’aide de drapeaux, d’étoiles, de portraits de présidents ou de photographies de paysages.

Tom Wesselmann se considérait moins comme un artiste «pop» – désignation réductrice, à son sens, car trop tournée vers le contenu –, que comme un plasticien «formaliste», concerné principalement par les questions de la peinture: formes et couleurs doivent s’entrechoquer sur la toile. «Wesselmann n’aime pas le terme «pop art» […]. La motivation de Wesselmann, celle qui propulse son art, n’est pas différente de celle de tout autre artiste plasticien dans l’histoire: il veut donner une forme à ses découvertes personnelles sur ce qui est beau et stimulant à ses yeux. Il considère l’art comme une expérimentation continue et sans fin. Son objectif est la croissance et cet objectif n’est jamais atteint puisque l’art ne doit pas cesser d’être en mouvement», confie Stealingworth, autrement dit Wesselman, sur lui-même. Élaborant des structures abstraites avec des éléments figuratifs, l’Américain développe un style que l’on peut qualifier de «figuratif abstrait ». Aplats de couleurs appliqués avec soin, mises en scène équilibrées et palette graphique parfaitement maîtrisée lui permettent d’illustrer des moments colorés tels qu’on les reconnaît dans les panneaux publicitaires. Il s’intéresse par ailleurs aux enjeux de forme et d’échelle: il découpe parfois la forme de la toile en suivant les contours de l’image peinte, utilise d’autres fois l’espace négatif des formes découpées comme des éléments de composition. La pratique du collage perdure également.

«Wesselmann réactive avant tout l’aura scandaleuse de ces images licencieuses (Olympia…) devenues aujourd’hui des symboles de beauté paradoxalement décoratifs. Visages sans regard, toutes lèvres ouvertes, mamelons dressés, orgasmes explicites, gros plans hypersexualisés […] Comme Rodin ou Klimt dans ses dessins, il est dans le désir […] Faudra-t-il attendre le siècle prochain pour regarder avec détachement ces tableaux politiquement incorrects car ils ne dénoncent rien et ne montrent que la beauté ?», assène Nathalie Bondil, directrice du musée des Beaux-Arts de Montréal. Longtemps restés frileux à l’égard des silhouettes sensuelles de Wesselmann, les musées nord-américains – qui avaient mal vécu le scandale de l’exposition des photographies de Robert Mapplethorpe dans les années 1980 – osent enfin. Mais pouvait-il en aller autrement à l’ère des corps lissés par les bistouris ou par Photoshop ?

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